Roshi Bhadain: l’argent change la donne lors des élections

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Roshi Bhadain, leader du Reform Party.

Roshi Bhadain, leader du Reform Party.

Cette semaine, Roshi Bhadain, ancien député et leader du Reform Party, a fait une demande de «judicial review» suivant les élections du 7 novembre dernier. Pourquoi cette démarche après le dépôt des pétitions électorales ? Où était-il tout ce temps ? Réponses du principal concerné…

Depuis la proclamation des résultats électoraux, vous aviez disparu. Puis, sans crier gare, vous arrivez avec une «judicial review» des élections. Où étiez-vous ?

Après les élections, j’étais parti en vacances avec ma famille. Puis, à mon retour, il a fallu me remettre sur pied professionnellement pou mo kapav roul mo lakwizinn. Parallèlement, un candidat du Reform Party au n°19 (Stanley – Rose-Hill) m’a parlé d’anomalies lors du scrutin et nous avons travaillé sur la pétition électorale. D’ailleurs, nous avons été les premiers à en déposer.

 Vous avez aussi fait l’autopsie de votre défaite ?

Les autopsies se font sur les cadavres. Lorsque je commence un combat, je le termine. J’ai obtenu à peu près 7 000 voix dans la circonscription n°20 (Beau-Bassin–Petite-Rivière). Je remercie tous ceux qui m’ont fait confiance, mais malheureusement, la réalité à Maurice est que les gens votent rarement avec la raison. C’est plus les instincts de base et les émotions qui priment. Puis, il y a le vote communal et l’argent.

C’est-à-dire ?

Les gens disent toujours qu’il faut voter pour le changement. Mais l’argent change la donne. Je connais des gens qui, en une journée, changent trois fois de couleur. Il y a aussi ceux qui, à la veille des élections, lorsque le candidat est dans son état le plus vulnérable, deviennent voraces. Cette culture est bien ancrée.

Même si le candidat est intègre ?

Je vous donne un exemple concret. Lorsque j’étais au gouvernement, il y avait un quartier de la circonscription qui n’était pas relié au réseau électrique depuis plus de deux ans. La raison, le Central Electricity Board avait jugé qu’un arbre posait problème. Les enfants devaient faire leurs devoirs à la lumière des lampadaires plus loin car personne n’a voulu faire des démarches auprès du département des Bois et Forêts, le ministère de l’Agriculture et autres pour abattre l’arbre. Il a fallu que je le fasse. Mais à la veille des élections, d’autres candidats ont rappliqué et ont distribué de l’argent. Le système est difficile à changer.

 C’est maintenant qu’on aborde le sujet de la réforme électorale ?

 Pour cela, il faut avoir une volonté politique. Mais personne ne veut changer. Lorsqu’on voit comment la campagne s’est faite, le ciblage que Pravind Jugnauth a fait, vous pensez sérieusement qu’il changera un système qui lui a permis de gagner ? La réforme est fascinante en termes de débats académiques et excite les intellectuels. Mais il n’y a pas de volonté de changement.

Puisqu’on parle de la campagne, venons-en à votre révision judiciaire. Pourquoi cette démarche ?

Nous faisons face à une situation sans précédent, donc, il fallait penser latéralement. La judicial review est un recours où l’on demande à la Cour suprême de revoir les décisions d’une institution. Il y a des judicial reviews des décisions de la Public Service Commission, de l’Independent Commission against Corruption et autres. Comme l’Electoral Supervisory Commission est aussi un public body, la judicial review est un recours possible.

 Mais d’ici à ce que la cour se prononce, ne serons-nous pas déjà en 2024 ?

 Je ne l’espère pas, car l’enjeu est énorme. De toute façon, les chiffres publiés par la commission électorale n’ont pas de sens. Pour ajouter l’insulte à la blessure, ils ont changé leurs propres chiffres. Aujourd’hui, nous ne savons même pas avec certitude combien de personnes ont voté.

N’oublions pas les chiffres. Il y a 500 000 travailleurs qui vont devoir payer pour les goodies promis par Pravind Jugnauth. Toujours selon les chiffres, 450 000 des 725 000 électeurs n’ont pas voté pour ce gouvernement… Il faut vraiment que l’incertitude autour de ces élections prenne fin.

Vous avez aussi contesté la légitimé de Sharmila Sonah-Ori comme agent de Pravind Jugnauth au n°8 (Moka–Quartier-Militaire). Ce n’est pas chercher la petite bête là où il n’y en a pas ?

Je vais vous expliquer la taille de la bête. Sur le formulaire, il faut mettre le nom de l’agent et «whose address in the constituency is». L’agent de Miven Tirvengadum, qui était candidat du Reform Party au n°20 devait être Hansley Peramallee. Mais les officiers de la commission électorale ont refusé car il n’était pas un électeur de la circonscription. On a trouvé quelqu’un d’autre.

Maintenant, sur le site de la commission électorale, on apprend que l’agent Sharmila Sonah-Ori habite et vote à Quatre-Bornes et elle était «election agent» d’un candidat au n°8. La commission a expliqué que Pravind Jugnauth a mis une adresse «care of» pour son agent et que les officiers ont oublié de dire à Miven Tirvengadum que c’était un recours possible…

Et vous ne croyez pas à cette explication ?

Je l’ai dit dans ma judicial review. J’accuse la commission d’être biased en faveur de Pravind Jugnauth. À Maurice, c’est comme ça. Personne n’osera dire au Premier ministre de changer d’agent. Mais aux autres, les règlements s’appliquent…

On voit aussi que vous travaillez avec les autres partis de l’opposition…

Je suis d’accord avec Paul Bérenger lorsqu’il dit que l’opposition doit travailler ensemble. Personne n’a pu nous donner des réponses claires quant aux interrogations. Nous sommes en janvier 2020, et le mystère des quatre bulletins est toujours entier. Il y a aussi l’accaparement du pays à travers les nominations. C’est grave pour la démocratie et nous devons unir les forces. Dans la situation actuelle, on peut être ou patriote ou roder bout.

Au point de ravaler tout ce que vous avez dit que les anciens leaders ?

Je ne suis pas plus important que le pays. La situation dépasse l’individu. Kan ou lakaz pe brilé, ou napa geté kisanla pé donn ou séo délo.


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