« Le Hirak est une lame de fond qui repose la question du statut des femmes en Algérie »

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L’écrivaine Maïssa Bey.
L’écrivaine Maïssa Bey. Yann Legendre

Tribune. Je me souviens de la réaction inattendue, du moins pour moi, de quelques-uns des « spécialistes » conviés il y a quelques mois par des chaînes d’information françaises à un débat sur la révolution pacifique qui venait de se déclencher en Algérie en février 2019. Invités à visionner les images des manifestations, certains d’entre eux n’ont pas pu cacher leur étonnement. Ils soulignaient, non pas la présence de nombreuses femmes et jeunes filles qui défilaient parmi les citoyens, mais, avec force adjectifs laudateurs, « la beauté et la grâce insolente des femmes algériennes ». Insolente aux yeux de qui ? La question reste posée. Ces deux hommes semblaient sincèrement surpris. Leurs commentaires ont porté essentiellement sur ces visages souriants et déterminés, sur ces corps qui semblaient libérés de toute entrave et qui avançaient sous le soleil éclatant d’un hiver finissant.

Un peuple réconcilié

Qu’à cela ne tienne ! La grâce, la beauté, le sourire… Ailleurs et auparavant, ce furent les printemps arabes, les révolutions « du jasmin » , « des œillets » , « de velours » … Plaisantes associations qui allègent la charge parfois sanglante du mot « révolution ». N’y aurait-il que cela à retenir de ce que l’on n’hésite plus, ici et maintenant, à qualifier de révolution historique en raison de son ampleur sans précédent ? Pourquoi pas après tout ? L’une des premières images de ce qu’on appelle aujourd’hui communément Hirak, et qui a fait le tour du monde, est celle de Melissa, cette jeune femme exécutant un pas de danse sur ses pointes, dans une rue d’Alger fleurie de drapeaux.

Nous avons, nous, ici, l’habitude de cet étonnement de la part de ceux qui ne connaissent pas ou peu notre pays. Et surtout l’histoire de ce pays. Et s’il est bien un acquis indéniable du Hirak, c’est d’avoir mis en lumière un peuple enfin réconcilié avec lui-même, toute la diversité d’un peuple en marche pour réclamer sa part confisquée de liberté, de justice et de dignité, revendications communes à tous les peuples qui ont subi ou continuent de subir toutes sortes d’oppressions, de violences et de dénis.

« L’obstination et le courage de ces femmes ne se cantonnent pas aux limites spatiales de ce qu’il est convenu d’appeler “le carré des féministes” »

A ceux-là, il est utile de rappeler que la participation des femmes aux différents mouvements de contestation est inscrite de longue date dans l’histoire du pays. Ces Algériennes qui battent le pavé chaque vendredi sont issues d’une longue lignée de militantes dont on parle peu, si l’on excepte celles qui se sont distinguées par leur engagement pendant la guerre de libération et dont certaines, retrouvant leur combativité, accompagnent et soutiennent aujourd’hui les revendications du Hirak. Dans les quartiers populaires d’Alger, des femmes sont sorties en masse pour manifester leur soutien au Front de libération nationale (FLN), le 11 décembre 1960, puis, quelques mois après l’indépendance, à la fin de l’été 1962, pour exiger l’arrêt des combats fratricides entre les clans qui briguaient le pouvoir dans la nouvelle Algérie, et réclamer (déjà !) l’instauration d’une République civile et non militaire.



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