retour à La Saline, théâtre d’un massacre à huis clos

0
198

[ad_1]

Par

Publié aujourd’hui à 03h48

Des abris de fortune construits sur les débris des maisons détruites par les incendies lors du massacre du quartier La Saline, le 30 mai 2019, en Haïti.
Des abris de fortune construits sur les débris des maisons détruites par les incendies lors du massacre du quartier La Saline, le 30 mai 2019, en Haïti. DIEU NALIO CHERY / AP

Une ruelle. Le silence et la mer. Des maisons en tôle et en briques de terre collées les unes aux autres, quelques hommes et femmes assis à l’ombre des murs, un magasin d’alimentation – « Dieu qui décide » – fermé, des porcs qui déambulent librement à travers des montagnes d’immondices et un soleil de feu.

Une ruelle d’un bidonville de Port-au-Prince à première vue ordinaire. Les corps sont usés. La désolation se lit dans les regards, une colère froide aussi. Ici, à La Saline, la différence avec les autres quartiers de la capitale haïtienne est que la mort s’éternise peut-être un peu plus longtemps qu’ailleurs.

Ernst Léger tente un sourire. Il est né sur cette parcelle de terre ingrate, élevé par les sœurs salésiennes du bloc d’à côté, boulevard Jean-Jacques-Dessalines, dont l’église a disparu avec le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et ses 250 000 victimes. Jeune, il a très vite été un fervent admirateur du père Jean-Bertrand Aristide, ce prêtre devenu porte-parole des déshérités avant d’être élu président. M. Aristide venait prêcher dans l’église juste en face, à Don Bosco, jusqu’à ce que d’anciens « tontons macoutes », ces miliciens héritiers de la dictature des Duvalier père et fils, y mettent le feu, en 1988. « Il y a eu des dizaines de morts, souffle-t-il. Et puis, les émeutes ont balayé le régime… A cette époque, on croyait encore à un monde meilleur. »

La Saline, près de Port-au-Prince, le 8 août 2019.
La Saline, près de Port-au-Prince, le 8 août 2019. ANDRES MARTINEZ CASARES / REUTERS

Aujourd’hui, Ernst Léger est revenu à La Saline. Prudemment. Inquiet aussi, comme les 5 000 habitants du quartier, dit-il. Avec des centaines d’autres résidents, il a dû fuir les lieux il y a un peu plus d’un an. Ce jour-là, le 13 novembre 2018, peu après 15 heures, Ernst se trouvait dans la rue quand il a vu surgir des dizaines de membres de gangs armés. Une irruption de violence inouïe. Ernst a couru. Loin, le plus loin possible.

Son fils Ernson, lui, n’a rien pu faire. Il était chez sa belle-mère lorsqu’un groupe de jeunes gens masqués a forcé la porte. Il a été tué à bout portant. La maison a brûlé. Quelques jours plus tard, quand Ernst se décide à revenir, il découvre la tête de son fils décapitée au coin de la rue. Il tend le bras : « Elle était là, tout près de l’église. »

Ernst Léger ne retrouvera jamais les restes du corps de son fils. Il avait 28 ans. « Sans enfants, parce qu’il voulait d’abord passer un diplôme… » Un long silence.

« L’attaque était ciblée »

Soixante et onze personnes perdront la vie ce 13 novembre dans ce qui sera le pire massacre jamais observé depuis la tuerie de la commune de Jean-Rabel, en juillet 1987, au nord-ouest du pays, où un propriétaire foncier fit massacrer 139 paysans sans terre. Ernst reprend : « Les atrocités ont toujours existé dans notre triste histoire, mais jamais à un tel degré de barbarie et de chaos. »

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: