« Meduza », média russe en exil

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Par Isabelle Mandraud

Publié aujourd’hui à 01h05

La rédaction de « Meduza » à Riga, en mars 2015.
La rédaction de « Meduza » à Riga, en mars 2015. INTS KALNINS / REUTERS

C’est un immeuble parmi d’autres, sans plaque indicative, au cœur de Riga. Au premier étage, le visiteur tombe sur une autre porte anonyme. Comment imaginer que derrière se joue une singulière aventure humaine et journalistique ? Voilà déjà cinq ans que dix-huit journalistes russes ont dû fuir leur pays pour exercer librement leur métier. Partis de Moscou en 2014, ils se sont établis un millier de kilomètres plus loin, en Lettonie, pour fonder un site Internet entièrement consacré à l’actualité russe. Son nom : Meduza, comme la Méduse de la mythologie grecque, la seule des trois Gorgones à être mortelle.

Le 20 octobre, la rédaction au grand complet a fêté ce cinquième anniversaire. Même les quelques correspondants restés travailler en Russie étaient là, prêts à écouter la présentation des projets de développement, des résultats ou des projections pour 2020, présentés par les deux cofondateurs, Galina Timchenko, 57 ans, et Ivan Kolpakov, 35 ans. Une semaine entière passée ensemble pour le plaisir de se retrouver, sans extravagance mais avec fierté. « Nous sommes le plus beau succès des médias en exil », s’enorgueillit Ivan Kolpakov.

Meduza, ce sont 1,2 million d’abonnés sur Twitter en langue russe, plus de 26 000 en langue anglaise, sans compter Telegram, Instagram, une multitude d’applications pour iOS, Windows Phone ou Android et, depuis peu, des podcasts. Toute l’actualité y est abordée : la vie quotidienne, l’économie, la torture dans les prisons et Vladimir Poutine, bien sûr. Un exemple : « Vous voulez mettre un visage sur le contrôle russe du “comportement illégal” sur Internet ? Faites connaissance avec Ivan Lioubchine, que des agents du FSB [ex-KGB] ont traîné dans les bois et battu à cause de deux posts sur Vkontakte [un réseau social russe]. » Ainsi présenté, l’article est accompagné d’une photo d’un homme dont le dos a viré au violet sombre. Le tout est en accès gratuit puisque, selon la règle que s’est fixée la rédaction : « Ce serait immoral de faire payer des Russes qui ont tant besoin d’avoir accès à une information indépendante. »

« Dans ma tête, je suis resté en Russie »

Ivan Kolpakov, trentenaire au crâne rasé et aux yeux clairs, réfute le terme de « dissidents ». Lui préfère parler d’« exilés ». « Nous ne sommes pas des activistes politiques, ni des opposants, nous sommes indépendants, assure-t-il en détachant les dernières syllabes. Et ici, nous pouvons l’être. » Une indépendance chèrement payée : il leur a fallu quitter famille et amis, embarquer quelques affaires et tout recommencer de zéro. Parfois, des membres de l’équipe retournent en Russie. Ils ne sont pas interdits de séjour. Mais leur vie s’est enracinée ici, en Lettonie, avec son lot de nostalgie. « Dans ma tête, je suis resté en Russie », confie pudiquement le rédacteur en chef.



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