Effroi et questions au Tchad après l’annonce de la mort de 44 djihadistes en prison

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Soldats de l’armée tchadienne à N’Djamena le 3 janvier 2020, de retour d’une offensive contre les djihadistes de Boko Haram.
Soldats de l’armée tchadienne à N’Djamena le 3 janvier 2020, de retour d’une offensive contre les djihadistes de Boko Haram. AFP

Suicide collectif, mauvais traitements ou assassinats ? La mort mystérieuse de 44 membres de Boko Haram dans leur cellule à N’Djamena provoque l’effroi au Tchad, où ce drame aux circonstances floues soulève bien des questions.

Il est 19h30, samedi 18 avril, lorsque le Procureur de la République Youssouf Tom annonce à la télévision qu’une quarantaine de combattants de Boko Haram, faits prisonniers pendant l’opération lancée début avril par le Tchad contre le groupe djihadiste, ont été retrouvés morts jeudi matin par leurs geôliers à N’Djamena.

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Sur les 44 dépouilles, quatre seulement ont été autopsiées, précise-t-il. Le rapport révèle alors la présence d’une substance toxique dans leur organisme ayant entraîné « une crise cardiaque pour les uns » et « une asphyxie sévère pour les autres ». Il ajoute que les 40 autres corps ont déjà été enterrés.

Mercredi soir, le ministre de la justice du Tchad, Djimet Arabi, avait annoncé à l’AFP que les 58 éléments de Boko Haram faits prisonniers lors de l’opération venaient d’être transférés à N’Djamena, pour être auditionnés, puis jugés par une cour criminelle. « Que s’est-il passé entre-temps ? Nous sommes encore sous le coup de la stupéfaction », déclarait samedi le ministre à l’AFP après l’annonce du procureur, précisant que l’enquête se poursuivait.

« Ils vont très bien »

Samedi, avant l’annonce du procureur, une source sécuritaire, parlant sous le couvert de l’anonymat, avait affirmé à l’AFP que 44 prisonniers avaient été retrouvés morts dans une cellule, où ils avaient été enfermés sans eau, ni nourriture. Mais, assure le ministre de la justice, « il n’y a eu aucun mauvais traitement, et la veille les prisonniers allaient encore très bien ».

Dès dimanche matin, les réactions de la société civile et de l’opposition ont afflué. « C’est une violation grave du droit humanitaire international, s’exclame Jean Bosco Manga, fondateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés (MCPL). Lorsque l’ennemi est sous votre contrôle, désarmé, il doit bénéficier de toutes les protections humanitaires. »

« Le gouvernement tchadien est responsable de ce qui leur est arrivé en prison, il faut que les causes soient réellement déterminées, qu’une enquête indépendante soit ouverte », déclare Mahamat Alabo, l’une des principales figures de l’opposition au Tchad.

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Des dizaines de prisonniers retrouvés empoisonnés « à ce que je sache, ce n’était jamais arrivé », explique à l’AFP Ahmad Yacoub Dabio, président du Centre d’étude pour la prévention de l’extrémisme au Tchad. « Nous devons attendre les résultats pour y voir plus clair », tempère le chercheur, qui demande que « toutes les dispositions soient prises pour sécuriser les prisonniers encore en vie ».

Car, sur les 58 prisonniers, quatorze sont encore en vie, sans que l’on sache s’ils ont été en contact avec la substance toxique. « Ils vont très bien », assure le gouvernement, qui précise que leur audition permettra d’en savoir plus sur les circonstances du drame.

« Ne pas perdre la face »

Les prisonniers décédés auraient-ils ingurgité du poison pour échapper à l’humiliation d’un procès et ne pas livrer d’informations stratégiques pendant les interrogatoires et auditions ? « C’est l’un des scenarii plausibles », affirme à l’AFP Bulama Bukarti, spécialiste de Boko Haram à l’Université de Londres. « De mémoire, il n’existe pas de cas antérieurs d’éléments de Boko Haram qui se seraient suicidés en prison, ajoute le chercheur. Mais il est possible qu’ils aient pris exemple sur Abou Bakr Al-Baghdadi. » Le chef du groupe djihadiste Etat islamique (EI) est mort en octobre 2019, acculé dans un tunnel syrien par des commandos américains, en actionnant sa ceinture explosive.

Autre scénario avancé par le chercheur, que « les prisonniers aient été empoisonnés par des forces de sécurité ». Des exactions pour venger leurs frères d’armes tués par le groupe djihadiste ? Les combattants avaient été faits prisonniers lors de l’opération « Colère de Bohoma », lancée après la mort de 98 soldats tchadiens tués dans une attaque de Boko Haram, la pire défaite jamais enregistrée en vingt-quatre heures par l’armée tchadienne, pourtant réputée la plus efficace dans la région. « Les armées de la région ont exécuté sans aucune forme de procès des milliers de personnes suspectées d’être membre de Boko Haram, selon les rapports d’ONG internationales », fait remarquer M. Bukarti.

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Autre hypothèse, que ces prisonniers « n’aient en fait jamais été capturés », avance le chercheur. Il est possible « que le Tchad ait exagéré le nombre de prisonniers faits », de la même façon que « de nombreux observateurs » pensent que « les autorités tchadiennes ont gonflé le chiffre avancé de 1 000 jihadistes tués au cours de leur opération militaire, suggère-t-il. La seule façon de ne pas perdre la face, au moment de les présenter à la justice pourrait être de concocter une histoire pareille ».

Le Monde avec AFP

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