En Tunisie, un gouvernement d’« indépendants » pour sortir de la confusion politique

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Le premier ministre tunisien, Habib Jemli, présente son gouvernement lors d’une conférence de presse à Tunis, le 2 janvier 2020.
Le premier ministre tunisien, Habib Jemli, présente son gouvernement lors d’une conférence de presse à Tunis, le 2 janvier 2020. FETHI BELAID / AFP

Il s’agit d’un accouchement dans la douleur. La Tunisie a un nouveau gouvernement, mais sa naissance aura été d’une complexité inédite depuis la révolution de 2011. La liste des ministres a été dévoilée jeudi 2 janvier, après plus d’un mois et demi de négociations.

Désigné à la tête du gouvernement le 15 novembre par le parti islamo-conservateur Ennahda, arrivé en tête des élections législatives du 6 octobre, Habib Jemli aura peiné à former son équipe de 28 ministres et 14 secrétaires d’Etat. « J’ai voulu faire un gouvernement de compétences indépendantes, cela a été très difficile », avait-il admis mercredi dans une déclaration à la presse. Signe de la confusion ambiante, il n’avait alors pas dévoilé la liste tant attendue, ce qui n’a pas empêché des fuites dans la nuit sur les réseaux sociaux. La liste a finalement été confirmée en l’état jeudi après-midi. « Il y a eu sans doute des relectures et des consultations avec la présidence de la République, mais cela n’a finalement rien changé », observe Zied Krichen, rédacteur en chef du quotidien arabophone Le Maghreb.

Des anciens de la « troïka »

Le nouveau gouvernement compte des figures peu connues du grand public ou d’anciens ministres de la « troïka », la coalition dominée par Ennahda qui avait gouverné la Tunisie entre fin 2011 et début 2014. C’est le cas de Tarek Dhiab, ex-footballeur professionnel qui retrouve le ministère des sports, de Bechir Zaafouri, ex-ministre de l’artisanat aujourd’hui chargé du commerce, et de Jamel Gamra, ex-ministre du tourisme nommé aux transports. Les seuls ministres issus du gouvernement sortant de Youssef Chahed sont René Trabelsi, au tourisme, et Noureddine Selmi, qui troque le ministère de l’équipement pour celui des affaires locales et de l’environnement.

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Trois ministères parmi les plus stratégiques ont été octroyés à des magistrats : Sofiane Seliti à l’intérieur, Imed Derouiche à la défense et Hedi Guediri à la justice. Ces personnalités sont sans couleur partisane évidente, mais elles ont toutes travaillé dans des ministères tenus par Ennahda à l’époque de la « troïka ». Tel est notamment le cas de Hedi Guediri, ancien chef de cabinet de l’ex-ministre de la justice Noureddine Bhriri, un poids lourd du parti islamo-conservateur. « Les critiques fusent déjà sur le fait que beaucoup des membres du nouveau gouvernement sont en apparence indépendants mais sont en fait acquis à Ennahda car ils ont occupé des postes sous la troïka », avance Zied Krichen.

Les affaires étrangères, elles, sont revenues au diplomate Khaled Sehili, ex-ambassadeur en Jordanie, tandis que les finances ont été confiées à Abderrahman Khochtali, un technocrate issu de l’administration. Lobna Jeribi, ex-députée à l’Assemblée constituante (2011-2014) et présidente du cercle de réflexion Solidar, occupe quant à elle le poste de ministre chargée des relations avec le Parlement.

Pressions d’Ennahda

Si des erreurs de communication ont entaché le processus de composition du gouvernement, Habib Jemli devait compter avec de lourdes contraintes. Il lui a fallu composer avec les exigences contradictoires de forces politiques issues d’un Parlement fragmenté, dépourvu de majorité réelle, ainsi qu’avec les pressions émanant du parti qui l’a désigné chef du gouvernement, Ennahda.

On trouve ainsi dans la nouvelle équipe deux personnalités qui avaient été initialement pressenties pour prendre la tête du gouvernement : l’économiste Fadhel Abdelkefi, ancien ministre du développement et de la coopération internationale de 2016 à 2017, qui récupère ce ministère stratégique dans la promotion de la Tunisie à l’extérieur ; et Mongi Marzouk, également promu à un ministère qu’il avait déjà occupé, celui des mines et de l’énergie. Réputé indépendant, M. Abdelkefi est proche des idées du parti Qalb Tounes, du candidat malheureux à la présidentielle Nabil Karoui, tandis que M. Marzouk est considéré comme proche d’Ennahda.

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Il reste maintenant à ce nouveau gouvernement à obtenir l’investiture de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le vote des députés n’est pas encore acquis, à en juger par certaines réactions mitigées. Ennahda, pourtant très présent depuis le début dans les négociations, a publié un communiqué, mercredi soir, indiquant ne pas avoir eu accès à la liste finale avant que Habib Jemli ne la transmette à la présidence de la République. Qalb Tounes, second parti à l’Assemblée, affirme de son côté ne pas avoir été associé. « Il n’y a eu aucune négociation ni discussion avec M. Habib Jemli concernant les noms proposés aux portefeuilles ministériels », commente un communiqué du parti diffusé jeudi.

Une Assemblée morcelée

Habib Jemli doit obtenir 109 voix au Parlement pour faire valider son équipe. L’échec des négociations initiales avec les partis politiques, qui l’a conduit à opter pour un gouvernement d’« indépendants », va lui rendre la tâche compliquée face aux députés. L’ARP issue du scrutin du 6 octobre est en effet très morcelée. Les deux partis arrivés en tête, Ennhada (52 sièges) et Qalb Tounes (38 voix), ne disposent même pas d’une majorité absolue dans l’hypothèse où ils s’entendraient sur un vote de circonstance. Un troisième pôle s’est forgé autour d’un bloc parlementaire de 40 députés associant Attayar, le Mouvement du peuple et quelques indépendants. Cette force d’opposition peut former un verrou empêchant l’investiture du nouveau gouvernement. « Ces partis se sont retirés des négociations, car ils ont vu que les portefeuilles ministériels étaient encore trop octroyés de façon assez partisane à Ennahda », analyse Zied Krichen.

La cause est-elle perdue pour Habib Jemli ? « Le seul facteur qui puisse faire passer le gouvernement, c’est qu’il s’agit du dernier essai, conclut M. Krichen. Aucun député n’a intérêt à ce que le président choisisse la prochaine formation ou, pire, dissolve l’Assemblée pour organiser de nouvelles élections» Selon la Constitution, Habib Jemli disposait d’un mois, renouvelable une fois, pour former son gouvernement (soit jusqu’au 14 janvier). En cas d’échec, il reviendrait au président de la République, Kaïs Saïed, de désigner un chef du gouvernement, reprenant le processus à zéro pour constituer une équipe. Si cette tentative devait de nouveau échouer, le chef de l’Etat serait alors habilité à prononcer la dissolution de l’Assemblée et à convoquer des élections anticipées.

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