« La paix au temps de la post-vérité »

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GIULIA D’ANNA

Nous avons demandé à six écrivains de choisir un ou plusieurs événements qui, selon eux, ont marqué ces dix dernières années. Aujourd’hui, le Colombien Juan Gabriel Vasquez, né à Bogota en 1973, où il réside toujours. Diplômé en droit, il a suivi des études de lettres à la Sorbonne. Avant de partir vivre en Belgique et à Barcelone, où il collabore à différents suppléments littéraires. Grâce à la distance, il a pu enfin écrire sur son pays, dont il n’a cessé d’explorer le passé proche comme dans Le Bruit des choses qui tombent (Seuil, 2012), sur la lutte contre les cartels de la drogue dans les années 1980. Ou, plus lointain, avec Histoire secrète du Costaguana, sur les séismes politiques qui aboutirent, en 1903, à la séparation entre le Panama et la Colombie. Composée de romans, de nouvelles et d’essais, son œuvre a été couronnée de nombreux prix dont le prix Roger-Caillois en 2012, ou le prix de l’Académie royale d’Espagne pour Les Réputations (Seuil, 2014). Son dernier livre, Le Corps des ruines, a paru chez Seuil, en 2017.

Tribune. La deuxième décennie de ce siècle tourmenté a commencé deux ans plus tard pour les Colombiens : lorsque, en 2012, le gouvernement a annoncé l’ouverture d’un dialogue de paix avec la guérilla des FARC. Il s’agissait d’aboutir à la sortie négociée d’une guerre qui, remontant à plus d’un demi-siècle, avait laissé sur son chemin près d’un quart de million de morts, et dont le nombre des autres victimes – blessés, individus enlevés ou contraints de partir ailleurs en raison de la violence multiforme – s’élevait au chiffre effroyable de plus de sept millions.

Par le passé, des négociations similaires avaient été initiées à plusieurs reprises avant de se solder par des échecs retentissants. En 1992, après une tentative avortée, un guérillero avait quitté la délégation du gouvernement en prononçant ces mots affligeants : « Nous nous reverrons dans dix mille morts. » En 2012, nous, les Colombiens, espérions qu’il ne serait pas nécessaire d’attendre encore vingt ans et beaucoup plus de dix mille morts pour connaître enfin un pays en situation de paix. En d’autres termes, nous espérions soustraire à la guerre ses prochaines victimes.

Métaphore de notre continent et de notre temps

Les négociations de La Havane et leurs conséquences ont marqué le reste de la décennie, et pas seulement en Colombie. Le conflit à l’intérieur de mon pays fut une sorte d’étrange métaphore du continent tout entier, un théâtre où se racontaient les histoires importantes des dernières années, des ultimes sursauts de la guerre froide à la naissance puis l’apogée du narcotrafic. Et où tous les acteurs semblaient jouer un rôle : des Etats-Unis – dont l’aide militaire avait radicalement changé les rapports de force du conflit – au Venezuela de Chavez, refuge et soutien des guérillas colombiennes. Cette guerre lointaine est arrivée en France sous le visage d’Ingrid Betancourt, citoyenne française dont la séquestration, pendant six ans, dans la jungle a été l’occasion pour les Européens de découvrir les méthodes abjectes des FARC.

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