Après les « Luanda Leaks », le monde de l’art refuse de tourner le dos à Sindika Dokolo, mari d’Isabel dos Santos

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Sindika Dokolo (à droite) et son épouse Isabel dos Santos à Porto, au Portugal, en mai 2014.
Sindika Dokolo (à droite) et son épouse Isabel dos Santos à Porto, au Portugal, en mai 2014. FERNANDO VELUDO / AFP

Le monde de l’art reste globalement acquis à Sindika Dokolo, le mari d’Isabel dos Santos et gendre de l’ancien autocrate angolais Eduardo dos Santos, malgré les accusations de détournements de fonds massifs qui pleuvent sur le couple après les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde est partenaire.

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« Je refuse de hurler avec les loups, lance le curateur Simon Njami, qui fut longtemps le conseiller de Sindika Dokolo, homme d’affaires et collectionneur d’art danois d’origine congolaise. Que je sache, Sindika n’a pas été marchand d’armes ou de drogue. Que je sache, il ne gérait pas d’entreprises nationales ». Et de poursuivre : « Jusqu’à nouvel ordre, ce que je retiens de lui, c’est qu’il a fait avancer l’art contemporain en Afrique et je garde tout mon respect pour son action. »

Fondatrice de la revue Something We Africans Got, dont Dokolo avait aidé un numéro en 2016, la Franco-Ivoirienne Anna-Alix Koffi refuse aussi de lui tourner le dos : « Il est sincèrement passionné par l’art, ce n’est pas de l’opportunisme. Vous connaissez beaucoup de monde qui achèterait des œuvres à des centaines de milliers d’euros pour les rendre à leur pays ? C’est un défenseur de l’art africain et, à ce titre, je suis à ses côtés. »

Une collection de 3 000 œuvres

En moins de dix ans, Sindika Dokolo est devenu l’homme providentiel du continent, le plus gros collectionneur et mécène des artistes africains. « On est toujours charmé par l’Afrique qui prospère, on a faim de personnalités comme lui. Il nous faisait rêver », confie Didier Claes, marchand bruxellois d’origine congolaise qui a fait pendant quatre ans affaire avec lui. Pour l’élite mondialisée, il était devenu un des leurs, VIP de la foire Art Basel, invité au dîner de gala des amis du Musée d’art moderne de la ville de Paris en octobre 2019.

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Les galeries du monde entier lui ont déroulé le tapis rouge parce qu’il achetait massivement. Sa collection compte 3 000 œuvres, mais seulement environ 500 pièces de grande qualité selon les spécialistes. Un jour, il apportait son obole à une revue d’art, le lendemain il sponsorisait la foire 1-54 à Londres et New York. Chevalier blanc, il s’est engagé dans un processus de rachat et rapatriement d’œuvres volées au musée du Dundo, à Luanda. Il avait ainsi acquis un masque de jeune fille – Mwana Pwo – à la foire d’antiquités de Maastricht et, en octobre 2019, s’était porté acquéreur à Bruxelles du journal de l’officier Albert Lapière, relatant le pillage d’un masque luba dans un village congolais en 1896.

Sa collection d’art, enfin, a été exposée, à Porto d’abord en 2015, une ville où il ambitionnait initialement de créer un musée privé, puis à l’été 2019 au musée Bozar à Bruxelles. Selon nos informations, c’est dans la capitale belge qu’il aurait désormais stocké l’essentiel de ses œuvres. Depuis deux ans toutefois, Sindika Dokolo avait freiné, voire stoppé, ses achats et tenté plutôt de revendre une partie de ses grosses installations.

Des rumeurs, des doutes

Publiée dimanche 19 janvier, l’enquête d’ICIJ révèle comment le couple qu’il formait avec Isabel dos Santos a été aidé par « une armée de sociétés financières occidentales, d’avocats, de comptables, de fonctionnaires et de sociétés de gestion » pour « cacher des avoirs aux autorités fiscales ». Sindika Dokolo utilisait-il l’art pour cacher – ou se faire pardonner – les méfaits dont il est accusé ? Pratiquait-il l’« artwashing », en vogue chez les experts en blanchiment, qui s’offrent ainsi un ravalement en couleurs ? « Je n’y crois pas », déclare Didier Claes, qui affirme que l’élégant quadragénaire né à Kinshasa, au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo), payait avec des sociétés officielles européennes.

D’autres opérateurs précisent que le milliardaire achetait les œuvres par le biais d’une société de BTP enregistrée au Congo. « C’était son argent, à lui, pas celui qu’il aurait en commun avec Isabel dos Santos qui n’est jamais intervenue, et les factures n’étaient jamais gonflées », assure un marchand, qui souhaite garder l’anonymat.

Bien sûr, il y avait les rumeurs, persistantes, les doutes. « Des bruits, il y en a toujours sur les oligarques africains, avec un fond de racisme, balaye Didier Claes. Mais quand quelqu’un montre sa collection au public, dans un grand musée national comme Bozar, tous les signaux semblent au vert. » « Ça fait dix ans qu’on se posait des questions, mais on le vivait bien parce que l’argent était réinjecté pour aider les artistes », nuance un observateur.

Son action « est louable »

En mai 2007, une voix s’était tout de même élevée contre le milliardaire, qui allait alors exposer sa collection à la Biennale de Venise : l’artiste camerounais Barthélémy Toguo, qui refuse alors de figurer dans la sélection. « En aucun cas, de près ou de plus loin, mon nom ne peut être rapproché de celui de Sindika Dokolo ou de la collection qu’il a pu constituer au fil des années, écrit-il alors à la Biennale de Venise. Je respecte chacun des artistes dont les œuvres y figurent, mais je ne souhaite en aucune manière y rattacher ma démarche artistique. »

Récemment pourtant, via sa galerie viennoise Mario Mauroner, il a vendu des dessins au milliardaire dano-congolais. Barthélémy Toguo dit avoir révisé son jugement. « Je préfère regarder l’action, confie-t-il aujourd’hui. Ce qu’il fait pour l’art contemporain en Afrique est louable, c’est régénérateur d’idées. » Et d’ajouter : « On peut se poser des questions aujourd’hui sur beaucoup de collections privées données aux grands musées. Mais on peut questionner les gens qui sont au conseil d’administration du MoMA [Museum of Modern Art de New York]. Si on commence, on ne s’en sort plus. » C’est aussi l’argument de Didier Claes. « Si j’avais vendu des œuvres à Carlos Ghosn, est-ce que vous me demanderiez si je suis gêné, glisse-t-il. Il a été le patron d’une grande boîte et c’est aujourd’hui un fugitif. C’est facile de critiquer après coup. »

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