La prise de Syrte est une étape majeure dans l’offensive du maréchal Haftar en Libye

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Des Libyennes réclament la fin de l’offensive du maréchal Khalifa Haftar (dont la photo est barrée sur la pancarte) contre le gouvernement d’accord national, le 27 décembre à Tripoli.
Des Libyennes réclament la fin de l’offensive du maréchal Khalifa Haftar (dont la photo est barrée sur la pancarte) contre le gouvernement d’accord national, le 27 décembre à Tripoli. ISMAIL ZITOUNY / REUTERS

Syrte, ce verrou stratégique et ce bastion symbolique. L’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar a réalisé une percée de taille, lundi 6 janvier, en s’emparant de l’ancien fief de Mouammar Kadhafi, jusque-là contrôlé par les forces loyales au gouvernement d’accord national (GAN) de Faïez Sarraj, basé à Tripoli.

Cette prise de la ville littorale de Syrte, où l’ex-dictateur caché dans un canal de drainage avait été lynché à mort le 20 octobre 2011 par les forces insurgées d’alors, s’impose d’ores et déjà comme un tournant dans l’offensive déclenchée au printemps contre le GAN de Tripoli par le maréchal Haftar, activement soutenu par les Emirats arabes unis (EAU), l’Egypte et l’Arabie saoudite.

Mitan géopolitique séparant la Cyrénaïque (Est) de la Tripolitaine (Ouest), Syrte commande l’accès à la métropole portuaire de Misrata, située à 250 km à l’ouest, siège de la principale force militaire qui protège la capitale, Tripoli. « La prise de Syrte met Misrata à découvert sur son flanc oriental, relève Emadeddine Badi, chercheur au Middle East Institute. Cela va les distraire de la défense de Tripoli. »

Les troupes de l’ANL de Haftar, déjà présentes à Tarhouna, au sud de la capitale, ainsi que dans des poches intra-muros, pourraient ainsi gagner en marge de manœuvre pour intensifier leur pression sur le GAN de Sarraj. Les forces loyales à ce dernier, déjà démoralisées par les coups meurtriers que leur portent les mercenaires russes enrôlés au service de Haftar, sont plus que jamais sur la défensive.

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A Syrte, les unités de l’ANL ont pénétré lundi au cœur de la ville par l’est et le sud quasiment sans combats, à la faveur d’un retournement d’alliance locale. Elles y ont été accueillies par des démonstrations de joie de la population locale brandissant des affiches de Kadhafi ou des drapeaux verts, couleur fétiche de l’ancien régime renversé par la révolution de 2011.

Deux des principaux groupes tribaux de la ville, les Qadhadhfa et les Warfalla, sont restés en effet fidèles à la mémoire de l’ex-Guide de la Jamahiriya (Etat des masses) et voient dans Haftar l’instrument d’une forme de revanche historique. « On assiste à un retour de la dynamique de 2011, observe Emadeddine Badi. Les kadhafistes se servent de Haftar pour revenir sur la scène. »

Ambivalence idéologique

C’est que les plaies de l’histoire sont encore à vif. La violence des représailles anti-kadhafistes perpétrées à l’automne 2011 par les révolutionnaires de la ville voisine de Misrata, qui avaient eux-mêmes durement souffert de la répression de l’ancien régime, avait laissé de profondes traces au sein de la population syrtoise.

Le traumatisme avait ensuite offert un terreau favorable à l’implantation de l’organisation Etat islamique (EI). Capitalisant sur les haines locales envers les nouveaux maîtres de l’après-2011, les adeptes du califat d’Abou Bakr Al-Baghdadi avaient fait de Syrte leur place forte en Afrique du Nord entre juin 2015 et décembre 2016. Une coalition anti-EI agrégée autour de Misrata – à laquelle Haftar n’a pas participé – dut payer le prix fort (700 morts) pour chasser l’organisation djihadiste et rétablir à Syrte la tutelle formelle du GAN de Sarraj, un gouvernement reconnu par la communauté internationale.

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Mais cette stabilité retrouvée sous les couleurs de Tripoli s’est révélée précaire. La sécurité de la ville reposait sur un équilibre fragile entre les forces d’Al-Bounyan Al-Marsous – une coalition dominée par les milices de Misrata – et la Brigade 604 composée de Syrtois se réclamant du salafisme dit « madkhali ». Cette école doit son nom à son maître, le théologien saoudien Rabia ben Hadi Al-Madkhali, qui prêche, outre l’application rigoureuse de la charia, la loyauté aux régimes en place. Les Madkhali sont hostiles aux Frères musulmans ainsi qu’aux djihadistes de type Al-Qaida ou EI.

A Syrte, la base tribale de la Brigade 604, recrutant principalement au sein des Ferjani, l’avait d’emblée rendue suspecte de sympathies pro-Haftar. Le maréchal est en effet lui-même issu de cette tribu, dont les racines géographiques s’étendent entre le golfe de Syrte et Tarhouna, aux portes de Tripoli. Mais la connexion est restée discrète et n’a pas eu d’impact militaire jusqu’à lundi, date de la rupture formelle de l’alliance locale entre cette Brigade 604 et les Misrati d’Al-Bounyan Al-Marsous, qui contrôlaient jusque-là Syrte.

Selon un rapport d’un commandant misrati relayé au Monde par une source de Tripoli, « les forces d’Al-Bounyan Al-Marsous ont essuyé des tirs dans le dos de la part de la Brigade 604 au moment de l’affrontement avec Haftar, ce qui les a conduits à évacuer la ville ». Le double relais local qui a autorisé la prise de Syrte – les kadhafistes et les salafistes – illustre l’ambivalence idéologique qui caractérise la construction des alliances autour du maréchal.

« Action préventive »

Selon Emadeddine Badi, l’accélération des événements autour de Syrte s’explique vraisemblablement par la mobilisation affichée par la Turquie en faveur du GAN de Sarraj. Le 2 janvier, le Parlement turc a voté une motion autorisant l’envoi de troupes d’Ankara au secours du gouvernement de Tripoli. « La prise de Syrte par Haftar est une action préventive avant l’arrivée des Turcs, qui devraient établir leur centre de commandement à Misrata », souligne M. Badi.

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Chaque jour qui passe confirme l’escalade de la violence dans laquelle est aspirée la Libye, neuf mois après le déclenchement de l’offensive sur Tripoli par l’ANL de Haftar. Le 4 janvier, un missile tiré par un drone contre l’école militaire du quartier Al-Hadba Al-Khadra à Tripoli a causé la mort d’au moins 28 cadets.

Le chef de la mission des Nations unies pour la Libye, Ghassan Salamé, a imputé lundi à New York cette attaque à « un pays soutenant l’ANL ». Il a exprimé à cette occasion sa « colère » devant l’inaction internationale face à l’aggravation du conflit en Libye nourrie par les multiples « ingérences étrangères » actuellement en cours.

« La Libye n’est pas seulement une histoire de pétrole, une histoire de gaz, une histoire géopolitique, s’est-il exclamé. C’est aussi une histoire d’hommes, et la population souffre pour la seule raison qu’il n’y a pas de message international clair affirmant qu’“assez, c’est assez” ». Depuis le début de la bataille de Tripoli, le conseil de sécurité des Nations unies a échoué à adopter la moindre résolution appelant à l’arrêt des combats.

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