le genou à terre, un geste « inscrit dans l’histoire des droits civiques »

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Des manifestants devant un commissariat à Detroit, dans le Michigan, le 30 mai 2020.
Des manifestants devant un commissariat à Detroit, dans le Michigan, le 30 mai 2020. SETH HERALD / AFP

Mettre un genou à terre pour rendre hommage à George Floyd et dénoncer le racisme. Alors que les manifestations se poursuivent dans de nombreuses villes aux Etats-Unis après la mort, le 25 mai, de cet Afro-Américain de 46 ans lors de son interpellation par la police de Minneapolis (Minnesota), ce geste est largement repris par les participants aux rassemblements.

Et pas seulement. Le candidat démocrate à la présidentielle américaine, Joe Biden, s’est lui aussi agenouillé le temps d’une photo, lundi à Wilmington (Delaware). Et certains membres des forces de l’ordre ont également posé un genou à terre, dans plusieurs villes américaines, en signe de solidarité avec les manifestants.

Des membres des forces de l’ordre posent un genou à terre, à Philadelphie, le 1er juin.
Des membres des forces de l’ordre posent un genou à terre, à Philadelphie, le 1er juin. Matt Rourke / AP

Ce geste symbolique a fait le tour du monde. Il a par exemple été repris lors d’un rassemblement à Montréal, au Canada, par des dizaines de personnes. Mardi, des manifestants rassemblés à Paris contre les violences policières, quatre ans après la mort d’Adama Traoré à la suite de son interpellation brutale par des gendarmes, ont également posé genou à terre. Le footballeur français Marcus Thuram, qui évolue au Borussia Mönchengladbach, en Allemagne, a ainsi célébré dimanche son but avec ce geste.

Marcus Thuram célèbre dimanche son but en mettant un genou à terre.
Marcus Thuram célèbre dimanche son but en mettant un genou à terre. POOL / REUTERS
Lire aussi Michael Jordan et d’autres grands sportifs dénoncent « le racisme enraciné » de la société américaine
  • D’où vient ce geste ?

« L’histoire du geste du genou à terre s’inscrit dans celle des droits civiques aux Etats-Unis et de la prise à témoin des Blancs de la réalité des Noirs » dans les années 1960, explique l’historien spécialiste des questions géopolitiques et des Etats-Unis, Thomas Snégaroff. Se mettre à genoux aujourd’hui rappelle les prières publiques des manifestants pacifiques pour les droits civiques.

Martin Luther King, lors d’une marche pour les droits civiques à Selma, le 1er février 1965.
Martin Luther King, lors d’une marche pour les droits civiques à Selma, le 1er février 1965. BH / AP

Martin Luther King fit ce geste en mars 1965 à Selma (Alabama), lors d’une des marches pour le droit de vote des Afro-Américains, juste avant d’être arrêté par la police. « Il prie alors avec quelques-uns de ses camarades, genou au sol », décrit l’historien. « Ce geste de prière a été rapidement interprété comme le symbole de la non-violence. Il s’agissait pour le pasteur Martin Luther King de prendre à témoin les Blancs de sa soumission en tant que Noir », relève Thomas Snégaroff.

Tommie Smith (au centre) et John Carlos (à droite) aux Jeux olympiques de Mexico en 1968 sur le podium du 200 mètres messieurs.
Tommie Smith (au centre) et John Carlos (à droite) aux Jeux olympiques de Mexico en 1968 sur le podium du 200 mètres messieurs. – / AFP

A contrario, en 1968, aux Jeux olympiques de Mexico, deux athlètes noirs américains, Tommie Smith et John Carlos, brandissent un poing ganté de noir, les yeux rivés au sol, sur le podium du 200 mètres messieurs. Respectivement médaillés d’or et de bronze, ils exécutent le salut des Black Panthers, groupe marxiste de lutte pour les droits des Afro-Américains, défiant leur pays sous les caméras du monde entier. « Un geste plus agressif, de revendication », souligne l’historien. Ces derniers jours, de nombreux manifestants ont simultanément posé un genou à terre et levé le poing.

  • Un geste popularisé en 2016 contre les violences policières

De gauche à droite : Eli Harold, Colin Kaepernick et Eric Reid des San Francisco 49ers, en octobre 2016 à Santa Clara (Californie).
De gauche à droite : Eli Harold, Colin Kaepernick et Eric Reid des San Francisco 49ers, en octobre 2016 à Santa Clara (Californie). Thearon W. Henderson / AFP

Au milieu des années 2010, certains sportifs expriment leur inquiétude face à la montée des violences policières contre les populations afro-américaines. Le 26 août 2016, le joueur de football américain Colin Kaepernick décide de poser le genou à terre alors que l’hymne américain résonne dans le stade de San Diego (Californie). La tradition veut pourtant que les joueurs soient, à cet instant, debout avec la main sur le cœur.

« Je ne veux pas me lever pour saluer un drapeau qui opprime les Noirs et les gens de couleur », avait alors expliqué le sportif.

« Pour moi, cela va au-delà du football et ça serait égoïste de ma part de détourner le regard. Il y a des cadavres dans les rues et des gens qui prennent des congés payés et s’en sortent après avoir tué. »

L’image fera le tour du monde. Sa démarche fait écho à Black Lives Matter, le mouvement de lutte contre les violences et le racisme envers les Afro-Américains. Quelques semaines plus tôt, la justice avait annoncé l’abandon des poursuites contre les policiers de Baltimore impliqués dans la mort de Freddie Gray, 25 ans, en avril 2015. Une ­décision parmi d’autres : les meurtres de ­Michael Brown, 18 ans, à Ferguson (Missouri), en août 2014, et de Tamir Rice, 12 ans, à Cleveland (Ohio), en novembre de la même année, sont également restés impunis. A chaque fois, la justice a entériné la thèse de la légitime défense.

Après avoir posé genou à terre, Colin Kaepernick avait été soutenu par Barack Obama, alors président des Etats-Unis. « Il existe une longue histoire de figures du sport qui ont fait de même. (…) Je pense qu’il est attaché à des questions réelles, légitimes, qui méritent d’être abordées. »

  • Un geste d’opposition à Donald Trump

A la suite de Colin Kaepernick, ce geste est rapidement repris en 2016 par d’autres sportifs aux Etats-Unis. De quoi indigner une partie des Américains attachés au symbole de l’hymne national, qui voient dans ce genou à terre un symbole antipatriotique. Alors en campagne pour les élections présidentielles, Donald Trump qualifie ce geste « d’exécrable », et conseille à Colin Kaepernick de « chercher un pays mieux adapté ».

Lire aussi Football américain : la NFL, reflet d’une société américaine structurée par le racisme

L’année suivante, lors d’un meeting dans l’Alabama, Donald Trump, devenu depuis président, insiste : « On aimerait bien voir un de ces propriétaires de clubs de la NFL (Ligue nationale de football américain), dire, lorsque quelqu’un manque de respect à notre drapeau : sortez ce fils de pute du terrain tout de suite. Dehors ! Il est viré. Viré ! », lance-t-il le 22 septembre 2017.

Une semaine plus tard, quelque 150 joueurs de la NFL dans tout le pays mettent un genou au sol durant l’hymne américain pour dénoncer les propos de Donald Trump. Sur Twitter, le président américain demande aux supporters de boycotter les matchs des équipes dont des joueurs ont mis le genou à terre. Ce geste contre les injustices raciales se double alors d’un symbole d’opposition à Donald Trump. Il est repris notamment par les musiciens Stevie Wonder ou encore Pharrell Williams. Le mouvement #Takeaknee (agenouille-toi) était né.

Stevie Wonder et son fils Kwame Morris, le 23 septembre 2017 à New York.
Stevie Wonder et son fils Kwame Morris, le 23 septembre 2017 à New York. Michael Noble Jr. / AP
  • 2020, une nouvelle ampleur

Après la mort de George Floyd, le geste a pris une nouvelle ampleur, en étant largement utilisé par les manifestants, aux Etats-Unis et ailleurs, mais aussi par des personnalités publiques.

Un autre symbole est aussi venu s’y ajouter. Dans la vidéo, très partagée, de l’interpellation brutale de George Floyd, on voit le policier blanc Derek Chauvin maintenir pendant de longues minutes son genou sur le cou de George Floyd, qui se plaignait de ne plus pouvoir respirer. L’autopsie officielle conclura à une mort « par homicide » à cause de la « pression exercée sur son cou ». « En 2020 », analyse Thomas Snégaroff, « on se fait tuer avec un genou et on veut aussi montrer au monde avec un genou à terre la réalité de l’oppression que l’on subit. »

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Le Monde



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