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Fermer les écoles, appeler les Français à travailler de chez eux… Des mesures drastiques, annoncées par le président de la République jeudi 12 mars, et qui entrent en vigueur lundi. Dans une étude mise en ligne samedi 14 mars sur le site du laboratoire Inserm – Sorbonne Université Epix-Lab, l’équipe dirigée par Vittoria Colizza (Inserm, Sorbonne Université) a modélisé l’impact attendu de la fermeture des établissements scolaires et du recours au télétravail, montrant que ce n’est qu’en couplant ces mesures que l’on observe un impact notable sur le cours de l’épidémie.
Une conclusion qui est en phase avec le message porté sur Twitter, au cours du week-end, par le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus : « Il faut une approche globale pour combattre le Covid-19. »
Les chercheurs se sont concentrés sur trois régions françaises où l’on dénombrait plus de 300 cas confirmés de Covid-19 à la date du 13 mars et où le réseau Sentinelles avait observé une augmentation de l’incidence des syndromes de type grippal : l’Ile-de-France, les Hauts-de-France et le Grand Est. Ils ont également tenu compte des incertitudes concernant la susceptibilité des enfants à être infectés par le SARS-CoV-2 et à le transmettre.
La modélisation indique qu’une mesure qui serait limitée à la fermeture des établissements scolaires n’aurait qu’un bénéfice limité pour réduire le pic d’incidence – ce que les experts appellent aplatir la courbe de l’épidémie : fermer les établissements pour huit semaines, jusqu’aux vacances de Pâques, ne permet de réduire que de 10 % ce pic d’incidence. « Cette mesure ne suffit pas et, de plus, elle a un coût social important pour les parents d’enfants qu’il faut garder à la maison », constate Vittoria Colizza.
En revanche, si elle est couplée avec un passage en télétravail de 25 % des adultes, la clôture des établissements scolaires pendant huit semaines parviendrait à différer le pic épidémique de près de deux mois et d’abaisser de presque 40 % la hauteur de ce pic, c’est-à-dire le nombre de cas quotidiens. Un effet précieux dont bénéficierait le système de soins qui sera de plus en plus sollicité. De plus, note l’étude, la combinaison de la fermeture des écoles et du télétravail entraînerait une réduction globale modeste (– 15 %) du « taux d’attaque » de l’épidémie, qui est le pourcentage de la population qui aura été infectée in fine par le virus.
Couplée avec le télétravail de 25 % des adultes, la clôture des établissements scolaires pendant huit semaines abaisserait de presque 40 % la hauteur du pic
« Face à une épidémie, la combinaison de ces deux mesures poursuit deux objectifs : gagner du temps pour se préparer et réduire la pente de sa courbe de croissance pour l’étaler dans le temps. Cela permet de décaler la survenue du pic et de diminuer l’incidence atteinte lorsqu’il arrive », explique Vittoria Colizza.
Les résultats observés dans les trois régions françaises sont similaires. Pourtant, souligne la chercheuse, dans le Grand Est le nombre de cas confirmés au moment où l’étude a été faite était le double de l’incidence en Ile-de-France et dans les Hauts-de-France, ce qui signifie que l’épidémie allait plus vite dans cette région. Les mesures appliquées simultanément interviennent donc à des stades différents de la propagation des maladies selon les régions, mais si cette disparité se fait sentir par un impact inégal avec la seule fermeture des établissements scolaires, il est apparu que le recours au télétravail atténuait les différences.
Recrudescence des syndromes grippaux
Un suivi de ces deux mesures, effectives à partir du 16 mars, et renforcées par d’autres depuis les annonces effectuées le 14 mars par le premier ministre, va être mis en place. Il y a eu une évolution de la surveillance. D’abord active avec des tests systématiques pour les cas suspects, elle a fait place à une surveillance épidémiologique par le réseau Sentinelles. Mis en place en 1984 et rassemblant médecins généralistes, pédiatres et chercheurs, ce réseau ne s’intéressait au départ qu’aux syndromes grippaux avant de s’élargir progressivement et de couvrir à présent sept autres maladies. Il a mis en évidence la semaine dernière une recrudescence des syndromes grippaux après la période de la grippe saisonnière, probablement due au Covid-19.
Des prélèvements aléatoires d’échantillons parmi les personnes consultant pour ce motif ont en effet permis de détecter quatre cas positifs pour le SARS-CoV-2. L’utilisation de ces données va permettre aux modélisateurs de réaliser des estimations du nombre de cas dans la population. « En Italie, ce type d’approche a permis de constater que le nombre de cas est sous-estimé d’un facteur quatre. En France, où l’on ne teste plus que les patients ayant une forme grave et le personnel soignant, certains scénarios envisagent une prévalence de 30 fois le nombre de cas confirmés », avance Vittoria Colizza.
Evoquant la comparaison parfois avancée avec la Chine qui en sept semaines est parvenue à faire régresser l’épidémie par des mesures d’endiguement drastiques, la chercheuse met en garde : « La Chine y est parvenue, mais elle a mis en œuvre ces mesures alors qu’elle avait une incidence et un nombre de décès inférieurs à ceux qu’a actuellement la France : moins de 20 décès en Chine et une centaine pour la France. Faire reculer l’épidémie risque de prendre plus de temps en France qu’il n’en a fallu en Chine. » Pour Vittoria Colizza, il ne fait guère de doute que des restrictions supplémentaires seront nécessaires pour contrecarrer le Covid-19.
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