L’après Covid-19 – Réflexion de Mgr Alain Harel : “Nombreuses turbulences faites d’anxiété, d’inconnus et de défis”

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De nombreux commentateurs sont d’accord au moins sur le point suivant : il y aura, un avant, et, un après, covid 19. Nos iles de l’océan Indien, comme l’ensemble des pays, traverseront, de nombreuses turbulences faites d’anxiété, d’inconnus et de défis.

Alors que  le ‘tout tout de suite’ est une caractéristique de notre mentalité contemporaine,  allons-nous répondre aux urgences en gardant les yeux fixés sur le guidon, c’est à dire  avec des  perspectives courtes liées aux prochaines élections,  ou alors en pensant au long terme ?

Redémarrer est évidemment une urgence, mais avec quels objectifs ? Pour atteindre nos buts, quelles devraient être nos priorités et les moyens à prendre ?

Comme contribution à cette recherche tâtonnante, complexe    où il n’y a pas de recettes magiques car nous vivons une situation complètement inédite, « l’enseignement social de l’Église », qui puise sa source dans la sagesse biblique et dont la finalité est la justice sociale et la fraternité, pourrait  nous offrir des repères pouvant  nous éclairer.

La première encyclique sociale, «  Rerum Novarum » (« Pour un monde nouveau »),  écrite par le pape Léon XIII en 1891, a eu un grand retentissement. Elle fut écrite au début de l’industrialisation qui a entrainé tant de mutations profondes au sein de la société: passage du monde rural au monde urbain,  naissance de la classe ouvrière et manifestation de grandes injustices sociales.  La plus récente écrite par pape François,  publiée en 2015 et ayant pour titre « Laudato si »  (Loué sois-tu),  concerne l’écologie intégrale. En tenant compte des mutations du monde et de la société ainsi que des nouveaux défis, l’enseignement social de l’Église, ne cesse de se développer.

Alors que nous sommes à un carrefour de notre avenir commun, je voudrais rappeler deux repères fondamentaux de  « l’enseignement social de l’Église », soit : le bien commun et le principe de subsidiarité.

Le bien commun consiste à veiller et à agir pour que priorité soit donnée au bien de tous avant le bien individuel. Penser à l’intérêt général avant l’intérêt particulier. Du reste, notre bien particulier et celui de notre famille (bien légitime) sont intimement liés à notre environnement social, économique  et écologique, soit à notre bien (être) commun.  A titre d’exemple, je ne peux, ainsi que ma famille, vivre en paix   si notre société est infectée par le virus de la drogue et si nos quartiers sont contrôlés par les barons de ce commerce abjecte!

En  nous inspirant  de ce principe du bien commun, nous devons prendre conscience que personne ou aucun groupe particulier  ne pourra sortir de cette crise tout seul!  Nous nous en sortirons en pensant et agissant  pour le bien qui nous est commun. Li pa vre letan nu dir: bef dan sisab sakenn get so lizie ….Avek sa mentalité-la nou tou nou pou koule ensam…

Il ne s’agit donc pas d’une question de bon sentiment ou de générosité. C’est une question de survie… Promouvoir le bien commun, c’est promouvoir le bien de chacun d’entre nous. Personne n’est une île confinée pour bien longtemps ! Tout est lié nous dit le pape François. Travailler pour le bien commun c’est croire qu’un monde plus juste et fraternel est possible. C’est avoir foi en l’Homme.

Le principe de subsidiarité est un deuxième point fondamental de « l’enseignement social de l’Eglise ». Il s’agit du partage des tâches en fonction des compétences, des talents et du niveau de responsabilité de chacun ou de chaque groupe. Ce principe est le contraire du centralisme et de la prétention qu’une personne ou qu’un groupe puisse  détenir le monopole du savoir et des solutions. Il s’agit de faire confiance aux compétences locales qui sont au plus près des réalités du terrain. Ce principe tient compte des savoirs-faire de chaque personne ou groupe,  même si la décision finale revient à l’autorité responsable.

Jésus met en œuvre ce principe de subsidiarité lors de la multiplication des pains. Il utilise comme ‘ressource’ les  cinq pains maison et les deux poissons qu’un jeune garçon avait dan so tente manzer pour nourrir la foule.  Il demande aux disciples de  regrouper les cinq mille personnes et d’organiser la distribution. Jesus, l’autorité, a quant à lui pris la décision de nourrir la foule et de  ne pas la renvoyer l’estomac vide.  Le Cardinal Margéot aimait souvent citer cet adage: «Personne n’est assez pauvre pour ne rien donner et personne n’est trop riche pour ne rien recevoir. » Dans la Bible, Dieu suscite toujours notre participation, et nous demande de  « développer la terre et d’en prendre soin. »

Tout au long du confinement nous nous sommes souvent dits que  rien ne sera plus comme avant et que nous aurons à agir autrement en tirant les leçons de ce que nous sommes en train de vivre. C’est donc le moment de penser autrement et d’agir différemment.

Nous avons tant de défis à affronter pour surmonter cette crise actuelle dans ses différentes composantes. J’en relève cinq : l’éducation, l’économie, le social, l’aménagement du territoire et le logement,  l’écologie.

Sans tenir compte des ‘écuries’, faisons appel, dans ces différents secteurs, aux personnes les plus compétentes de nos iles – dix par secteur. Des personnes qui ont une réelle expérience du terrain, reconnues pour leur intégrité et ayant fait preuve d’un réel souci du bien commun, et sensibles aux plus vulnérables de nos iles. Qu’elles proposent cinq initiatives prioritaires, chiffrées, dans chacun de ces secteurs, en tenant évidemment compte des autres,  pour permettre à l’ensemble de la société de sortir grandi de cette crise, c’est à dire par le haut. Ces suggestions, fruit du principe de subsidiarité, devraient évidemment remonter vers les députés élus démocratiquement par le peuple et vers le Gouvernement pour prendre des décisions en vue du bien commun.



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Le Mauricien

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