Milan Kundera, la nostalgie de Prague

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Publié aujourd’hui à 06h22

Milan Kundera, à Paris, en février 2009.
Milan Kundera, à Paris, en février 2009. CATHERINE HELIE / OPALE

C’était au mois d’octobre, au monastère de Strahov, sur l’une des collines de Prague. Dans ce bijou de l’art baroque se tenait une exposition autour des traductions des œuvres de Milan Kundera. Pour s’y rendre, il fallait emprunter le sentier verdoyant et escarpé qui longe l’hôpital des sœurs miséricordieuses de Saint-Karla. L’après-midi s’en échappent toujours plusieurs infirmières aux formes généreuses et au grand tablier blanc, comme on les imagine dans la station de cure de La Valse aux adieux (1976).

L’immeuble situé au 304, rue Bartolomejska, à Prague, le 20 octobre.
L’immeuble situé au 304, rue Bartolomejska, à Prague, le 20 octobre.

Il n’y a pas de circuit touristique Kundera à Prague, seulement des fantômes échappés de ses livres. L’exposition au monastère de Strahov n’a pas attiré la foule. L’intrépide commissaire rêvait pourtant de « souligner l’importance de Milan Kundera, membre incontestable de la grande littérature mondiale ». Au rez-de-chaussée du 304 rue Bartolomejska, où l’écrivain et sa femme Véra demeuraient autrefois, une boutique de créateur vante fièrement – en anglais – sa ligne de vêtements artisanaux « original fashion », 100 % tchèque. Un peu plus loin se tient l’Institut du cinéma où le romancier aux 49 traductions donnait des cours dans les années 1960. Rien d’autre. Son pays natal le boude, ses livres y sont publiés au compte-gouttes, la jeunesse ne l’a pas lu.

Une blague circule à Prague : « Havel a fait de la prison et est devenu président. Kundera est parti en France, il est devenu écrivain »

Chez les plus âgés, ce n’est pas une histoire d’ignorance ou d’indifférence. Une blague circule ici à ce sujet : « Havel a fait de la prison et est devenu président. Kundera est parti en France, il est devenu écrivain. » La plaisanterie dit tout. « Pouvez-vous m’expliquer pourquoi Kundera, l’écrivain en exil, pose à ces intellectuels tchèques un problème qui confine à l’obsession ? » Il y a trente ans déjà, le romancier américain Philip Roth avait posé la question à Ivan Klima, un écrivain tchèque ignoré des Français mais très connu dans son pays. Avant l’exil de Kundera, en 1975, on les comparaît souvent. « Son statut d’enfant chéri du régime communiste jusqu’en 1968, avait répondu Klima, le sentiment que Kundera s’est désolidarisé » de ceux qui se battaient à Prague contre le « totalitarisme » et la censure imposés par l’occupant soviétique en 1968 (Philip Roth, Pourquoi écrire ?, Gallimard, 640 pages, 10,90 euros).

Milan Kundera et sa femme, à Prague, en 1973.
Milan Kundera et sa femme, à Prague, en 1973. AFP

A 88 ans, Ivan Klima vit toujours à Prague. Il nous reçoit dans le salon de psychothérapeute de son épouse et confirme qu’avec Milan Kundera, les liens sont bel et bien brisés. En République tchèque, la rumeur assure que l’exilé et sa femme séjournent ici en douce, grimés, lunettes noires sur le nez. « Des racontars, des fantaisies, des conneries, proteste Véra Kundera. Nous ne sommes revenus que cinq ou six fois » après la « révolution de velours » et l’élection de Vaclav Havel. La première fois, c’était en 1990 : traversée de Prague, de la tombe de son père, au cimetière d’Olsany, jusqu’à l’hôtel Hoffmeister. Tout le monde parlait anglais. « Je reconnaissais les endroits que j’avais aimés, a raconté Véra Kundera, mais quelque chose avait changé. Je me demandais si j’étais chez moi. »

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