Témoignage: Je suis homosexuel et je suis l’amant d’un homme marié

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Arrivé sur notre lieu de rendez-vous, Hicham* se fait aussitôt remarquer. Élancé, les traits fins et virils à la fois, coiffé et habillé à la dernière mode, il attire le regard de  plusieurs jeunes filles attablées dans ce café branché du boulevard d’Anfa. Mais en amour, Hicham* a d’autres goûts. A 27 ans, il est l’amant d’un homme marié qu’il dit “vénérer”. Récit d’un amour clandestin.

Avant de rencontrer Said*, ma vie intime était quelque peu “sauvage”. Je vivais uniquement pour me faire plaisir. Une devise que j’avais faite mienne après avoir compris que les personnes ayant une orientation sexuelle différente de la norme n’ont pas droit à une vie sentimentale ordinaire, dans un pays qui n’hésite pas à jeter les homosexuels en prison et au sein d’une société qui les traite comme des pestiférés.

Il est vrai que j’essaie autant que possible de dissimuler mon homosexualité dans ma vie de tous les jours, pour me protéger.

“Il m’arrive même de draguer des filles pour infirmer les rumeurs, lorsque des personnes de mon entourage familial ou professionnel commencent à douter que je suis gay.”

Heureusement que les personnes comme moi arrivent rapidement à reconnaître que je suis des leurs. Un regard suffit pour établir le contact et la communication est d’une fluidité incroyable quand tu n’as pas besoin d’expliquer le pourquoi du comment!

Un ado pas comme les autres

Non, mon orientation sexuelle n’est pas le fruit d’un viol ni d’un quelconque traumatisme d’enfance. Je ne vais pas vous raconter des histoires comme font beaucoup d’homosexuels par peur du jugement de l’autre même quand ils osent enfin se confier. Pour ma part, je suis convaincu d’être né pour plaire et pour aimer des personnes du même sexe que moi.

“Où est le mal ? Pourquoi me considérer comme malade et me traiter de pervers? Je ne suis pas un violeur, je ne force personne à avoir des rapports sexuels avec moi, et je n’incite personne à faire ce dont il n’a pas envie.”

Je partage un moment de plaisir avec le consentement total de mon partenaire du moment, je suis donc tout à fait normal.

J’ai senti que j’étais différent des autres garçons dès mon adolescence. Je ne ressentais aucune attirance pour les filles. Mes copains parlaient souvent d’elles, de la façon avec laquelle ils comptaient faire tomber “la bombe” du collège dans leurs filets ou encore des films érotiques qu’ils avaient réussi à visionner en cachette de leurs parents. Remarquant mon désintérêt total pour leurs conversations et leurs petits jeux, ils commençaient à me traiter de “complexé” et m’écartaient petit à petit de leurs cercles. La pression grandissait au point que je me suis senti obligé d’avoir à mon tour une petite amie, vers mes 14 ans. Une amourette avec une fille de mon école qui m’a largué au bout de deux semaines, parce qu’elle me trouvait trop distant.

Je n’ai plus jamais demandé à une fille de sortir avec moi. Mais j’ai appris à les séduire, à jouer les casanovas pour faire cesser les commérages des uns et des autres. J’ai toujours adoré prendre soin de mon apparence. Je partais au lycée tiré à quatre épingles, parce qu’au lieu de dépenser mon argent de poche dans des “trucs de mecs”, les cigarettes, les pétards ou les parties de billard, je m’achetais des vêtements, des chaussures et de beaux accessoires avec. Ça a rapidement fait de moi le garçon le plus populaire de mon bahut, j’étais en permanence entouré d’ami(e)s.

Pendant ce temps, dans la rue, dans les parcs ou les cafés, certains hommes me lançaient des regards doux et appuyés qui me flattaient, au point de ressentir des pulsions de plus en plus fortes.

Mais, alors que tous mes amis ne pensaient qu’au sexe, quelque chose me bloquait, m’empêchant de laisser libre cours à mes fantasmes et mes désirs…


Premier amour, premier déclic

Vers mes 16 ans, durant des vacances en famille dans le Nord, j’ai fait une rencontre qui m’a ouvert les yeux sur ce que je suis. J’ai eu ma première aventure avec un homme de 27 ans, venu passer son congé avec des amis dans le même complexe résidentiel que le nôtre.

Jalil est venu m’aborder à la plage pour me proposer de rejoindre l’équipe de la résidence pour un match de foot. Dès le premier jour, j’avais senti ses regards insistants. Il avait tout fait pour se rapprocher de moi, il a même fait connaissance avec ma mère et mes soeurs qui connaissaient déjà sa famille. Après le match de foot, on s’est revu quelques fois avant qu’il ne m’invite dans son cabanon. C’est lui qui m’a initié à la sexualité. Il m’a appris à connaître mon corps et à en faire une source de fierté et de plaisir.

C’est grâce à lui également que j’ai compris que je n’étais pas anormal, que j’étais né homosexuel, voilà tout! Car dès le premier baiser, la première caresse, je n’ai pas senti que je faisais quelque chose d’étrange ou de mal, tous mes gestes étaient naturels et spontanés.

On a passé dix jours ainsi, en amoureux, dans le plus grand secret. En public, il se comportait avec moi comme un grand frère. Tout le monde n’y a vu que du feu…

Avec les inconnus, tout est permis

Ma relation avec Jalil s’est interrompue brutalement à la fin des vacances. Il habitait à l’étranger et m’a clairement fait comprendre que je ne devais plus essayer de le contacter : “ Il te faut beaucoup de force pour accepter ce que tu es. Fais attention à toi”. Ce furent ses derniers mots.

Cette rupture a été un choc pour moi. Je me suis senti abandonné, perdu, sans repères. Comment pourrais-je rencontrer quelqu’un d’autre après lui, qui me comprendrait et m’aimerait aussi intensément? J’étais désemparé mais j’essayais de garder espoir, convaincu qu’il reviendra vers moi à son prochain séjour au Maroc.

Le temps a fait son oeuvre, me faisant oublier ce premier amour au fil des jours… pour laisser place à un grand vide. Dans la petite ville où je vivais alors, tout le monde se connaissait. Il était très difficile d’y rencontrer un garçon capable d’assumer son homosexualité et du même milieu social que le mien. Las de ma solitude, j’ai donc cessé de chercher autour de moi, dans la petite bourgeoisie moyenne où j’avais grandi, et décidé de ne plus fuir le regard des hommes qui m’interpellent dans la rue. Peu importe qui ils sont ou comment ils sont.

“J’ai ainsi enchaîné les aventures sans lendemain avec des gens que je ne connaissais pas, de toutes les catégories sociales: un enseignant, un commerçant, un maçon, un concierge… Parfois, j’ai même payé pour ça.”

Casablanca, un souffle de liberté bienvenu

J’ai quitté la maison de mes parents après le bac pour poursuivre mes études à Casablanca. Une ville plus grande, plus anonyme, où je ne risquais pas de croiser un visage familier à chaque fois que je mettais les pieds dehors. Une nouvelle vie que j’espérais plus libre s’annonçait pour moi.

Dès le premier jour à l’institut privé où je suivais mon cursus supérieur, plusieurs filles ont tenté de s’approcher de moi. J’ai donc noué quelques amitiés qui m’ont apporté beaucoup de belles choses. J’ai pu confier mon secret à deux camarades de classe qui ont réagi avec bienveillance, sans une once de moquerie ou de jugement. Elles m’ont même affirmé qu’elles l’avaient senti dès nos premiers échanges: “ Je le savais, tu es trop sensible et trop soigné pour un mec hétéro, et puis… tu as un peu de manières ”, m’a dit en me taquinant gentiment l’une d’elles.

Mes deux nouvelles copines m’ont mis en contact avec un de leurs potes, homosexuel lui aussi, qui est devenu mon meilleur ami. Il m’a aidé à faire des rencontres sympathiques en m’orientant vers des endroits où se retrouvent les homosexuels ou en m’indiquant des applications mobiles destinées aux gays.

Coup de foudre à Dar el Baida

J’ai continué à multiplier les conquêtes, jusqu’au jour où une connaissance commune m’a parlé de Saïd et m’a suggéré de le rencontrer, “pour un moment de fun, sans prise de tête”. Je l’ai vu la première fois dans un pub au centre-ville. Il avait la quarantaine débutante, les cheveux poivre et sel et de grands yeux noirs teintés de mélancolie. Je lui ai trouvé beaucoup de charme et d’allure. Le courant est tout de suite passé entre nous. On a discuté un peu, avant d’échanger nos numéros et de se fixer un deuxième rendez-vous. On a passé une après-midi inoubliable ensemble, dans un hôtel. Il m’a ensuite déposé chez moi, avant de disparaître sans donner suite à mes appels pendant une semaine.

Il m’a finalement rappelé un vendredi soir pour me proposer de sortir dîner. Et c’est là, entre le plat de résistance et le dessert, qu’il m’a tout dévoilé:

“Je suis marié et père de deux enfants que j’adore”.

À dire vrai, ça ne m’a fait ni chaud ni froid. Après tout, ce n’est pas comme si on pouvait fonder une famille tous les deux un jour, dans un pays où on risque de finir derrière les barreaux pour un smack dans la rue. A la fin du dîner, il m’a demandé de devenir son amant, le seul et l’unique :

“ Je te trouve propre, tu es cultivé et de bonne famille. Je cherche un homme comme toi depuis longtemps, mais il va falloir que tu arrêtes de voir d’autres personnes.”

J’étais submergé par l’émotion, j’avais enfin trouvé la perle rare, un bel homme mature et classe qui me promettait amour et fidélité. Mon voeu le plus cher se concrétisait enfin…

Ça va faire bientôt deux ans qu’on se fréquente, et on est profondément amoureux l’un de l’autre. Je suis comme sa seconde femme, aimante et dévouée. Il sait qu’il peut me faire entièrement confiance. Avec moi, il a dépassé la peur permanente qu’il avait de contracter une MST, on n’a plus besoin de se protéger durant nos rapports. En contrepartie de mon abnégation, il prend soin de moi, me couvre de cadeaux, paie mon abonnement à la salle de sport et m’emmène parfois en voyage.

On ne se voit pas seulement pour coucher ensemble, on fait plein d’autres choses à deux, comme prendre un pot, dîner en tête-à-tête ou s’offrir de longues promenades sur la corniche. Il a même été présent lors des funérailles de mon père pour me soutenir, et je l’ai présenté à ma famille comme un collègue. Ils ne pourront jamais comprendre ni accepter ce que je suis.

Ici, même en ayant un partenaire régulier, la clandestinité demeure la règle. Même si on désire ardemment “sortir du placard”, faire son coming-out comme on dit et vivre son  amour au grand jour, la raison finit toujours par l’emporter. Question de survie…

Préserver la vitrine sociale, à tout prix

Saïd adore sa vie amoureuse avec moi, il me le fait savoir par tous les moyens. Mais il tient aussi à sa famille et à son image en société qu’il tente de préserver à tout prix, car si jamais le pot aux roses venait à être découvert, il perdrait tout ce qu’il a construit, ses enfants, ses relations et son business.

Par prudence, pour nos moments d’intimité, on se retrouve le plus souvent dans des hôtels en dehors de Casablanca ou dans sa résidence secondaire à Marrakech.

Je me souviens, l’été dernier, il était en famille pour une semaine à Marrakech, avec sa femme, ses enfants et sa mère. Je me suis arrangé pour y être aussi au même moment afin de le pousser à me voir. Il faut dire qu’il m’avait promis de me consacrer cette semaine avant de m’informer à la dernière minute qu’il voyagerait avec les siens.

Une fois à Marrakech, je l’appelle pour lui dire que j’y suis aussi avec des amis. N’ayant aucun moyen de sortir du fait de la présence des siens, il décide de leur réserver un hôtel à Taghazout et de les y conduire, sous prétexte qu’il fait trop chaud pour sa vieille maman et que cela permettra aux  enfants de profiter de la mer. Il a inventé tout ce scénario pour pouvoir me retrouver et passer un moment intime ensemble sans crainte.

Sa femme a eu des soupçons, comme toutes les fois où on voyage ensemble.

Elle est convaincue qu’il a une maîtresse. En voulant prendre ma douche, j’ai trouvé un post-it collé sur le miroir de la coiffeuse de la chambre à coucher : “Ton épouse qui t’adore!”, avait-elle écrit avec son rouge à lèvres. Je suis sûr que ce petit message m’était destiné, moi “l’amante” de son cher mari.  J’en ai ri intérieurement.

Franchement, je trouve qu’elle a beaucoup de chance par rapport à d’autres femmes, au moins il la trompe parce qu’il est homosexuel et non pas avec une autre femme, ce qui, je pense, aurait été bien plus blessant pour son amour-propre.

La clandestinité, cause de tous nos maux

Aux yeux de la loi comme de la société, nous commettons un double crime: celui de l’homosexualité, mais aussi celui de l’adultère.

Nos amours interdites, nous les vivons dans la clandestinité. Plus généralement, en tant que gay, on doit souvent faire semblant d’être hétérosexuel pour se protéger d’une éventuelle agression. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle je refuse de dévoiler les noms des applications de rencontres pour homosexuels. J’ai deux amis qui ont été tabassés jusqu’au sang par des hommes qui les ont piégés à travers l’une de ces applications… Vous savez, il existe une foule de gars prêts à jouer les héros en “cassant du pédé”, ils ont l’impression d’affirmer leur virilité en s’en prenant à nous, comme ils le font avec les femmes. Nous sommes des proies faciles, les défouloirs de toutes les frustrations…

  • Les prénoms ont été modifiés

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