Bolsonaro et le « Futebol », jeux dangereux

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Flamengo President Rodolfo Landim (C) greets Brazil's President Jair Bolsonaro during their Brazilian league football match between Flamengo and Avai at Maracana stadium, Rio de Janeiro on December 5, 2019. / AFP / Daniel RAMALHO
Flamengo President Rodolfo Landim (C) greets Brazil’s President Jair Bolsonaro during their Brazilian league football match between Flamengo and Avai at Maracana stadium, Rio de Janeiro on December 5, 2019. / AFP / Daniel RAMALHO
DANIEL RAMALHO / AFP

A sa naissance, le 21 mars 1955, la voie des cages était toute tracée pour le petit Bolsonaro. Né à Glicério (São Paulo), issu d’une famille originaire de Vénétie, il supporterait sans ciller les Palmeiras, ex « Palestra Italia » et le club de football chéri des « Ritals » de la région. Pour baptiser leur enfant, ses parents optèrent d’ailleurs pour un prénom symbolique « Jair », en hommage à Jair Rosa Pinto, élégant moustachu et l’un plus fameux attaquants de l’histoire du ballon rond brésilien, évoluant alors dans la dite équipe.

Depuis, six décennies ont passé. Jair est devenu président. Mais il n’a pas lâché le football. Et inversement. Au contraire. Au pouvoir, le président d’extrême droite se considère comme « l’entraîneur » d’un gouvernement de « joueurs ». Sa première « saison » au pouvoir (soit l’an un an de sa présidence) s’achèvera, à quelques jours près, en même temps que le championnat national Brasileirão, dont la dernière journée a lieu samedi 8 décembre.

Les crampons dans le gazon, Bolsonaro est chez lui, populaire, tant chez les dirigeants que chez les joueurs. Le président aime à pavaner dans les stades du pays, testant sa popularité à l’ombre des gradins.

A peine élu, en décembre 2018, le président élu s’était pressé dans l’arène de « son » Palmeiras, pour fêter sur la pelouse la victoire de l’équipe au Brasileirão, soulevant le trophée des deux mains au milieu des joueurs hilares et sous les Vivas des tribunes.

A l’étranger, comme ses prédécesseurs, Bolsonaro offre des maillots aux grands de ce monde : en avril, pour Donald Trump, celui de la Selecão (flanqué du n° 10, celui de Pelé) ; en octobre, pour Xi Jinping (un brin interloqué), celui du club Flamengo.

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Une stratégie d’affichage remontant aux années 1930

« Tout cela, c’est pensé comme une stratégie, estime Bernardo Buarque de Hollanda, sociologue du sport à la Fondation Getulio Vargas (FGV). Bolsonaro veut apparaître comme un homme commun avec des goûts normaux, proche du peuple. »

La manœuvre est tout sauf originale. Dès les années 1930, Getúlio Vargas, père du Brésil moderne, lia le football au président et le ballon à l’identité nationale, inaugurant de grands stades, encourageant la diffusion radio des matchs.

Depuis, tous les chefs de l’Etat durent s’afficher avec les craques (stars) de la Seleçao et indiquer leur préférence clublistique : le Cruzeiro de Belo Horizonte pour le « président bossa-Nova » Juscelino Kubitschek, père de Brasilia, mais originaire du Minas Gerais ; l’équipe de l’élite carioca Fluminense pour l’intellectuel-président Fernando Henrique Cardoso. Les « gauchistes » barbus et paulistes de Corinthians pour le métallo Lula.

« Mais la référence de Bolsonaro, c’est le général Emilio Garrastazu Médici, estime M. Buarque de Hollanda. Au pouvoir de 1969 à 1974, durant la période la plus cruelle de la dictature, il fit tout pour avoir l’air d’un aficionado, et associer son image à celle du football ».

En 1970, le troisième titre mondial de la Seleção fut utilisé à plein par la propagande et la photo d’un Médici triomphant posant au côté d’un « Roi » Pelé aux anges servit d’image d’Epinal à la junte, alors au sommet de son pouvoir.

Changement de maillot

Pour 2022, Bolsonaro fait un rêve : celui de soulever la Coupe du Monde, en cette année qui coïncidera avec celle du bicentenaire de l’indépendance du Brésil et du scrutin présidentiel, où il ambitionne bien d’être réélu.

Mais au pays du ballon roi, où « le football se joue dans l’âme », selon les mots du grand poète Carlos Drummond de Andrade, il y a des règles à respecter. Et tout ne sera peut-être pas si simple. Car depuis un an, la partie a évolué. Ecrasant Palmeiras, Flamengo a remporté cette année avec brio son septième championnat national, piétinant toute concurrence.

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Face à ce retournement, Bolsonaro, dont la popularité commençait à chuter, n’a pas hésité une seconde, tournant casaque et maillot, et troquant dès la mi-saison le verdão (gros vert) de son ancienne équipe de cœur pour le « rubro-negro » (rouge et noir) du Flamengo, allant jusqu’à embrasser en public, le maillot de sa nouvelle l’équipe.

Véritable crime, trahison suprême, le baiser du « cochon » au « vautour » (mascottes de Palmeiras et du Flamengo) est resté dans la gorge de bien des fans et observateurs.

« Bolsonaro est un opportuniste ! Il est faux des cheveux jusqu’aux orteils !, enrage ainsi Juca Kfouri, l’un des journalistes sportifs les plus connus du pays. Un vrai torcedor [supporter], jamais il ne va porter le maillot d’une équipe adverse, et surtout pas l’embrasser, même si c’est un cadeau offert par un ami ! »

Division dans les stades

Le président n’en était pourtant pas à sa première infidélité : « en un an, Bolsonaro s’est affiché avec les maillots d’au moins 20 clubs différents », estime Euclides de Freitas Couto, historien, spécialiste des liens entre football et politique.

Conséquence : « Aujourd’hui, même dans le stade, il divise. Il n’est pas bien vu et reçoit autant d’insultes que d’applaudissements. A terme, cela pourrait devenir dangereux pour lui de se rendre en tribune ».

Mi-novembre, un groupe de supporter du Santos (São Paulo) s’est opposé à la venue du président pour un match, dénonçant l’utilisation du terrain comme d’une « estrade politique ». Prudent, Bolsonaro n’a pas assisté fin novembre à la finale de la Copa Libertadores, à Lima, remportée par le Flamengo. Finira-t-il par renoncer au stade ?

Une chose est certaine : le mengão, et ses 40 millions de supporters, ne lui pardonneront pas un nouveau revirement. Car on ne trahit pas le « club le plus aimé du Brésil ». Son hymne est d’ailleurs explicite : « Flamengo un jour, Flamengo jusqu’à la mort ! »

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