Karan Juglall: sauver des enfants inopérables en gardant leur dignité intacte

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Karan Juglall, fondateur de l’organisation Enn Rev, Enn Sourir.

Karan Juglall, fondateur de l’organisation Enn Rev, Enn Sourir.

Le siège d’Enn Rev, Enn Sourir, entièrement financé par un des partenaires de l’association, se trouve à Rose-Hill. Les murs de la pièce sont blancs, sauf pour un pan sur lequel le nom Enn Rev, Enn Sourir se répète, presque à l’infini. Les dossiers sur les étagères sont rangés au millimètre près, y compris sur le bureau de Karan Juglall, dont la table donne le dos à un tableau blanc sur lequel l’initiateur de cette organisation non gouvernementale a décliné point par point chaque volet de sa vaste campagne de levée de fonds pour 2020. Il est clair que rien n’a été laissé au hasard et que ce jeune de 27 ans, à l’air posé, a pensé à tout.

Karan Juglall est issu d’une famille modeste de Vallée-Pitot. Son père, qui est à la retraite, était caretaker dans une école. Karan Juglall a été scolarisé à Notre Dame de la Paix R.C.A avant de fréquenter le DAV College. Voyant qu’il filait un mauvais coton, sa mère, Seetwantee, décédée il y a quelques mois, l’a retiré de là et l’a fait admettre au City College, école privée de la capitale.

Karan Juglall se reprend et s’intéresse à tout, tant à l’économie qu’à l’art, à l’informatique, au business mais la matière qui l’intéresse le plus est la sociologie. À l’âge de 15 ans, alors qu’il accompagne sa mère au marché central, il remarque une femme assise à terre, qui mendie, son enfant «dan so godi». Il pense à une arnaque. Or, sa mère lui explique que l’enfant a une tumeur au cerveau inopérable à Maurice et que sa maman est obligée de mendier pour avoir de quoi l’envoyer se faire opérer à l’étranger. Karan Juglall est sous le choc. Dès cet instant, il se dit que quand il sera adulte, il oeuvrera en faveur des enfants inopérables à Maurice.

Un an plus tard, sa route croise celle de Michaël Pompéia, un étudiant, qui offre des cours particuliers aux enfants, à Sainte-Croix. Karan Juglall fait part de son rêve à l’étudiant qui l’encourage à coucher ses idées sur papier pour définir ce qu’il veut faire de sa vie. C’est ce qu’il fait annuellement dans ses agendas. C’est ainsi que ce qu’il nomme son «baby dream» prend forme et se structure. Son rêve est d’envoyer les enfants inopérables à Maurice se faire traiter à l’étranger et ainsi éviter que leurs parents n’aient recours à la mendicité.

Michaël Pompéia, qui est devenu un de ses amis, lui fait comprendre qu’il y a une différence entre l’envie de faire du social et la mettre en pratique. Pour savoir comment fonctionnent les organisations non gouvernementales, il intègre tour à tour plusieurs d’entre elles et prend note de leurs forces comme de leurs faiblesses pour éviter les obstacles et autres écueils lorsqu’il aura fondé son ONG.

Il exerce plusieurs boulots avant de pouvoir obtenir une bourse de l’institut Charles Telfair pour poursuivre ses études en service communautaire. Sans peine, il obtient son certificat et son diplôme. Il met cinq ans avant d’enregistrer son ONG Enn Rev, Enn Sourir. C’est chose faite en 2017. Sa rencontre avec le Dr Kevin Teerovengadum, unique chirurgien pédiatrique à Maurice, qui a oeuvré dans le public avant d’être découragé par le manque de coopération et d’intégrer le privé, est déterminante. Son côtoiement avec le Dr Teerovengadum vient lui démontrer qu’il y a de nombreux enfants déclarés inopérables dans le secteur public, qui peuvent pourtant l’être dans le privé et qu’ils ne doivent pas être systématiquement envoyés à l’étranger. Il trouve aussi des atomes crochus entre le Dr Riyad Joomaye, réanimateur en soins intensifs, et lui, ainsi qu’avec l’anesthésiste Reshma Gaya. Il leur expose son idée et leur demande de figurer sur le board d’examen médical de son ONG. Ils acceptent, tout en le trouvant audacieux et en pensant qu’il se découragera dès le premier obstacle.

Or, c’est mal connaître Karan Juglall. Il crée sa page Enn Rev, Enn Sourir sur les réseaux sociaux et bien vite, les parents d’enfants déclarés inopérables prennent contact avec lui. La première personne qui se tourne vers lui est une femme enceinte dont le gynécologue du service public a condamné son foetus à une mort certaine car les intestins du bébé sont ouverts. Karan Juglall réfère le cas au Dr Kevin Teerovengadum qui suit la maman jusqu’à ce qu’elle complète sa grossesse. Son bébé naît par césarienne et il est pris en charge par Enn Rev, Enn Sourir. Le nourrisson a besoin de trois interventions chirurgicales, au coût de Rs 1,2 million pour survivre. Avec une méthodologie spécifique, en moins d’une semaine, Karan Juglall parvient à recueillir 75 % de la somme nécessaire. Comment a-t-il procédé ? Quel que soit le montant nécessaire, il commence par demander une contribution des parents pour que ces derniers se sentent partie prenante de la collecte de fonds. «Pour leur dignité, ils doivent faire un petit effort pour avancer.» Ensuite, il fait appel à la compagnie qui emploie l’un ou l’autre parent ou des proches de l’enfant malade. «Je vais voir la direction et je fais une présentation de la maladie de l’enfant. La société se sent concernée car c’est son employé qui vit un drame et se montre généralement prête à aider», raconte-t-il.

En trois ans, Karan Juglall a réussi à faire plus de 130 enfants de 0 à 18 ans être opérés, dont 35 à l’étranger, que ce soit dans des centres de soins à La Réunion ou en Inde, avec qui Enn Rev, Enn Sourir a noué des partenariats. Enn Rev, Enn Sourir offre deux types de services : le Smile Pediatric Health Care pour les enfants capables d’être opérés à Maurice et le Smile Pediatric Overseas Treatment Care pour les enfants nécessitant des soins à l’étranger. Dans le cas de ces derniers, l’organisation doit attendre le feu vert des Casernes centrales, de l’Overseas Treatment Unit du ministère de la Santé et du board médical du même ministère. «Et toute la paperasse administrative prend du temps et c’est au détriment de l’enfant.»

Depuis juin, Enn Rev, Enn Sourire a obtenu la reconnaissance du National Corporate Social Responsibility mais dans l’optique de dépendre le moins possible de l’État, Karan Juglall a décidé de faire une campagne monstre de levée de fonds pour 2020. Il y a plusieurs volets à cette campagne, à commencer par une tombola avec comme prix des billets d’avion pour des destinations de rêve. Il projette d’organiser quatre tombolas par an. Ensuite vient l’impression de T-shirts, dont la première collection est #Timan. Ils seront vendus en ligne et l’acheteur sera livré en quatre jours. «J’aurais pu profiter des Jeux des îles et de la visite du pape pour faire des T-shirts mais j’ai raté le coche. Cette impression de T-shirts avec des emojis marrants se fait en collaboration avec Teamonite et l’usine RT Knits. On peut décliner des collections régulières. Après Timan, on fera une Smiley Collection. Ces offres seront sur notre site, qui est en reconstruction en janvier. En achetant un T-shirt, l’internaute saura combien de T-shirts ont été vendus et quel montant a été recueilli car nous voulons que tout se fasse dans la transparence.»

L’autre volet de cette campagne est la constitution d’une chorale, baptisée Love Kids, similaire à Kids United. Les enfants figurant dans cette chorale reprendront les titres à succès de nos vedettes locales, en compagnie de ces dernières. «Nous vendrons le DVD et nous organiserons des concerts.» D’ici juillet 2020, Karan Juglall compte organiser un Trail où chaque participant fera don de ses frais de participation à Enn Rev, Enn Sourir.

L’initiateur de cette organisation mise aussi sur un méga don de sang dans les neuf districts de Maurice afin que les parents dont les enfants ont besoin de sang puissent en disposer facilement. Et en guise de prévention, sur les pages Facebook, YouTube, Instagram de l’association, Karan Juglall a mis en ligne des enregistrements d’interviews des Drs Teerovengadum, Joomaye et Gaya. «En 2020, nous mettrons en ligne des témoignages des enfants, avec le consentement de leurs parents bien entendu et celui des parents eux-mêmes pour qu’ils parlent de la maladie de leur enfant. Il faut absolument sensibiliser les gens à propos des maladies qui affectent les enfants.»

Mais le plus gros volet de cette campagne est un concert de charité de l’océan Indien afin de récolter des fonds pour aider les enfants malades dans les îles de l’océan Indien, dont les parents n’ont pas les moyens de les faire opérer et soigner. «Ce sera un concert de charité avec des artistes mauriciens et ceux des autres îles de la région. Je suis en pourparlers avec une vedette internationale afin qu’elle participe bénévolement à ce concert, qui sera un low ticket concert, soit à Rs 500.» Il envisage de tenir cette manifestation en décembre 2020 au stade Anjalay. «Ces différents volets devraient me permettre de recueillir entre Rs 25 et Rs 50 millions. Nous ferons cette levée de fonds assez régulièrement pour que les parents n’aient plus à mendier, ni à dépendre d’une quelconque instance gouvernementale pour pouvoir soigner leurs enfants.»

Lorsqu’on lui fait remarquer qu’il a jusqu’ici gardé profil bas, il réplique qu’il préfère laisser ses actions parler pour lui. «Nous avons célébré nos 50 ans d’Indépendance mais nous avons été incapables jusqu’ici de mettre sur pied un hôpital pour les enfants. Mo nisa, sé fer zanfan bien, sap zot lavi…»


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