« Le paternalisme des pays de l’Ouest peut renforcer un ressentiment à l’Est »

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Pour l’historienne américaine, on ne peut analyser la construction européenne selon une division persistante entre un Ouest qui serait par essence démocratique et un Est « en transition ».

Propos recueillis par Blaise Gauquelin Publié aujourd’hui à 12h19

Temps de Lecture 7 min.

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Professeure d’histoire à l’université Yale (New Haven, Connecticut), Marci Shore, spécialiste de l’espace post-soviétique européen est actuellement invitée par l’Institut des sciences humaines de Vienne (Autriche) à explorer le développement du post-marxisme chez les dissidents après 1968.

Comment expliquer le fossé idéologique qui demeure entre l’Est de l’Europe et le reste de l’Occident ?

Pour moi qui suis américaine, il n’existe pas vraiment de fossé. L’arrivée au pouvoir du parti PiS [« Droit et justice », ultraconservateur] en Pologne, la sortie de l’UE du Royaume-Uni et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis relèvent d’un même phénomène de crise démocratique dépassant largement l’Europe de l’Est. Le Brexit se déroule en Europe de l’Ouest. Trump dirige un pays occidental.

Les plébiscites populistes ne s’observent pas seulement en Europe de l’Est. Je me demande au contraire si nous ne sommes pas plus semblables aujourd’hui que nous ne l’étions avant 1989 [et la chute du mur de Berlin]. Une amie me disait que, lorsqu’elle prenait l’avion avant cette date depuis Vienne ou Francfort pour aller à Kiev ou à Saint-Pétersbourg, elle avait l’impression d’atterrir dans un monde différent. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ne souffrons-nous pas désormais tous des mêmes pathologies ?

Ne percevez-vous pas une influence russe particulièrement active à l’Est ?

Je me trouvais récemment à l’est de l’Ukraine. J’y ai rencontré des personnes qui étaient catégoriques : en tant qu’Américaine, disaient-elles, je ne pourrai jamais comprendre à quel point l’héritage soviétique restait toxique. Selon elles, l’Homo sovieticus existerait encore ; la population demeurerait vulnérable à la propagande émanant du Kremlin. Mes interlocuteurs ont illustré leur propos par la campagne dirigée contre Euromaïdan [nom donné aux révoltes proeuropéennes en Ukraine, à partir de novembre 2013] qui affirmait que ces manifestations résultaient d’un complot fomenté par la CIA, les Américains payant par ailleurs des fascistes pour tuer tous les locuteurs russes.

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Le succès d’une telle falsification a certes de quoi interloquer. Mais, d’un autre côté, des millions d’Américains ne croient-ils pas qu’Hillary Clinton a fait enlever et enfermer dans la cave d’une pizzeria de Washington des enfants pour les exploiter dans un réseau pornographique ? Ce sont peut-être les mêmes trolls russes qui ont inventé ces deux fables. Grâce à Internet, ils sont tout aussi capables d’influencer l’opinion publique des Etats-Unis que celle de l’Ukraine ou de la Russie. Et ce, alors que nous avons, outre-Atlantique, une riche tradition démocratique ; nous ne sommes pas des Homo sovieticus. Donc, je m’interroge : pourquoi la désinformation marche-t-elle aussi chez nous ?

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