Sur le Hirak, « il faut sortir de l’exceptionnalisme algérien »

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Rachid Ouaïssa, professeur de sciences politiques, dirige la chaire « Politique du Proche et Moyen-Orient » au Centre des études moyen-orientales de la Phillips Université de Marbourg (Allemagne). Après avoir consacré sa thèse de doctorat aux « structures du pouvoir en Algérie de 1962 à 2004 », il a multiplié les travaux sur les transformations sociales et politiques au Maghreb et au Moyen-Orient.

Comment les sciences sociales en Algérie se sont-elles emparées du Hirak ?

On se rend compte aujourd’hui des ravages causés par les années 1990 (la « décennie noire ») dans les universités algériennes. On réalise à quel point ces universités se sont vidées de leur matrice académique. Cela fait mal au cœur. Seule une petite minorité de la soi-disant élite universitaire est restée vivante du point de vue analytique et critique. Heureusement, la nouvelle génération d’étudiants est plus mûre que ses professeurs, dont nombre sont restés des enfants du système.

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Les jeunes chercheurs, eux, veulent vraiment réfléchir sur la société mais ils sont souvent bloqués. Il leur reste à accéder aux responsabilités. En Algérie, comme dans le reste du monde arabe, les sciences sociales n’ont jamais fait l’objet de beaucoup d’attention. Pour être un vrai scientifique, il faut être ingénieur, médecin. On a peur de produire des chercheurs qui réfléchissent sur la société. La société, c’est l’affaire du pouvoir. Il faut réfléchir sur les machines, mais pas sur les hommes.

Quelle est l’approche qui manque le plus aujourd’hui dans les sciences sociales algériennes ?

C’est le comparatisme. Il faut pouvoir comparer avec ce qui s’est passé ailleurs. Cette réflexion s’amorce plus facilement dans les milieux universitaires de la diaspora. L’Algérie n’est pas le seul pays du monde à connaître une révolution du type de celle qui se produit avec le Hirak. Comment cela s’est-il passé en Amérique latine ? Comment cela s’est-il passé en Europe de l’Est ? Et pourquoi dans les pays arabes, y a-t-il eu des échecs ? Loin d’un exceptionnalisme algérien, il faut comparer pour produire de la théorie.

Les chercheurs algériens sont-ils trop marqués par cette idée d’un exceptionnalisme algérien ?

Pas seulement des chercheurs algériens, beaucoup d’autres aussi. C’est dû au manque d’accès au terrain. Déjà, la guerre de libération a été peu explorée. On a seulement travaillé le côté honorable, l’héroïsme révolutionnaire. Mais on n’a pas travaillé l’histoire par le bas. Pareil pour la guerre civile des années 1990. On a dit : « C’est l’exceptionnalisme algérien », « Le peuple algérien est violent ». C’est tout un discours du pouvoir qui se reproduit dans la production scientifique. Et puis ensuite, l’exceptionnalisme algérien, cela a été de souligner que l’Algérie est restée à l’écart de la vague des printemps arabes de 2011.

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