« Pre-settled » ou « settled » ? La loterie du permis de résidence dans la Grande-Bretagne d’après-Brexit

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Les Européens résidant dans le pays doivent affronter le monstre bureaucratique que représente l’administration britannique. Deux chercheurs français, installés à Oxford, racontent.

Publié aujourd’hui à 15h03 Temps de Lecture 4 min.

Deux Français au pays du Brexit

A une centaine de kilomètres au nord-ouest de Londres, la ville d’Oxford, renommée pour sa prestigieuse université, est un bastion anti-Brexit : 70 % de ses habitants se sont prononcés pour le maintien dans l’Union européenne lors du référendum de 2016. En poste depuis septembre à la Maison française d’Oxford, Agnès Alexandre-Collier et Thomas Lacroix livrent pour Le Monde leur regard de chercheurs et de ressortissants français installés pour deux ans avec leurs familles.

Ouf, c’est bon. Thomas et sa compagne ont reçu un message du ministère de l’intérieur, leur « pre-settled » a été validé. Depuis six mois, un sujet de conversation revient fréquemment parmi les Européens résidant dans le pays : comment obtenir le droit de rester après le 31 décembre 2020, date couperet à partir de laquelle ils seront considérés comme des étrangers comme les autres ?

Les Européens installés depuis moins de cinq ans peuvent demander un permis de « pré-installation », valable cinq ans et permettant ensuite de demander un permis de résidence

Les Européens installés depuis moins de cinq dans le pays peuvent demander un permis de « pré-installation » (pre-settled), valable cinq ans et ouvrant la possibilité de demander à l’issue de cette période un permis de résidence (settled). Pour ceux vivant depuis plus de cinq ans en Grande-Bretagne, il est possible de demander directement ce permis de résidence permanent. La demande se fait par une application sur smartphone, de préférence un Androïd récent (les propriétaires d’iPhone ont dû attendre presque un an pour avoir une application dédiée). Il vous faut un passeport biométrique et un téléphone qui puisse lire sa puce (la plupart des appareils récents le permettent), ainsi qu’une preuve de résidence. Si vous avez tout ça et que vous franchissez tous les bugs techniques inexpliqués (Agnès, qui de toute façon rentre en France à l’été 2020, a renoncé à faire sa demande, elle n’a jamais reçu le code de validation qui doit clore la session), il vous faut attendre entre trois et quinze jours la réponse du « home office ».

Sinon, il vous faut aller dans un bureau dédié le plus proche, généralement dans la mairie de votre commune, où ils ont à disposition un téléphone censé fonctionner, mais… parfois payant. Et si cela ne ne marche toujours pas, on vous demande d’envoyer votre passeport et documents originaux… à vos risques et péril.

Monstre bureaucratique opaque

Parfois, des pièces complémentaires sont demandées, parfois la demande de « settled » est refusée et la personne se voit attribuer un statut de « pre-settled ». C’est le cas d’Anna, vivant depuis vingt-cinq ans à Oxford, anthropologue, ancienne salariée d’une ONG, ex-travailleuse sociale, mais qui ne peut plus exercer son métier depuis trois ans en raison d’une maladie invalidante. Elle ne sait pas pourquoi sa demande a été refusée, aucune explication n’a été donnée. L’administration lui demande aujourd’hui de prouver qu’elle réside plus de six mois par an sur le sol britannique depuis 2013. Pour elle qui ne garde aucune facture bien longtemps, elle doit aller chercher relevés de comptes bancaires et autres documents auprès de diverses institutions.

La presse rapporte régulièrement le témoignage de personnes qui ne savent pas pourquoi elles reçoivent un refus

Voilà bien la cause de l’anxiété qui inquiète les Européens : avoir à faire au « Home Office », une sorte de monstre bureaucratique opaque dont on ne sait jamais bien à quoi il faut s’attendre. La presse rapporte régulièrement le témoignage de personnes qui ne savent pas pourquoi elles reçoivent un refus, tel ce boulanger français à Bath depuis trente et un ans, ou encore ce chef polonais qui travaille pour le duc et la duchesse de Cambridge. Et encore ne s’agit-il là que de personnes relativement jeunes et actives.

Que dire de ceux qui ne pourront pas aller au bout de la procédure en raison de leur précarité ? Les femmes qui ont dû quitter le foyer suite à une rupture et qui n’ont pas pu prendre de papiers avec elles, les personnes sans compte en banque et qui reçoivent leur revenu en liquide ? Que dire encore de ceux qui ne savent même pas qu’une demande de permis de résidence leur est nécessaire, comme ces personnes âgées sans accès à Internet ou encore celles qui vivent depuis si longtemps en Grande-Bretagne qu’elles ne pensent pas être concernées ?

Hausse de 600 % des demandes de passeport européen

La procédure du permis de résidence apparaît comme un piège potentiel, un moyen d’identifier ceux qui devront être expulsés, tels que les sans domicile fixe. Ce qui se profile, c’est un nouveau scandale « Windrush » pour les Européens après le Brexit : une expulsion de ceux qui n’auront pas pu avoir leurs papiers à temps, quelles que soient leur activité et leur intégration dans la société britannique.

Après le 31 décembre 2020 – ou au plus tard au 30 juin 2021 si l’accord de retrait finit par être adopté –, les Européens non régularisés tomberont sous le coup de la « politique d’environnement hostile », nom officiel de la politique britannique qui cible les immigrants en situation irrégulière et qui oblige les services administratifs, employeurs, propriétaires et organisations de la société civile à faire remonter au ministère de l’intérieur la situation des étrangers qu’ils reçoivent, emploient ou hébergent.

Une source d’anxiété donc, que partagent beaucoup de Britanniques sur le continent : le nombre de demandes d’un passeport européen a augmenté de 600 % entre le référendum et maintenant (6 000 demandes en 2015, contre 30 000 aujourd’hui)… La liberté de circulation est décidément un bien à protéger.

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