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Depuis que Dominique, son ex-compagnon, a levé l’ancre du port de Papeete avec ses enfants Gaëlle et Arthur pour ne plus réapparaître, Vanessa craint le pire. Récit.
La médaille de naissance de Gaëlle ne quitte plus son cou. Vanessa ne pense qu’à ses enfants. La journée, son travail à la pharmacie l’accapare, comme une béquille pour ne pas perdre pied. Mais ensuite, il n’y a que l’absence. Depuis trois mois, les petits lits de Gaëlle et Arthur restent vides. Les rires du frère et de la sœur, si complices, ne raisonnent plus dans l’appartement de Papeete. Vanessa n’a aucune idée de l’endroit où ils se trouvent, ne sait même pas s’ils sont encore en vie. Ils ont disparu avec leur père, à bord du voilier familial, le « Honu », vendredi 4 juin 2010. Des pêcheurs affirment avoir vu le bateau couler, le même jour. Mais, hormis le canot de sauvetage, aucun objet n’est remonté à la surface. Rien. Aucune trace de Dominique Petit et des deux bambins. S’agit-il d’un accident, d’une mise en scène pour dissimuler un enlèvement ou, pire, d’un geste désespéré du père qui aurait supprimé les deux enfants avant de se donner la mort ? Les lettres énigmatiques qu’il a laissées avant de partir ne permettent pas de trancher, et jusqu’à présent, l’enquête menée par la gendarmerie n’a abouti à aucun résultat concret.
Bonheur perdu. Gaëlle et Arthur avec leur père Dominique (DR).
Pour Vanessa, le pire, c’est de ne pas savoir. Mais elle refuse de s’écrouler. Pour ses enfants. C’est eux qui la font tenir chaque jour, eux et l’espoir de les retrouver un jour. A des milliers de kilomètres, les parents de Vanessa, qui vivent dans le Morbihan, lui apportent un soutien indéfectible. Malgré le décalage horaire, ils sont en contact avec elle presque tous les jours, par mail ou par téléphone. Vanessa est leur fille unique ; elle est toute leur vie. Elise, sa mère, multiplie les démarches pour faire avancer les recherches. Elle a même écrit à Nicolas Sarkozy et au ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, dans l’espoir de soulever une plus grande mobilisation. En vain. Dominique et les enfants demeurent introuvables.
Drame tristement ordinaire de la séparation, l’histoire de Vanessa s’est muée en une tragédie qui rappelle sensiblement une autre disparition mystérieuse, celle du Docteur Godard. En 1999, ce médecin quittait Saint-Malo avec ses deux enfants à bord d’un voilier de location. Le crâne de la fillette a été repêché en 2001, des ossements d’Yves Godard, cinq ans plus tard. Le bateau n’a jamais été retrouvé, emportant avec lui les secrets de cette affaire.
Vanessa ne peut se résoudre à imaginer une telle issue. Quand elle a rencontré Dominique, en 2004, à Fort-de-France, elle était évidemment à mille lieux d’envisager les tourments qui lui seraient infligés cinq ans plus tard. C’est une amie commune qui les présente. Dominique, ancien prothésiste dentaire installé dans l’Eure, a débarqué aux Antilles, en 2000, après son divorce. Une rupture douloureuse que le quadragénaire a décidé de surmonter en changeant radicalement de vie. Il se consacre enfin à sa passion : la voile. Vanessa, elle, a 27 ans. Après ses études en pharmacie, elle a fait un stage de six mois en Martinique. Conquise par l’île et par ses habitants, cette Bretonne qui ne songe pas un instant vivre loin de la mer, y retourne en 2002. Elle trouve très vite un travail dans la pharmacie d’un centre commercial.
La première fois qu’elle rencontre Dominique, c’est sur une plage. Ensemble, ces deux grands sportifs, férus de sports nautiques, passent la journée à faire de la planche à voile. Il perd l’aileron de sa planche. Pour le retrouver, équipés de masques de plongée et de tubas, Dominique et Vanessa ratissent les fonds marins. Sans succès. Mais cette mésaventure les rapproche. Vanessa raccompagne Dominique chez lui. A l’époque, Vanessa ne cherche pas l’âme sœur. Elle succombe pourtant peu à peu au charme de cet homme expansif, bourré d’énergie, comme elle, et qui partage son amour de la mer. Elle est touchée par sa sensibilité à fleur de peau qui se perçoit dès qu’il parle de ses enfants. De son premier mariage avec une prothésiste dentaire, Dominique a eu trois fils : Alexandre, Adrien et Antoine. Il confie à Vanessa sa peine et son amertume, lui raconte qu’il envoie régulièrement des mails et des colis à ses garçons, mais qu’en retour, il reçoit peu de nouvelles d’eux.
Terrorisés, la fillette et le petit garçon éclatent en sanglots
Vanessa comprend qu’avec elle, il entrevoit l’occasion de prendre un nouveau départ. Ils nourrissent le même rêve : faire un tour du monde à la voile. En novembre 2004, le couple achète un monocoque. Ils le retapent entièrement. Après avoir mis un peu d’argent de côté, Dominique et Vanessa larguent les amarres. Marin chevronné et débrouillard, il prend en charge la navigation et l’entretien du bateau ; elle s’occupe du ravitaillement et prépare les visites à terre. Ils sillonnent d’abord les Antilles, puis les côtes d’Amérique du Sud, font escale en Equateur, au Pérou, au Venezuela. Vanessa garde encore un souvenir émerveillé de leur halte dans les îles San-Blas, un archipel du Panama très peu fréquenté par les touristes. Avec Dominique, ils se mêlent aux habitants, les Indiens Kunas, partent à la pêche avec eux. Ils découvrent le monde en même temps qu’ils apprennent à se connaître.
A l’époque, la vie en huis clos sur le bateau leur pèse peu. Ils s’aiment et très vite Vanessa est enceinte. Ils se trouvent aux îles Marquises. Ils se rendent à Papeete où Vanessa accouche de Gaëlle le 30 mai 2007. Ils s’installent alors dans la capitale polynésienne. Arthur naît treize mois plus tard, le 15 juillet 2008. La famille se partage entre le « Honu » qui mouille dans les eaux turquoises du lagon de Punaauia et l’île de Raiatea où Dominique et Vanessa possèdent un faré, une petite maison en bois traditionnelle. La semaine, ils vivent à terre. Les enfants gambadent dans le grand jardin, aident leurs parents à faire du jardinage, planter des ananas. Gaëlle danse, joue avec ses poupées, tandis qu’Arthur crapahute ou lui pique ses Barbie. Ils sont inséparables. Le week-end, tout le monde sur le pont. On se baigne, on navigue d’île en île à bord du catamaran ou d’un va’a, une pirogue polynésienne. Une vie un peu bohème de Robinson Crusoé.
Mais le vernis de ce tableau idyllique se craquelle. Après la naissance d’Arthur, Vanessa ne se sent plus soutenue. Elle a l’impression de tout assumer. C’est elle qui rapporte l’argent à la maison avec ses permanences dans des pharmacies. Elle s’occupe aussi des tâches ménagères, allaite le petit, se relève la nuit quand il se réveille. Dominique, lui, ne travaille pas. Très rarement, il effectue des réparations sur des bateaux voisins ou quelques « skippages » de touristes. Vanessa ne supporte plus son désintérêt pour la vie quotidienne. Elle le trouve déconnecté des réalités, enfermé dans son monde. Entre eux, les tensions se font plus fréquentes. Le cadre enchanteur de la marina Taina devient le théâtre de leurs déchirements incessants. Et les enfants en sont les spectateurs impuissants. A bout, Vanessa finit par quitter Dominique, en avril 2010. Elle le trouve de plus en plus nerveux et irascible. La jeune femme laisse le bateau à son ex-compagnon et prend un appartement à Papeete.
Avant la séparation. Dominique et Vanessa, avec Gaëlle sur les genoux de son père et Arthur, enlacé par sa mère (DR).
En attendant que soit rendue une décision de justice, les parents parviennent à s’entendre sur un mode de garde alternée. Gaëlle et Arthur passent une semaine chez leur père, la suivante, chez leur mère. Mais Dominique rompt rapidement le contrat. « Il ramenait les enfants quand bon lui semblait, raconte Vanessa. D’autres fois, il ne voulait pas assurer sa semaine et j’étais obligée de me débrouiller avec la nounou. » Il lui arrive aussi de disparaître plusieurs jours avec les enfants. Affolée, Vanessa dépose des mains courantes au commissariat. Mais il n’y a rien à faire, la garde alternée n’ayant pas encore été officiellement prononcée. Pour régulariser la situation, Vanessa contacte le juge des affaires familiales. Rendez-vous est fixé le 2 juin. Depuis le mois de mai, Vanessa n’a quasiment aucune nouvelle de Dominique ou des enfants. Elle ne les voit plus, ne sait pas où ils se trouvent. La veille de l’audience au tribunal, elle apprend que Dominique est de retour à la marina avec Gaëlle et Arthur. Elle se rend sur place, retrouve Dominique dans un bar et tente de récupérer les enfants. Il la repousse. Terrorisés, la fillette et le petit garçon éclatent en sanglots. Le cœur brisé, leur mère n’insiste pas. Aujourd’hui, elle ne peut s’empêcher de se dire qu’elle n’aurait pas dû céder. Ce jour fut le dernier où elle a vu ses enfants.
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