« Peter Handke et le petit feu d’une guerre mal éteinte »

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Peter Handke lors de son disours pour le prix nobel de littérature à l’Académie suédoise de Stockholm, le 7 décembre.
Peter Handke lors de son disours pour le prix nobel de littérature à l’Académie suédoise de Stockholm, le 7 décembre. TT NEWS AGENCY / VIA REUTERS

Peter Handke, Nobel polémique

L’attribution du prix Nobel 2019 de littérature à ­l’écrivain autrichien Peter Handke continue de susciter la polémique. En témoigne la démission, le 2 décembre, de deux des membres externes (chargés d’asssister les académiciens) du ­comité Nobel, les écrivains suédois Kristoffer Leandoer et Gun-Britt Sundström, suivie, le 6 décembre, de celle de l’académicien Peter Englund. Peter Handke s’était illustré pendant la guerre en ex-Yougoslavie par ses prises de position pro-Serbes. Il s’était rendu, en mars 2006, aux obsèques de Slobodan Milosevic, l’ex-président ­accusé de crimes contre l’humanité et de génocide. Dans son pamphlet « Justice pour la Serbie » (publié en 1996 dans le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung), l’écrivain tente de minimiser les responsabilités du défunt homme fort de Belgrade dans le déclenchement de la guerre et les atrocités qui ont suivi. « Ceci est un prix ­littéraire, pas un prix ­politique », s’est justifié ­Anders Olsson, l’un ­des académiciens suédois, ­ajoutant que « la controverse politique » avait fait partie des débats, mais qu’elle « ne pouvait pas [les] guider ».La cérémonie de remise des Nobel est prévue le 10 décembre.

L’écrivain Jorge Semprun [1923-2011] aimait à répéter que les seuls vrais témoins étaient les témoins morts. Et la littérature, ajoutait-il. Pour ceux qui n’auraient pas connu ni plus tard entendu l’horreur racontée par ceux qui l’avaient vécue, la littérature seule pouvait faire appel à l’imaginaire et donner à chacun les clés de la compréhension du monde et, s’il le fallait, de l’horreur jusqu’à l’indicible.

Quel imaginaire suscitera la lecture de Peter Handke, pour tous ceux qui, un jour, voudront comprendre qui il fut et dans quels temps il vécut ? Ces lecteurs qui tenteront de comprendre les raisons qui poussèrent l’académie Nobel à octroyer sa reconnaissance, le même jour, à une écrivaine polonaise soucieuse de la diversité du monde [Olga Tokarczuk] et à un écrivain autrichien qui revendiqua d’assister aux obsèques d’un homme poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Ce jour-là, devant la tombe de Slobodan Milosevic, Peter Handke a défendu son droit au doute : « Je sais que je ne sais pas. Je ne sais pas la vérité. Mais je regarde. J’écoute. Je ressens. Je me souviens. Pour cela je suis aujourd’hui présent, près de la Yougoslavie, près de la Serbie, près de Slobodan Milosevic. »

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Souvenons-nous. Juillet 1994. Le siège de Sarajevo dure depuis avril 1992. Les habitants de la capitale tiendront encore deux longues années sous le feu nourri des tanks et des mortiers de Milosevic. Cinq mois déjà depuis la première attaque contre le marché de Markale, en février : 68 morts, 144 blessés. Le deuxième obus sera tiré le 28 août 1995 : 37 morts, 90 blessés. Dans le nord de la Bosnie, Bihac a été déclarée zone de sécurité sous la protection des Nations unies. Je relis mon petit carnet bleu sur lequel j’ai pris des notes chaque jour de ces longs mois passés à patrouiller avec un groupe de combat à bord d’un blindé. Nous sommes le mercredi 6 juillet. Il est écrit : « Escorte de la commission du nord sur la ligne de front. Echange de cadavres. »

« On additionne les rafales »

La mission est de sécuriser le cessez-le-feu de quatre heures et de ramasser des corps gonflés par la chaleur de l’été, abandonnés là après les combats des derniers jours. Il est tard et l’escorte roule vers la ville de Velika Kladusa. Les corps sont rendus aux familles dans la cour de l’hôpital. La guerre a bien lieu. Le lendemain, retour sur une ligne de front, au poste d’observation PO-51 pour remplir les colonnes de décompte des tirs de mortiers. L’oreille apprend à distinguer les obus de 60 et de 120 et, les bons jours, on ne compte pas les tirs de kalachnikov un par un, on additionne les rafales.

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