Migrants : l’Europe défiée

0
92

[ad_1]

Editorial du « Monde ». En septembre 2015, la photo du corps sans vie d’Alan Kurdi, petit enfant syrien gisant, le visage tourné vers le sable, sur la plage turque de Bodrum après le naufrage d’un bateau de migrants avait ému le monde entier. Cinq ans plus tard, les vidéos retraçant l’agonie de Mohammed Al-Arab, un Syrien de 22 ans mortellement blessé, lundi 2 mars, par un tir de garde-frontière grec alors qu’il tentait de passer de Turquie en Grèce en traversant le fleuve Evros, n’ont guère suscité de compassion. La terrible qualité du cliché de l’enfant, l’identification universelle immédiate qu’il déclenchait sont loin d’expliquer ces réactions pour le moins contrastées.

Voila cinq ans, l’Europe découvrait consternée les drames humains provoqués par le soulèvement en Syrie. Le continent, en dépit de discours ambigus, n’a pas fermé sa porte aux migrants. L’Allemagne d’Angela Merkel décida d’accueillir un million et demi de réfugiés. Mais le terme « migrants » ne tarda pas à être accolé au mot « crise ». Par les effets conjugués des secousses économiques, des crispations identitaires et des attentats terroristes, l’Europe s’est refermée.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Allemagne veut tout faire pour empêcher une nouvelle vague migratoire

Il serait vain de nier le lien entre la hantise de l’immigration et les vagues populistes qui ont déferlé ensuite sur le continent. Dès octobre 2015, la Pologne basculait avec la victoire du parti conservateur nationaliste Droit et justice (PiS) dont le chef évoquait « les parasites » véhiculés par les réfugiés. En Hongrie, Viktor Orban exploitait le même filon, faisant construire un mur de clôture à la frontière sud du pays. Depuis lors, l’extrême droite a participé au pouvoir en Italie et en Autriche, tandis que l’AfD en Allemagne et le Rassemblement national en France consolidaient leurs positions. Sans oublier le Brexit britannique de 2016, suscité en partie par un réflexe xénophobe.

Tétanisée, l’Union européenne a largement failli : elle a échoué à adopter une politique concertée de répartition des demandeurs d’asile, et elle a mégoté sa solidarité matérielle avec les pays placés en première ligne, comme l’Italie. Aujourd’hui, la détestable manipulation des migrants à laquelle se livre le président turc Recep Tayyip Erdogan, en leur faisant croire que la frontière de l’UE est ouverte et en les aidant même à gagner ses abords, représente un acte manifeste d’hostilité auquel les Vingt-Sept sont fondés à réagir.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi A la frontière turco-grecque, les migrants entre peur et désolation

Certes, en remerciant Athènes de servir de « bouclier » à l’UE, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a recouru à un registre guerrier mal venu. Mais l’ambition de l’Union de « protéger » ses citoyens dans un contexte géopolitique différent de celui de 2015 suppose d’assumer ses frontières et d’affirmer sa capacité à parler d’une seule voix. Entre-temps, Frontex est devenue une véritable agence de gardes-frontières disposant d’effectifs propres. Là où Angela Merkel s’était imposée en 2015, l’UE a su cette fois dépêcher à Ankara ses dirigeants Charles Michel et Josep Borrell pour faire valoir son point de vue auprès de M. Erdogan.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En ouvrant sa frontière, la Turquie place les Européens devant leurs responsabilités

Mais ni la diplomatie ni les barbelés ne peuvent suffire à maîtriser des flux de population nourris par les crises proche-orientales et africaines. « Protéger » l’Europe suppose aussi que les Vingt-Sept établissent des mécanismes permanents et solidaires de régulation des migrations qui leur permettent de rester fidèles à leur tradition d’asile, tout en évitant de se trouver à la merci de puissances promptes à instrumentaliser les peurs de leurs ressortissants.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En se disant prêt à accueillir des migrants, le maire d’Innsbruck crée la polémique en Autriche

Le Monde

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: