En Algérie, les petits patrons prient pour que les affaires reprennent après l’élection

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Manifestation antigouvernementale et contre la tenue de l’élection présidentielle du 12 décembre, à Alger, le 11 décembre 2019.
Manifestation antigouvernementale et contre la tenue de l’élection présidentielle du 12 décembre, à Alger, le 11 décembre 2019. RYAD KRAMDI / AFP

« Mon frère, si tu lui dis que le vote c’est tout de suite, il lâche tout et part voter. » Nedjma* éclate de rire. Cette enseignante d’une quarantaine d’années est toujours allée voter : « En 2014, j’ai pris un feutre et j’ai écrit Bouteflika dégage sur le bulletin avant de le mettre dans l’urne. Dans ma famille, on connaît les positions politiques des uns et des autres et on faisait avec. Mais, cette année, c’est différent. »

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Dans ce foyer où cohabitent plusieurs sœurs célibataires, un frère marié avec deux enfants et le couple parental qui a désormais plus de 70 ans, les débats sur le scrutin du 12 décembre sont virulents. Nedjma et l’une de ses sœurs ont manifesté presque chaque vendredi et ont même emmené, une fois, leur mère avec elles. Mais si leur frère a salué le départ d’Abdelaziz Bouteflika, il veut que le mouvement de protestation s’arrête. « Son entreprise de bâtiment vit de la commande publique. Cela fait des mois qu’il n’y a plus de contrats, que les paiements sont gelés. Il est à deux doigts de mettre la clé sous la porte. Il pense que, s’il y a un président, tout reprendra comme avant. Alors, il veut me convaincre d’arrêter de manifester », raconte Nedjma.

« Les arrestations ont provoqué une psychose »

« Aujourd’hui, pour mettre fin aux problèmes des chefs d’entreprises, il nous faut un président de la République, explique Redouane*, 33 ans, lui-même à la tête d’une entreprise dans le secteur industriel. Les sept à neuf derniers mois ont été terribles sur le plan économique. Mais ce n’est pas la faute du Hirak, c’est la faute des années Bouteflika ». Le jeune homme énumère les situations de blocages d’investissement dont il a été témoin depuis le début de l’année.

« Les arrestations [de chefs d’entreprises et de hauts fonctionnaires] ont provoqué une psychose. D’abord, tout le monde réduit les dépenses de peur de voir un contrôle arriver. Ensuite, dans les banques publiques, personne ne veut prendre la responsabilité de signer quoi que ce soit. Enfin, les banques étrangères disent qu’elles n’ont pas assez de visibilité sur la situation du pays pour accorder des financements », précise-t-il.

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Selon lui, l’arrestation du directeur du Crédit populaire algérien a eu un impact psychologique sur le secteur bancaire. Par ailleurs, l’organisme étatique chargé de valider les décisions d’investissement, le Conseil des participations de l’Etat, sous l’autorité du premier ministre, a gelé les signatures des dossiers en attente.

« Pour certains acteurs économiques, l’élection est une solution, puisqu’il faut permettre la prise de décision. Mais il faut surtout une justice équitable, parce que sinon tous les industriels vont avoir peur qu’on sorte un dossier contre eux à un moment donné, analyse le jeune homme, qui insiste cependant sur le fait que, lui, n’ira pas voter. Je ne cautionne pas cette élection parce qu’on retombe dans la répression, qu’on n’accorde pas le droit de parole aux opposants. Aucun des cinq candidats ne pourra de toute manière appliquer les solutions nécessaires pour le pays. »

Des dizaines de milliers de licenciements

Malgré la nouvelle hausse des prix du baril de pétrole, l’activité économique est ralentie. Le déficit de la balance commerciale s’est aggravé et atteignait en octobre 4,7 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros), selon les autorités. « L’incertitude politique devrait entraîner un ralentissement du secteur hors hydrocarbures en 2019, explique la Banque mondiale dans son rapport d’octobre. La période préélectorale risque également de retarder davantage le processus d’assainissement budgétaire programmé pour 2019, aggravant le déficit budgétaire à 12,1 % du PIB et augmentant le risque d’un ajustement plus brutal à l’avenir. » Dans les milieux économiques, en attente des chiffres officiels, on évoque plusieurs dizaines de milliers de licenciements depuis le début de l’année.

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Pour certains, la situation devient intenable. Le chiffre d’affaires d’Ali*, 35 ans, a chuté de 70 % entre 2018 et 2019. Ce père d’un enfant, à la tête d’une entreprise de nettoyage qu’il a créée grâce à l’Ansej, le programme étatique de soutien à l’entreprenariat des jeunes chômeurs, est inquiet : « Depuis février, c’est très difficile. Les sociétés ont peur d’accorder des marchés. Mais c’était déjà difficile en 2018 à cause de la situation financière du pays, il y avait moins d’argent. »

Ali n’a pas encore décidé pour qui il allait voter et pourrait même ne pas se rendre aux urnes : « Je ne pense pas que les élections puissent tout régler. Il faut un dialogue et une réforme politique avant qu’on ait une réforme économique. Il nous faut de la stabilité, pour qu’on puisse avoir une reprise économique pour les petites et moyennes entreprises. Ça prendra du temps. »

*Les prénoms ont été modifiés.

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