Au Nigeria, l’émission populaire du « président ordinaire » veut « donner la parole aux sans-voix »

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Ahmad Isah lors de son émission « Brekete Family » sur  Human’s Rights Radio, à Abuja, en novembre 2019.
Ahmad Isah lors de son émission « Brekete Family » sur  Human’s Rights Radio, à Abuja, en novembre 2019. KOLA SULAIMON / AFP

Dès l’aube, tous les matins, une foule d’auditeurs se rassemble devant les studios de la radio des droits de l’homme, Human’s Rights Radio, à Abuja, la capitale du Nigeria, dans l’espoir d’être le prochain invité de l’émission populaire du « président ordinaire ». L’émission « Brekete Family » est une rare plate-forme où les Nigérians peuvent partager leurs coups de gueule et leurs doléances, et où ils peuvent interpeller les autorités dans un pays où la corruption est endémique et où les plaintes aboutissent rarement à des condamnations en justice.

Ahmad Isah, présentateur de l’émission, choisit au hasard quelques chanceux qui pourront, au micro, demander une assistance financière, râler sur les mauvais traitements d’un hôpital ou dénoncer la corruption au sein de la fédération nationale de football… Les autres retenteront leur chance le lendemain.

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Surnommé le « président ordinaire », Ahmad Isah échange avec ses invités et les auditeurs qui l’appellent en pidgin, le créole nigérian, langue parlée aux quatre coins du pays par la classe populaire, pour avoir un plus grand impact sur les audiences. « Mon but est de donner la parole aux sans-voix, de faire office d’arbitre, de dénoncer les actes répréhensibles devant la loi et de forcer ceux au pouvoir à respecter les droits des citoyens, explique à l’AFP le présentateur et fondateur de l’émission. Notre inspiration, c’est la justice, la bonté et l’humanité. »

« La pression sur les autorités »

Winifred Ogah est ainsi venue demander réparation après qu’un tribunal local a saisi sa voiture à tort, l’accusant de ne pas avoir payé son loyer. « Je crois que la justice que vous obtenez ici, vous ne pouvez pas l’avoir dehors, confie l’enseignante. J’écoutais l’émission et j’ai vu que les autres pouvaient résoudre leurs problèmes. Ça m’a encouragée. »

La société civile nigériane dénonce régulièrement les manquements des enquêtes de police qui conduisent à des non-lieux en justice, ou encore à une culture de l’impunité, conséquence d’une corruption généralisée dans ce pays, géant pétrolier de 190 millions d’habitants. « La voix du peuple n’est pas audible, car il n’a pas les capacités financières ou les réseaux nécessaires pour se faire entendre, particulièrement dans le domaine de la justice », analyse Daniel Soetan, de l’association de la société civile Goodwill Ambassadors.

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Lui aussi écoute régulièrement l’émission sur la radio des droits de l’homme et, parce qu’elle est si populaire notamment à Abuja, « cela met la pression sur les autorités. Ils ne peuvent pas ignorer le problème ». Le style plutôt combatif avec lequel sont menées les interviews donne des résultats, affirme le présentateur.

« Rien ne marche dans ce pays. Il n’y a pas de justice pour les pauvres, les routes sont mauvaises, les hôpitaux sont un désastre et nous avons le courage de le dire à l’antenne. Beaucoup nous voient comme une menace, on n’est pas beaucoup aimé !, reconnaît le “président ordinaire”. Nous avons exposé plusieurs cas de corruption que personne n’avait eu le courage de dénoncer. »

« Je n’abandonnerai jamais »

Sur les ondes, la vérité est toujours du côté de l’invité et ses détracteurs peuvent lui reprocher des accusations sans vérification, qui peuvent parfois frôler la diffamation. Mais pour Ahmad Isah, « dans un pays où la justice ne défend que les riches, il y a besoin de ce type de journalisme pour les pauvres. Je n’abandonnerai jamais », promet-il.

Au Nigeria, où près de la moitié de la population vit dans une extrême pauvreté, son émission est aussi un moyen de récolter des fonds ou de faire des appels aux dons. Parfois, les invités peuvent repartir avec un chèque, offert par l’émission avec le soutien de la fondation MacArthur et des auditeurs.

Ainsi, un certain Luis Kinta a pu récolter jusqu’à 2 millions de nairas (quelque 5 000 euros) pour agrandir son atelier de confection de chaussures. « Je suis venu ici et je ne connaissais personne, s’enthousiasme-t-il. Le président ordinaire peut vous venir en aide, quelle que soit votre communauté ethnique, votre religion ou vos affinités politiques. » Finalement, Ahmad Isah est peut-être tout, sauf un « président ordinaire ».

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