L’accord controversé de Google avec plus de cent cinquante hôpitaux aux Etats-Unis

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Le géant Google, par sa filiale « cloud » d’hébergement de données en ligne, a signé un accord avec Ascension, un des plus gros acteurs de la santé aux Etats-Unis.
Le géant Google, par sa filiale « cloud » d’hébergement de données en ligne, a signé un accord avec Ascension, un des plus gros acteurs de la santé aux Etats-Unis. SEBASTIEN VUAGNAT / AFP

« Exclusif : Nightingale, le projet secret de Google, amasse les données personnelles de santé de millions d’Américains » : le titre de l’article publié par le Wall Street Journal, mardi 11 novembre, a de quoi faire peur. D’autant plus que, selon le quotidien, « les patients n’ont pas été informés » de cette transmission d’informations personnelles.

Le géant du numérique, par sa filiale « cloud » d’hébergement de données en ligne, a en effet signé un accord avec Ascension, un des plus gros acteurs de la santé aux Etats-Unis, qui exploite 2 600 sites de soins, dont cent cinquante hôpitaux et cinquante maisons de personnes âgées. Le contrat – le plus important négocié par Google dans le secteur – prévoit le transfert des dossiers médicaux complets : identité des patients, diagnostics, résultats d’examens, antécédents.

Le but est notamment de tenter de développer, grâce à l’analyse des données et grâce à l’intelligence artificielle (IA), des outils permettant de suggérer aux médecins des examens complémentaires, des prestations supplémentaires ou des traitements, voire d’identifier des anomalies dans le parcours de soins, explique le Wall Street Journal.

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Le domaine sensible de la santé pose question

Comment est-il possible que les patients n’aient pas été informés ? Google et Ascension ont précisé a posteriori que l’accord était légal et respectait notamment le Health Insurance Portability and Accountability Act (Hippa). Ce texte de 1996 consacré au système d’assurance-santé américain prévoit que les acteurs privés du secteur peuvent partager des données sans mettre les patients au courant si « les informations sont utilisées pour aider l’entité à assurer ses missions de santé ». Or, c’est le cas, insiste Google : « Ces données ne peuvent pas être – et ne seront pas – combinées avec les autres données détenues sur des consommateurs par Google », assure l’entreprise dans son communiqué.

Ascension, structure privée catholique et associative, « reste le manager des données »

Les patients concernés ne verront pas leurs données de santé être croisées avec les nombreuses informations issues de leurs recherches sur Internet ou sur la plate-forme de vidéos YouTube à des fins publicitaires, promet l’entreprise. Ascension, structure privée catholique et associative, « reste le manager des données et nous leur fournissons des services », écrit le géant de la recherche en ligne.

Toutefois, note le Wall Street Journal, les dossiers de millions de patients sont accessibles à plus de cent cinquante employés de Google, qui a dans le passé parfois été pointé du doigt pour des problèmes de protection des données. Cet accord passé dans le domaine sensible de la santé avec un géant du numérique pose question, au regard des nombreux scandales récents liés au respect de la vie privée, dont l’affaire Cambridge Analytica chez Facebook. Le contrat met aussi de nouveau en lumière les limites de l’arsenal de protection des données aux Etats-Unis. De nombreuses voix appellent d’ailleurs à la création d’une loi sur la vie privée et d’une agence ad hoc – comme il en existe en France depuis 1978, avec la loi informatique et libertés et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

L’avancée des GAFA dans le domaine de la santé

L’émotion créée par le scoop du Wall Street Journal tient aussi à la surprise des lecteurs, car l’accord n’était pas connu. Dans son communiqué, Google sous-entend qu’il n’était pas secret car l’entreprise l’avait évoqué en juillet dans sa conférence téléphonique avec les analystes financiers après les résultats du deuxième trimestre. Mais l’information était laconique : « Enfin, les solutions d’intelligence artificielle et d’apprentissage machine de Google Cloud aident également des organisations de santé (…) comme Ascension à améliorer l’expérience et les résultats des soins », avait simplement annoncé un responsable. En n’ayant pas davantage communiqué en amont, Google se retrouve en réaction sur la défensive.

L’accord avec Ascension est un test pour la firme de Mountain View

Au-delà des doutes sur la protection des données, le contrat illustre l’avancée des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) en général, et de Google en particulier, dans le domaine de la santé. L’accord avec Ascension est un test pour la firme de Mountain View, en Californie : elle développe – gratuitement, selon le Wall Street Journal – des applications ou des algorithmes censés aider les soignants. « Nous cherchons à fournir des outils qu’Ascension pourrait utiliser pour apporter des améliorations dans la qualité clinique et la sécurité des patients », écrit Tariq Shaukat, le dirigeant de Google Cloud.

Unifier et croiser de grandes bases de données, puis faire ingérer le passé médical d’un patient à des logiciels d’IA permettrait en théorie de trouver de nouvelles corrélations, voire d’améliorer les traitements et d’assister les médecins – ou, au minimum, de réduire les dépenses ou d’augmenter les revenus. Toutefois, ces recherches sont en cours et les bénéfices précis restent en partie à prouver, comme l’ont montré les limites rencontrées à ses débuts par le projet Watson d’IBM. « Certaines des solutions étudiées pour Ascension ne sont pas encore déployées et sont plutôt à l’état de test préliminaire », précise d’ailleurs M. Shaukat.

Les clients et partenaires santé de Google Cloud

Avant le contrat avec Ascension, Google Cloud rappelle qu’il avait déjà d’autres clients, dont la clinique de Cleveland (Ohio), l’American Cancer Society, l’entreprise pharmaceutique et d’informatique McKesson… mais ces partenariats semblent moins importants et concernent parfois du simple transfert d’hébergement de données, depuis des serveurs en interne vers les serveurs de Google, accessibles sur le Web, avec tout ordinateur habilité.

Google a aussi établi en 2016 un partenariat avec le groupe pharmaceutique Sanofi pour étudier des traitements du diabète ; il a été élargi en juin pour améliorer le développement de médicaments « personnalisés », ainsi que le suivi de leurs effets sur les patients. La maison-mère de Google, Alphabet, possède également Calico, une filiale de recherches pour prolonger la vie, et aussi Verily, qui s’est associée en mai aux poids lourds du secteur Novartis, Sanofi, Pfizer et Otsuka pour améliorer le lourd processus des essais cliniques, consistant à tester des médicaments sur des cobayes.

Une récente acquisition de Google a également alimenté les spéculations sur ses ambitions dans la santé : celle de Fitbit. Le rachat de ce producteur de bracelets connectés pour le sport et le bien-être pourrait permettre de disposer d’appareils capables de mesure des données de santé. C’est également une des approches d’Apple, qui nourrit de grandes ambitions dans la santé avec sa montre Apple Watch. De son côté, Amazon a également l’intention de pénétrer le marché, notamment par sa propre filiale de cloud, leader mondial du secteur.

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