A Chicago, deux femmes noires au seuil de la mairie

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Toni Preckwinkle le 9 décembre 2018.
Toni Preckwinkle le 9 décembre 2018. Colin Boyle/AP/Sipa

L’affaire est entendue : le prochain maire de Chicago sera… Une femme, afro-américaine, démocrate, à cheveux courts grisonnants. Ce n’est donc pas le suspense sur une possible bascule conservatrice de la « Windy City » qui fait tout l’intérêt de cette élection, dont le second tour aura lieu le 2 avril, mais bien la personnalité des deux dernières concurrentes : la septuagénaire Toni Preckwinkle et la quinquagénaire Lori Lightfoot. Lors du premier tour, ces deux candidates progressistes ont défait douze de leurs adversaires, au cours d’une compétition inhabituelle dans cette ville plutôt abonnée aux (ré) élections dans un fauteuil.

L’arrivée de l’une d’entre elles à la tête de la troisième plus grande ville des Etats-Unis, en remplacement de Rahm Emanuel, qui fut le premier chef de cabinet de Barack Obama, a déjà été qualifiée d’historique dans un pays qui scrute les « premières » avec un soin maniaque. Depuis que Chicago la démocrate élit ses maires, seuls une femme et deux Afro-Américains ont accédé à cette fonction. Une femme noire à la mairie constituera donc un doublé inédit. Si Lori Lightfoot, qui jouit d’une légère avance, l’emporte, elle deviendra en outre la première personnalité ouvertement homosexuelle, mariée et mère d’une fillette de 10 ans à gouverner la ville.

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A la surprise générale, les deux finalistes ont surtout mis fin aux prétentions dynastiques de la famille Daley, qui a régné sur la ville quarante-trois ans au cours des soixante-quatre dernières années. Le septuagénaire blanc, Bill Daley, autre éphémère chef de cabinet de M. Obama, fils et frère d’anciens maires élus chacun à six reprises, s’est glissé à une décevante troisième place. Ce désaveu des électeurs illustre le choix pour un changement d’ère, apparemment mieux incarné par les deux femmes.

Rapport au vitriol

Si leurs programmes, tous deux progressistes, axés sur la justice sociale et raciale, peinent à les différencier, leur parcours, en revanche, pourrait constituer des critères de choix pour la population, répartie à peu près équitablement entre Noirs, Blancs et Latinos. L’une, Mme Preckwinkle, est une élue, présidente du conseil du comté de Cook, cadre du Parti démocrate. Soutenue par les syndicats et leurs subsides, elle a pu dépenser 4,6 millions de dollars pour sa campagne.

Plus de 500 meurtres ont été comptabilisés en 2018 à Chicago, ce qui en fait l’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis.

Son adversaire, avocate et ancienne procureure, n’a levé que 1,5 million, dont 267 000 puisés dans sa cassette personnelle. Candidate pour la première fois de sa vie, elle s’est fait connaître lors de la remise d’un rapport au vitriol sur la police de Chicago, dont elle dénonçait « le racisme systémique ». En 2015, à la suite du meurtre de Laquan McDonald, un adolescent noir tué par un policier blanc, le maire de la ville avait confié à Mme Lightfoot la supervision d’un groupe de travail sur les forces de l’ordre, dont les méthodes décriées et la corruption constituent, avec la violence des gangs, une toile de fond familière de la métropole.

Corriger cette réalité sera d’ailleurs l’un des défis majeurs de la prochaine édile. En dépit d’une tendance à la baisse, plus de cinq cents meurtres ont été comptabilisés en 2018 à Chicago, ce qui en fait l’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis. Un fléau sur lequel butent les maires successifs, tout autant que le gouvernement fédéral, malgré les rodomontades du président Donald Trump, qui s’est dit déterminé à mettre un terme à « ce carnage ».

Lori Lightfoot le 26 février 2019.
Lori Lightfoot le 26 février 2019. Tyler LaRiviere/AP/Sipa

Dans cette ville particulièrement ségréguée, il faudra aussi à la nouvelle élue les clés pour redonner confiance à la population noire. Loin d’un centre-ville en voie de gentrification, loin des prouesses architecturales qui s’étirent le long de la rivière Chicago, loin des marinas du lac Michigan ou des écoles semi-privées, les habitants des quartiers populaires bataillent. Quand ils ne quittent pas la ville. La population, de 2,7 millions d’habitants, diminue d’ailleurs légèrement depuis trois ans. Au-delà des chiffres, les démographes discernent une réalité sociologique commune à d’autres villes du pays : les Noirs désertent par milliers, remplacés par une population blanche plus aisée. Impôts et loyers en hausse, écoles publiques en déshérence, violence endémique font partie d’un bilan que l’heureuse élue, quelle qu’elle soit, devra s’efforcer de rectifier.

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Stéphanie Le Bars

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