ReportageLes photographes du collectif Middle East Images racontent, vus de l’intérieur, les derniers mois d’un nouvel épisode chaotique en Iran.
Le Guide suprême Ali Khamenei voulait des rues pleines de monde pour la fête anniversaire de la fondation de la République islamique, le 11 février. Et une participation importante aux élections législatives du 21 février. Rien de cela n’est arrivé, mais les cas de Covid 19 se sont, eux, multipliés. Il est devenu impossible de nier l’évidence : le virus se propageait en Iran, appelé à devenir un de ses principaux foyers mondiaux dans les premières semaines de pandémie. Des officiels sont atteints, les uns après les autres. Le pouvoir minimise son impact, mais l’épidémie s’installe dans la vie des Iraniens, malgré les promesses du président Hassan Rohani qui avait d’abord assuré que la question serait réglée rapidement puis dénoncé un « complot ennemi ».
Début mars, la confusion règne. Faut-il fermer les sanctuaires religieux ? Dans la cité sainte de Qom, épicentre de l’épidémie, le sanctuaire de Fatima Masoumeh accueille encore les pèlerins. Des membres du clergé, liés au pouvoir, résistent. Ils finiront par se plier aux demandes du gouvernement qui se trouve confronté à un autre dilemme. Imposer un confinement général permettrait de limiter l’ampleur de l’épidémie qui pèse déjà lourdement sur le système hospitalier, mais pourrait être fatal à une économie déjà exsangue, ravagée par les sanctions américaines. Les chiffres officiels sont largement contestés, même à l’intérieur du système, mais les soignants sont élevés au rang de héros. Les militaires annoncent qu’ils imposeront la quarantaine. Rien ne se passe. Des responsables, dans les provinces, demandent le confinement à l’échelle locale. On les rabroue.
Nouvel An
Quand arrive le Nouvel An iranien, le 20 mars, la population confrontée à une parole publique dévaluée et contradictoire ne respecte pas systématiquement les mesures de prévention. Les professionnels de santé et d’anciens ministres demandent au gouvernement de se résigner à imposer le confinement. Une semaine plus tard, on décide d’interdire les déplacements d’une ville à l’autre. De nombreux commerces ferment. Les mesures restrictives viennent enfin. Officiellement le nombre de décès est alors de 2 378. Le gouvernement mène une offensive diplomatique, accusant les sanctions américaines d’aggraver la crise sanitaire qui frappe le pays. Le Guide suprême évoque la thèse d’une création du virus par l’ennemi américain.
Un président optimiste
Début avril, le président annonce la reprise des activités « à risque faible » pour le 11 avril. Le Parlement iranien, nouvellement élu, se réunit pour la première fois et rejette un projet de loi d’urgence prévoyant un confinement d’un mois à l’échelle de tout le pays. La vie doit reprendre. La situation économique de l’Iran le réclame. Le nombre de cas nouveaux diminue. Les magasins rouvrent dans les provinces puis, une dizaine de jours plus tard, dans la capitale.
Les Iraniens peuvent à nouveau se déplacer dans le pays. Le président Rohani se félicite de la gestion de la crise par son gouvernement. Le 14 avril, un rapport du centre de recherche du parlement iranien suggère que le nombre de cas et de décès liés au Covid-19 pourrait être le double de celui reconnu officiellement. Les foules sont de retour dans les rues de Téhéran. On craint désormais pour la fin du mois, dans la capitale, une nouvelle vague.