A Durban, balade dans Little India, où vit la plus grande diaspora indienne du monde

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Des Sud-Africaines, d’origine indienne ou non, défilent en sari tous les ans durant une après-midi dans les rues de Durban pour célébrer la culture indienne, c’est le Durban Sari Stroll.
Des Sud-Africaines, d’origine indienne ou non, défilent en sari tous les ans durant une après-midi dans les rues de Durban pour célébrer la culture indienne, c’est le Durban Sari Stroll. RAJESH JANTILAL / AFP

Avenue Yusuf-Dadoo, un vendredi midi. L’appel à la prière résonne dans le centre-ville de Durban. Les fidèles ferment leurs échoppes, lâchent leurs outils et convergent vers la mosquée Juma. « La plus grande de l’hémisphère Sud ! », lance avec assurance son recteur AV Mohamed. Un peu plus de 4 000 musulmans sont venu écouter le prêche en anglais ce vendredi-là. Des fidèles de différents horizons : Malawites, Nigérians et Somaliens. La grande majorité est néanmoins « d’ici », de Durban, depuis trois, quatre ou cinq générations.

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« Nous sommes les “Indiens sud-africains” », s’exclame AV Mohamed, en regardant ses coreligionnaires pratiquer leurs ablutions. « En réalité, nous sommes le résultat de la fusion de nos ancêtres indiens au sein ce que nous appelons la nation zouloue. » La mosquée Juma en est l’un des exemples. Fondée en 1881 par quelques immigrés du Gujarat venus travailler dans une Afrique du Sud, encore colonie britannique pendant trente ans. Comme eux, à la fin du XIXe, plus de 150 000 de coolies (appellation des Indiens à l’époque) font le voyage depuis l’Inde vers le Natal pour supplanter les travailleurs noirs dans les mines et les champs.

« Ils arrivaient à Durban sous un contrat appelé indenture, précise Satish Duphelia, historien de la ville et arrière-petit-fils de Gandhi. Après l’abolition de l’esclavage, les Anglais cherchaient des étrangers pour remplacer les Noirs qui refusaient de travailler dans les champs dont on les avait expropriés. » C’est là que le grand exode des Indiens commence. Les conditions de l’indenture sont pourtant misérables ; un contrat leur demandant de mettre leur liberté de côté pendant les quelques années de labeur en Afrique.

Communauté à part

Aujourd’hui, plus de 800 000 descendants de coolies vivent encore là. « Le gouvernement britannique s’est rendu compte que les Indiens restaient et achetaient des parcelles de terre, rappelle Satish Duphelia. Londres a alors mis en place une taxe pour les décourager de s’installer. » En vain. « C’est pourquoi nous avons plus de 2,5 millions de Sud-africains d’origine indienne aujourd’hui. »

Durban et ses 3,5 millions d’habitants en bord d’océan Indien est la troisième plus grande ville d’Afrique du Sud, qui accueille la plus importante diaspora indienne au monde avec un quart de ses habitants d’origine gujarati, tamoule ou marathi.

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L’influence indienne est partout dans la ville, pourtant fief de l’identité zouloue. Noms de rues, temples, mosquées, magasins, musées, nourriture. Lorsque l’heure du déjeuner sonne, les résidents se bousculent pour avoir leur bunny chow, un sandwich indien typique… inventé à Durban. « Ça n’existe pas en Inde, assure Dipul qui dirige le restaurant Surat Vegetarian Delights. Le bunny chow est très pratique et pas cher, 1 euro pour du curry dans un demi-pain de mie à moitié évidé. » Une réponse aux besoins des travailleurs indiens des champs de canne à sucre et des mines qui avaient trouvé là le moyen d’apporter leur curry sur le lieu de travail. Aujourd’hui la tradition perdure et réunit Noirs et Indiens dans les restaurants Patel ou Little Gujarat.

Pourtant, si la fusion est bien réelle, les Indiens sud-africains ont quand même toujours constitué une communauté à part en Afrique du Sud. « Dans son projet diabolique, l’apartheid a tout fait pour diviser les communautés entre elles, raconte Satish Dhupelia. Et les Blancs ont mieux traité les Indiens que les Noirs pour nous éloigner les uns des autres. » Si bien qu’à Durban se dressent plusieurs townships 100 % indiens, comme Chatsworth et Phoenix.

Gandhi avant le Mahatma

C’est d’ailleurs à Phoenix que s’est installé le plus connu d’entre eux : Mahatma Gandhi. Débarqué de Bombay en tant que jeune avocat, il a développé là sa doctrine de désobéissance civile, la satyagraha. Son militantisme serait né ce jour de 1893 lorsqu’il s’est fait jeter de la première classe d’un train réservée aux Blancs.

L’héritage sud-africain du Mahatma sera contesté par la suite, son image de rassembleur écornée, même si Nelson Mandela lui a pardonné « ses préjugés », qu’il a considérés comme le fruit « des circonstances ». En 1904, lorsque les Noirs ont été autorisés à parcourir les rues de son quartier, il s’était demandé par écrit : « Pourquoi d’entre tous les lieux, le quartier indien a-t-il été choisi pour y déverser tous les Nègres de la ville ? » Une phrase que son arrière-petit-fils Satish Dhupelia tient à resituer dans le contexte de l’époque, « où il n’y avait pas de moyens de communiquer entre races, justifie-t-il. Chacun défendait sa communauté, sans savoir ce que faisaient les autres. »

Tous les ans, dans les rues de Durban, des Sud-Africains d’origine indienne, habillés à la manière du Mahatma Gandhi, commémorent la Marche du sel : 386 km à pied parcourus du 12 mars au 6 avril 1930 par le chantre de la non-violence indien et ses adeptes pour exiger l’indépendance de son pays à la Couronne britannique.
Tous les ans, dans les rues de Durban, des Sud-Africains d’origine indienne, habillés à la manière du Mahatma Gandhi, commémorent la Marche du sel : 386 km à pied parcourus du 12 mars au 6 avril 1930 par le chantre de la non-violence indien et ses adeptes pour exiger l’indépendance de son pays à la Couronne britannique. Rogan Ward / REUTERS

Alors doit-on les appeler Indiens, Indiens sud-africains ou Sud-africains tout simplement ? La crise d’identité est réelle pour certains. « Nous sommes avant tout des citoyens de ce pays, dans lequel nous sommes nés », martèle Satish Dhupelia, avant de préciser qu’il entretient également une relation particulière avec l’Inde. Beaucoup font d’ailleurs le voyage, vers les provinces du Gujarat ou du Maharastra pour retrouver la terre de leurs ancêtres.

Reste que les attaques contre les Indiens sont encore monnaie courante dans le discours politique d’aujourd’hui. Julius Malema, le leader de l’EFF (Economic Freedom Fighters) s’était emporté en 2018, assurant que « la majorité des Indiens détestent les Africains. La majorité des Indiens sont racistes, et nous ne devons jamais avoir peur de dire qu’ils sont racistes ».

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