« Il faut que tous ceux que le nationalisme écœure fassent front commun »

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Libéré le 4 novembre, l’écrivain et journaliste turc a été de nouveau arrêté et renvoyé en prison le 12 novembre. Dans cette tribune écrite au cours de cette brève sortie, il dénonce le nationalisme d’Ankara qui enferme les voix discordantes.

Publié le 21 novembre 2019 à 00h53 Temps de Lecture 6 min.

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Ahmet Altan à Istanbul, lors de son arrestation, le 12 novembre.
Ahmet Altan à Istanbul, lors de son arrestation, le 12 novembre. BULENT KILIC / AFP

En prison, les rencontres avec les avocats ont lieu dans des cubes en verre alignés trois par trois. Lors de l’un de ces entretiens avec mon conseil, j’avais, dans le cube à ma gauche, un tueur en série, dans celui de droite, un chef mafieux ; le genre de personnages que vous pourriez croiser dans n’importe quelle prison du monde.

Il me semble en revanche que pour tomber sur la trinité tueur en série-romancier-chef mafieux, il faut aller dans certains pays en particulier. On pourra évidemment remplacer le romancier par un avocat de gauche, un homme ou une femme politique kurde, un journaliste religieux, un ouvrier ayant des responsabilités syndicales, voire un étudiant révolutionnaire. Tous ont légitimement leur place dans l’étonnante trinité ainsi formée. Tous sont emprisonnés dans le même genre de pays.

« Notre » prison comptait un certain nombre de chefs mafieux, que je rencontrais lors des visites de nos avocats ou dans la queue pour aller à l’infirmerie et que je saluais brièvement en m’éloignant. D’ailleurs, tout le monde se salue en prison. Certains ont commis le crime de tuer un homme, d’autres celui d’écrire un texte ; enfin nous nous retrouvons tous au même endroit pour partager ce même destin d’être rejetés hors de la vie ; personne n’évite donc le salut de l’autre. Il n’y a que le tueur en série que je n’ai jamais vu être salué par personne. Il faut dire que lui-même ne nous jetait pas un regard.

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Mon père me disait souvent que les gens, d’ordinaire, ne s’intéressaient pas à la littérature carcérale et, à quelques exceptions près, la remarque est vraie ; néanmoins, lorsqu’un romancier est arrêté au motif d’avoir envoyé « un message subliminal » à des putschistes et est condamné à la réclusion à perpétuité, puis en seconde instance à dix ans et demi de prison ferme, parce qu’il est accusé d’avoir apporté son soutien à un coup d’Etat militaire, un certain intérêt se manifeste dans l’opinion.

Compétition terrifiante

Après avoir passé trois ans en prison, je suis sorti à l’« extérieur ». Et quand j’ai analysé ce que j’ai vécu, les réactions, les discours et tous les arguments entendus lors de ces quelques jours passés dehors, j’ai été envahi par le sentiment que la vie pouvait être un asile d’aliénés doublé d’une prison.

Comme si une étrange idéologie aux multiples facettes avait pris le contrôle de l’« extérieur », et qu’une sorte de folie d’un niveau extrêmement médiocre s’était emparée du corps social.

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