Face au président brésilien Bolsonaro, la résistance des sans-toit

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Au Brésil, des milliers de familles occupent des immeubles vides à Sao Paulo. Des « terroristes » et des « bandits » aux yeux du président.

Par Claire Gatinois Publié aujourd’hui à 17h58, mis à jour à 18h11

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Manifestation du Mouvement des travailleurs sans toit à Sao Paulo, le 31 octobre 2017.
Manifestation du Mouvement des travailleurs sans toit à Sao Paulo, le 31 octobre 2017. MIGUEL SCHINCARIOL / AFP

Lorsqu’elle parle de son « pays », l’Etat de Goias, dans le centre du Brésil, perce dans sa voix l’amertume des exilés. Ester Eusebio Barboza da Silva, n’avait pas vingt ans quand elle a débarqué à Sao Paulo, la mégalopole de béton à la réputation d’eldorado économique. Sûre, à l’époque, que la prospérité serait la récompense de ses efforts. Agée de 48 ans, mère de trois enfants dont un petit garçon de 6 ans, la voici, en ce début février, résidant avec son mari Roberto dans un deux-pièces sombre et décati, éclairé au néon, dans l’immeuble abandonné dit « 9 de Julho », dans le centre de Sao Paulo.

« Réfugiée dans son propre pays », explique-t-elle, Ester habite une « ocupaçao » (occupation), dit-on au Brésil. Un « squat », traduit-on, que la famille a rejoint il y a quelques mois faute d’être en mesure de payer un loyer de 1 250 reais (290 euros) depuis le licenciement de Roberto, chauffeur de camions. En s’occupant de personnes âgées dans les quartiers chics de Morumbi, Ester gagne 1 500 reais par mois (350 euros). Un peu plus que le salaire minimum au Brésil (998 reais). « Et j’ai un diplôme universitaire », précise-t-elle.

« Qui ne lutte pas, meurt »

A l’entrée de l’immeuble, propriété de l’Institut national de la sécurité sociale (INSS), vide depuis la fin des années 1990, squatté pour la première fois en 1997, s’étale un tag : « Qui ne lutte pas, meurt. » Un peu plus loin dans un salon communautaire, deux chiffres collés sur un réfrigérateur rappellent l’enjeu de la bataille : plus de 600 000 logements sont inoccupés à Sao Paulo et plus de 396 000 familles sont sans toit.

Des familles sans domicile qui occupaient un immeuble de 24 étages à Sao Paulo s’installent dans la rue après qu’un incendie a ravagé le bâtiment. Le 7 mai 2018.
Des familles sans domicile qui occupaient un immeuble de 24 étages à Sao Paulo s’installent dans la rue après qu’un incendie a ravagé le bâtiment. Le 7 mai 2018. NELSON ALMEIDA / AFP

Véritable favela verticale de quatorze étages, sans ascenseur, une centaine de familles comme celles d’Ester occupent l’édifice de béton. Ici, chacun s’est aménagé une vie de bric et de broc, arrangeant au mieux les petits appartements, réparant au fil des ans les tuyauteries, installant l’eau, l’électricité, organisant des événements culturels. Pour la sécurité de l’ensemble, des architectes ont même été mandatés par Carmen Silva, 58 ans, à la tête du Mouvement des travailleurs sans toit du centre (MSTC), émanation du Mouvement national des travailleurs sans toit (MTST).

Des « terroristes » aux yeux du président Bolsonaro

Formé de militants de gauche, le MTST comme le MSTC envahissent les bâtiments abandonnés par les collectivités publiques, des entreprises privées, et parfois de riches particuliers, pour revendiquer, en vain, depuis près de quarante ans, la mise en place d’une politique de logement social. Cet activisme, qui se fonde sur le droit à l’habitat figurant dans la constitution de 1988, vaut à Carmen, Ester, et à tous les membres du mouvement social d’être aujourd’hui qualifiés de « terroristes » par le président, Jair Bolsonaro. Des « bandits », des « bons à rien », de la même trempe, aux yeux du chef de l’Etat, que les militants du Mouvement des sans-terre (MST) qui dans les campagnes occupent des terrains abandonnés pour imposer une réforme agraire.

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