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Sortir du carbone, c’est-à-dire des énergies fossiles, pour faire face au choc sanitaire mais également au choc climatique. Voilà le principal appel du Haut Conseil pour le climat (HCC), dans son rapport spécial « Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir », publié mardi 21 avril et envoyé au gouvernement afin de l’aiguiller dans la sortie de crise du Covid-19.
Les treize experts de cette instance indépendante, installée fin novembre 2018 par Emmanuel Macron, exhortent l’exécutif à placer la transition écologique et l’égalité sociale au cœur de la relance économique afin de renforcer notre résilience aux risques sanitaires et climatiques. Ils font dix-huit recommandations pour y parvenir, et demandent notamment de conditionner les aides publiques destinées aux secteurs sinistrés à « des plans précis » en faveur du climat.
« Cette catastrophe sanitaire nous rappelle de manière brutale notre fragilité. Elle montre le peu d’attention que l’on prête aux alertes, le manque de préparation et de prévention, mais également les conséquences de choix politiques qui ont conduit, depuis plus de quarante ans, à des transformations écologiques, sociales et économiques majeures produisant ces vulnérabilités », souligne Corinne Le Quéré, la climatologue franco-canadienne qui préside le HCC. Et de rappeler : « La plupart des causes du Covid-19, comme la déforestation ou les énergies fossiles, sont aussi à l’origine du changement climatique. Il faut donc s’attaquer à ces causes profondes, et la transition bas carbone est une réponse. »
Le Haut Conseil pour le climat s’est autosaisi de ce sujet pour « éviter que ne soient reproduites les erreurs de 2008 », indique Corinne Le Quéré, qui rappelle qu’après la crise financière, « la France s’était immédiatement remise sur une trajectoire intensément fossile ». De sorte qu’après avoir baissé de 4,2 % en 2009, les émissions nationales de CO2 liées à l’énergie et au ciment avaient augmenté de 3,4 % en 2010. « La façon dont le gouvernement répond à la crise sanitaire actuelle aura un impact de premier rang sur la capacité de la France à remplir ses objectifs climatiques et donc à répondre à l’urgence climatique », prévient la climatologue.
Une baisse transitoire des émissions
Dans l’immédiat, la baisse drastique de l’activité économique a entraîné une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 30 % sur le territoire français pendant le confinement, selon les calculs du HCC. Les rejets carbonés devraient être réduits de 5 à 15 % sur l’année 2020 par rapport à 2019, avec une forte incertitude liée au déroulement du second semestre.
Cette baisse, évaluée à une moyenne de 45 millions de tonnes (Mt) équivalent CO2, s’avère « radicale » mais néanmoins « marginale » dans la trajectoire vers la neutralité carbone qui impliquerait de diminuer les émissions de 800 Mt équivalent CO2 d’ici à 2030, rappelle le HCC. « Surtout, elle n’est pas désirable ni durable car elle n’est pas le résultat d’un changement structurel organisé. La probabilité d’un effet rebond est majeure », note Corinne Le Quéré.
La France doit donc mener une « relance verte et pas grise », appelle le HCC. « Il s’agit bien de rompre avec un modèle de développement fortement carboné », écrivent les experts, qui demandent au gouvernement de poursuivre l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 inscrit dans la loi.
Que faire concrètement ? Pour le Haut Conseil, il faut investir dans l’efficacité énergétique et dans les infrastructures bas carbone (comme le ferroviaire, les transports en commun ou les réseaux de chaleur), accélérer la rénovation énergétique des bâtiments (un chantier qui comporte des bénéfices pour la santé via la réduction de la pollution intérieure et une meilleure isolation) et développer une recherche innovante (par exemple dans les batteries et le stockage de l’énergie ou le déploiement de l’hydrogène).
La dégringolade du prix du pétrole doit être l’occasion de supprimer les subventions et les exonérations fiscales aux énergies fossiles, poursuit le HCC. L’instance propose également de reconvertir la dette vers des investissements destinés à la transition bas carbone, notamment pour les collectivités locales.
Conditionner les aides à l’aéronautique et l’automobile
Enfin, le Haut Conseil pour le climat appelle à ne pas aider à n’importe quel prix les secteurs économiques sinistrés. Il recommande de conditionner l’octroi d’aides publiques à des acteurs privés ou à des collectivités à « l’adoption explicite de plans d’investissement, avec mesures de vérification, et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas carbone ». Par exemple, tout aide au secteur automobile devra s’inscrire dans le cadre d’une reconversion des chaînes de production vers des véhicules propres (principalement électriques).
De même, les aides au secteur aérien doivent être conditionnées à la mise en place d’un plan précis pour atteindre la neutralité carbone. « Ce n’est pas le moment de soutenir l’aviation coûte que coûte mais d’ouvrir le débat sur le fait de réduire les déplacements en avion, prévient Corinne Le Quéré. Des aides (formation, reconversion) aux travailleurs des secteurs très émetteurs peuvent parfois être préférés à une aide sectorielle. »
Après le vote, par l’Assemblée nationale, du projet de loi de finances rectificative qui prévoit 20 milliards d’euros pour recapitaliser des entreprises stratégiques en difficulté, la climatologue insiste sur le fait que « des garanties doivent être demandées aux entreprises qui seront aidées ». Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, affirme avoir conditionné les montées au capital à « une politique environnementale ambitieuse » mais les ONG environnementales dénoncent « un chèque aux grands pollueurs », sans conditions.
Alors que le patronat s’active pour infléchir certaines normes environnementales, le HCC juge au contraire primordial de « maintenir et renforcer les normes de pollution, y compris à travers l’Union européenne ».
« A rebours de la logique “les grandes entreprises d’abord, l’environnement ensuite”, les experts du HCC rappellent que les mesures prises aujourd’hui en faveur des industries fossiles nous piègent dans des trajectoires carbonées qui possèdent un fort effet d’inertie et sont impossibles à déverrouiller rapidement une fois initiées, réagit Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France. Ils soulignent ainsi l’importance de conditionner les aides aux grandes entreprises à des objectifs de réduction d’émissions, tant la prochaine crise se joue dès maintenant. »
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