A l’offensive contre les médias qui relèvent ses erreurs, Marine Le Pen s’enfonce

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« Marine dit la vérité ! » Le Rassemblement national (RN) a lancé, mardi 12 mars, sa réplique aux médias qui avaient pointé, ces dernières semaines, ses contre-vérités sur le traité d’Aix-la-Chapelle signé par la France et l’Allemagne en janvier. A en croire le parti, la députée n’aurait fait que dire la « vérité » et aurait donc été accusée de mentir à tort. Cette riposte a pourtant tout de l’enfumage. Explications.

Ce que dit le Rassemblement national

Voici le tract diffusé par le parti mardi. Ce document oppose deux déclarations, l’une de Marine Le Pen, et l’autre de la chancelière allemande, Angela Merkel. La conclusion des auteurs est sans appel : « Oui, l’Allemagne veut bien récupérer le siège de la France à l’ONU pour l’Union européenne », ce qui démontrerait que « Marine dit la vérité ! »

Rassemblement national

De nombreux cadres du parti se sont empressés de relayer l’affirmation. Bruno Bilde, député RN du Pas-de-Calais, l’a d’ailleurs directement adressé aux Décodeurs du Monde – rebaptisés les « déconneurs » pour l’occasion. Le maire de Fréjus, David Rachline, ironise : « Désormais, une “fake news” pour le gouvernement et les journalistes, c’est quand Marine dit la vérité trop tôt ! »

POURQUOI C’EST TROMPEUR

1. Oui, Marine Le Pen a bien menti sur le traité d’Aix-la-Chapelle

Reprenons les éléments du tract un par un, à commencer par la citation de Marine Le Pen qui y est reproduite. Cette dernière est tirée d’un entretien sur CNews daté du vendredi 18 janvier, lors duquel la dirigeante politique a affirmé son opposition au traité de coopération entre la France et l’Allemagne d’Aix-la-Chapelle, qui devait être signé quatre jours plus tard (et l’a bien été).

Marine Le Pen a également dit dans cette interview être opposée à l’idée que la France puisse « partager » son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Et lorsqu’elle a ajouté, dans la foulée, « nous faisons par ce traité un pas supplémentaire vers cela », elle parlait du traité d’Aix-la-Chapelle.

Le problème, c’est qu’à aucun moment le document en question n’envisage ni même n’évoque cette possibilité. Son article 8 parle bien du Conseil de sécurité de l’ONU, mais envisage une option sensiblement différente : que la France y conserve son siège permanent, et que l’Allemagne en décroche un également. Cette option est présentée dans le traité comme « une priorité de la diplomatie franco-allemande ».

Marine Le Pen a donc bien menti à l’époque sur le contenu de l’accord franco-allemand.

(Re)lire : Notre décryptage de cette intox, publié le 18 janvier

2. Malgré les propos d’Angela Merkel, la France ne veut ni « céder » ni « partager » son siège au Conseil de sécurité de l’ONU

En réalité, Marine Le Pen tente ici de tirer profit d’événements ultérieurs à la signature du traité. La présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), Annegret Kramp-Karrenbauer, a publié une tribune, dimanche 10 mars, sur sa vision de l’Europe. Et elle y propose notamment qu’un siège permanent commun à l’Union européenne soit créé au Conseil de sécurité de l’ONU. Angela Merkel a soutenu, lundi 11 mars, cette idée venue de la dirigeante de son propre parti, en affirmant donc qu’il « s’agit d’un très bon concept pour l’avenir ».

Marine Le Pen tente habilement d’utiliser ces propos pour semer le doute : et si, en fin de compte, il était bien question dès le départ que la France « abandonne » ou « partage » son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU ? Le problème de cette interprétation, c’est qu’elle passe sous silence le fait qu’il s’agit, en réalité, d’un débat qui s’est largement étalé sur la place publique ces derniers mois, comme nous l’avions signalé dès le mois de janvier.

Une « fausse bonne idée » pour la France

Les désirs de Berlin sont ainsi formulés de longue date : ainsi, le vice-chancelier et ministre fédéral des finances allemand, Olaf Scholz, avait déjà demandé à ce que le siège de la France au Conseil de sécurité « soit transformé en siège de l’Union européenne » dans un discours, le 28 novembre 2018.

Mais en face, la position française est tout aussi connue. L’ambassadeur de la France aux Nations unies, François Delattre, qualifiait ainsi cette option de « fausse bonne idée » dans une interview au Monde, préférant que la France conserve son siège et que d’autres Etats comme l’Allemagne, mais aussi l’Inde, le Brésil, le Japon en décrochent un. « Non, nous ne partagerons pas notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ni avec l’Allemagne, ni avec quiconque », a également répété la ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau, lundi 11 mars.

Argument supplémentaire en défaveur de la proposition allemande : créer un siège européen au Conseil de sécurité de l’ONU nécessiterait, en réalité, de réviser la charte des Nations unies. Cette dernière prévoit, en effet, que seuls des Etats puissent être membres du Conseil, ce que l’Union européenne n’est pas.

En résumé, on peut dire que des dirigeants allemands, et pas des moindres, proposent depuis plusieurs mois de remplacer le siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU. Sauf qu’il n’en est pas question pour Paris. Quant au traité d’Aix-la-Chapelle signé en janvier, il reprend justement les termes de la position française. Il faut donc beaucoup de mauvaise foi pour y voir la preuve que l’Allemagne obtiendra gain de cause dans ce dossier.

3. Une stratégie du mensonge récurrente

Cette tentative de riposte du Rassemblement national s’inscrit dans une stratégie plus large qui vise à maintenir, coûte que coûte, des déclarations mensongères. Marine Le Pen a ainsi utilisé la même ficelle ces dernières semaines au sujet d’un prétendu traitement de faveur des migrants en France.

La dirigeante du RN avait affirmé qu’un « migrant fraîchement débarqué [peut] toucher davantage qu’un retraité modeste qui a travaillé et cotisé toute sa vie ». Malgré les démentis de plusieurs médias, Marine Le Pen avait maintenu ses propos contre les faits. Et plusieurs cadres de son parti avaient alors relayé un visuel qui, comme celui sur le traité d’Aix-la-Chapelle, comportait la mention « Marine dit la vérité ! » :

Au fond, il ne s’agit que du prolongement d’une méthode déjà éprouvée pendant la campagne présidentielle de 2017. A l’époque, l’équipe des Décodeurs du Monde avait relevé pas moins de dix-neuf infox relayées par la candidate, lors du débat qui l’opposait à Emmanuel Macron. Une enquête de BuzzFeed News a aussi montré ensuite qu’il s’agissait d’une tactique délibérée, puisque le sondeur Damien Philippot avait conseillé à Mme Le Pen, dans une note, de « dégrader l’image de Macron, quitte à perdre en crédibilité ». Deux ans plus tard, la stratégie du mensonge reste d’actualité.

Adrien Sénécat



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