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Face caméra, toque noire sur la tête, il explique l’origine de la recette et les atouts santé du taboulé d’Antioche revisité par ses soins. Seul le masque qu’il porte autour du cou rappelle que l’Algérie est confrontée à la pandémie de Covid-19.
Car si le Mim, le restaurant du M-Suite Hotel à Algerson est fermé au public depuis le 21 mars, le chef prend malgré tout les commandes de ses fourneaux plusieurs fois par semaine pour enregistrer des recettes pour les réseaux sociaux. Avec ses légumes en croûte de sel, son adaptation du taboulé d’Antioche, vue par plus de 400 000 personnes, Rabah Ourrad, est l’une des vedettes de cette période de ramadan confinement.
A 43 ans, l’homme est une star de Londres à Alger. Les passionnés algériens d’émissions de cuisine l’ont découvert juré de l’émission « Master Chef Algérie », entre 2016 et 2018. Mais à Londres, où il a travaillé pour le double étoilé Ledbury et le très connu Momo’s, il était déjà populaire pour avoir fondé, en 2014, le restaurant Wormwood, à Notting Hill. Un lieu salué par les critiques culinaires londoniens, dont la doyenne, Fay Maschler, estime sans ambages que « peu de chefs peuvent rivaliser avec son CV ».
Et pour cause. Pour les fans de rap, Rabah est surtout Donquishoot, parolier du célèbre groupe algérien MBS, créé dans les années 1990, dont les deux premiers albums s’écoulent à 60 000 exemplaires chacun, dans une Algérie meurtrie par la violence du terrorisme et de la lutte antiterroriste. En 1998, il a 21 ans lorsque après avoir signé un contrat avec Universal, le groupe part pour Paris où s’enchaînent un nouvel album, une tournée et une rupture de contrat.
Repartir de zéro
« Universal voulait qu’on chante en français », déplore le rappeur, qui préfère la rupture. MBS sort ensuite deux nouveaux albums en 2001 et 2005. Mais entre-temps, Rabah Ourrad, qui avait étudié l’ingénierie mécanique à l’université de Bab Ezzouar, décroche cette fois une licence de littérature française à l’université Paris 8 avant, au détour d’un rendez-vous à l’Agence nationale pour l’emploi, de s’inscrire en CAP cuisine.
Depuis sa formation d’Aubervilliers, il part faire ses armes dans les grandes brasseries parisiennes puis, alors que les chefs espagnols commencent à faire parler d’eux sur la scène internationale, il file à Barcelone. Si la barrière de la langue l’empêche d’intégrer de grands restaurants, il met l’expérience à profit pour repartir de zéro, apprendre les bases de la cuisine catalane, l’espagnol et le catalan.
En 2009, une autre porte s’ouvre grâce à son grand frère, Mohamed, chef cuisinier également. Et cette fois, le voilà au Sketch, le restaurant du Français Pierre Gagnaire, même s’il lui faut partir à Londres, accepter de recommencer en bas de l’échelle des cuisines. Rabah Ourrad fait comme il en a l’habitude : il fonce, il travaille et il apprend.
« Je vais vers ce que j’aime et les obstacles ne me font pas peur », dit-il en souriant. Quand il raconte son parcours, il cite son père entrepreneur « qui ne craignait pas d’investir » et « sans pitié sur les études » ; sa mère « analphabète qui parlait sous forme de poèmes » ; ses huit sœurs, qu’il appelait pour savoir quelles épices utiliser lorsqu’il se retrouvait à cuisiner seul en arrivant à Paris ; son frère Meziane aussi, qui lui a laissé « tous ses livres » ; ou son quartier, Hussein Dey, « meilleure école de la vie ».
« L’envie de revenir en Algérie »
Rabah Ourrad semble savoir aussi encaisser les coups. Comme le racisme qu’il subit en cuisines. Sa philosophie se veut pragmatique : « Apprendre à ne pas prendre les choses personnellement et à aimer l’humain. »
Alors lorsque Meriem et Hamza Bisker, les fondateurs de l’hôtel M-Suite, le contactent pour prendre la tête de leur restaurant, Rabah Ourrad, désormais père d’une fillette, s’est déjà rapproché d’Alger pour les besoins du tournage de « Master Chef », mais il n’y vit pas encore. Rapidement, il finit par se laisser convaincre : « Je ressentais l’envie de revenir en Algérie, de retrouver mon enfance et mon adolescence. Partout, je me suis appliqué à apprendre. Mais ce que je connaissais le moins, c’était moi-même, mon pays, ma cuisine. »
Aujourd’hui encore, il dit rêver de maîtriser mieux les cuisines des différentes régions d’Algérie, en revisiter les recettes grâce aux « protocoles de créativités qui existent », déterrer « les perles qui ont été perdues » et en faire un livre. Apprendre, toujours plus. C’est comme ça qu’il approche la vie. « Je suis devenu chef, non pas parce que je faisais des choses en cuisine, mais parce que je m’intéressais aux produits », analyse-t-il.
Rabah Ourrad parle vite. Il a ces tics de langage des gens qui maîtrisent plusieurs langues parfaitement. Le chef cite Gabriel Garcia Marquez, Averroes, Balzac, explique qu’il profite du confinement pour apprendre l’italien et donne, au téléphone, un conseil de montage à une collaboratrice entre deux questions.
Au Mim, il encadre désormais une dizaine de jeunes : « Ce qui m’a manqué, quand j’étais plus jeune, c’est un modèle qui pouvait nourrir mes neurones. » Il tente, entre deux techniques, d’aborder la philosophie, la science et l’art. Il n’a pas mis de côté la musique. Cette année, il rend public un nouvel album de rap ainsi qu’un album acoustique, enregistré avec des amis musiciens espagnols. Il s’appellera Mouqawama (résistance).
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