Milan Kundera, professeur particulier

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FRANCE - AUGUST 02:  The close-up of Milan Kundera, NB 186204, in Paris, France on August 02nd, 1984  (Photo by Francois LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images)

François Lochon/Gama-Rapho/Getty

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Publié aujourd’hui à 20h56

Milan Kundera a ôté son imper et posé sur la table sa casquette de marin. Portait-il un pull à col roulé noir ? Une chemise bleu nuit ? La mémoire manque, les souvenirs divergent. Nous sommes en 1980, rue de la Tour, dans le quartier de Passy, à Paris, le jour du premier séminaire de l’écrivain tchécoslovaque installé dans la capitale. Pendant plus d’une décennie, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il va faire connaître à une quarantaine de privilégiés son panthéon littéraire.

Ses auditeurs se souviennent que ce premier lundi, sa main avait dessiné sur le tableau la carte de l’Europe et placé Budapest, Vienne et Prague, son triangle magique, pour faire connaître aux Occidentaux cette terra incognita littéraire. En introduction, il leur dit : « En France, vous n’avez pas compris. Kafka n’est pas un auteur tragique, c’est un auteur comique. Il faut rire avec Kafka. Et donc vous débarrasser d’abord de tous les “kafkologues” » – ces spécialistes qui, selon lui, ont recouvert de leur érudition l’univers de l’écrivain. « Rappelez-vous les premières pages du Procès : deux hommes débarquent le matin chez K., au lit, pour lui apprendre qu’il est accusé. La scène est absurde et drôle. Quand Kafka a lu ce chapitre pour la première fois à ses amis, ils ont tous ri. »

Le cahier de cours d’un des participants au séminaire de Milan Kundera, Norbert Czarny, aujourd’hui critique littéraire.
Le cahier de cours d’un des participants au séminaire de Milan Kundera, Norbert Czarny, aujourd’hui critique littéraire. Le Monde

A l’EHESS, l’usage n’est pas aux cours magistraux, en surplomb et en amphi. Chaque lundi, autour de la table en U, une assistance baroque, très différente de l’habituel public étudiant des séminaires universitaires, vient écouter cet écrivain au regard mélancolique évoquer la littérature de l’Europe centrale. Il y a là, pêle-mêle, trois élégantes de la bonne société roumaine établies dans le 16e arrondissement, perles et ongles rouges déployés, qui s’amusent des mots de l’écrivain, un rabbin (Gilles Bernheim), un génial photographe aveugle (le Slovène Evgen Bavcar), des autodidactes, des Américains, deux traducteurs, une très jeune Italienne sans le sou… « Tous les grands écrivains que je connaissais étaient morts. J’en rencontrais enfin un vivant », dit en riant la romancière Simonetta Greggio.

Une « réserve proche de la timidité »

Comme chaque semaine, l’auteur de La Plaisanterie (1967) a sorti de sa sacoche une chemise à élastiques, d’où il extrait des notes, parfois des schémas. Du temps où il enseignait à l’école de cinéma de Prague, il parlait sans avoir rien écrit. Mais depuis qu’il a commencé à assurer des cours en France – à la faculté de Rennes, en 1975 –, il passe des nuits à les préparer. « Quand nous sommes arrivés, il avait les cheveux noirs. Six mois plus tard, ils étaient gris », raconte son épouse, Véra. Chaque lundi, dans l’appartement qu’ils louent rue Littré, près de Montparnasse, elle lui prépare deux tickets de métro, plus l’argent pour le pot qui suit, au café.

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