Malgré le drame qui les frappe, les « Beatles malgaches » continueront à composer

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Une séance d’enregistrement du groupe Mahaleo sur la chaîne France 2, en août 2015.
Une séance d’enregistrement du groupe Mahaleo sur la chaîne France 2, en août 2015. Wikimedia Commons / Falimalala

Au centre du gymnase, une scène aux couleurs du drapeau de Madagascar. Et, posé délicatement devant, le cercueil couvert de gerbes de fleurs blanches. Les gradins et les sièges ne désempliront pas. Le temps d’une soirée, personnalités du monde de la culture et habitants d’Antananarivo, la capitale malgache, se sont assis côte à côte, mercredi 6 novembre, au palais des sports de Mahamasina pour la veillée funèbre en l’honneur de Dadah Rabel (Rakotobe Andrianabela), décédé trois jours auparavant d’un AVC lors d’un déjeuner de famille. Il avait 65 ans.

Le 20 octobre, la tragédie avait frappé une première fois le célèbre groupe de musique Mahaleo. Fafah (Famantanantsoa Rajaonarison), poète et auteur, la voix de tête de la formation, mourrait des suites d’une longue maladie. Ils étaient sept (Raoul – Razafindranoa Raosolosolofo – est décédé 2010 et Nono – Rakotobe Andrianabelina – en 2014), ils ne sont désormais plus que trois : Charles, Bekoto (Honoré Rabekoto) et Dama (Zafimahaleo Rasolofondraosolo).

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Le groupe a pour l’instant suspendu tous ses contrats, pour prendre du repos, mais l’aventure ne s’arrêtera pas là, assurent-ils. « Mahaleo, c’est plus que de la musique, c’est un mouvement et un esprit, affirme Bekoto. Ça, c’est immortel. Nous ne sommes plus que trois, mais la création et le militantisme doivent continuer, au nom de Madagascar. »

Mahaleo signifie « libre » en malgache. Et pour cause : leur histoire est intimement liée aux soubresauts politiques de la Grande Ile. La formation de folk naît au cœur des grèves d’Antsirabe en 1972, dirigées contre la politique néocolonialiste de la première République et ses accords de coopération. Le régime est alors dirigé par Philibert Tsiranana et n’y survivra pas. Dama, Raoul, Bekoto, Raoul et Nono sont encore étudiants à l’époque et animent les grèves de leurs lycées.

« Le levain des révoltes »

« 1972, c’était à la base un soulèvement lycéen qui a été rejoint par la société civile, explique Marie-Clémence Paes, de la société Laterit et productrice du film Mahaleo, sorti en 2005. C’est pour cela que l’on dit souvent que Mahaleo a été le levain de ces révoltes : leurs chansons ont permis aux lycéens de tenir la protestation pendant longtemps. Les enseignants français étaient entre autres payés plus que leurs homologues malgaches. »

Aujourd’hui, malgré la tragédie, l’esprit de révolte est toujours là. « Je ne suis toujours pas content de ce qui se passe ici et le message ne change pas : c’est l’espoir et la vie avant tout », assène Bekoto depuis Antsirabe où son ami Dadah Rabel a été enterré. « Je suis désormais l’aîné du groupe, son porte-voix, et c’est dur à porter », reconnaît-il, avec émotion.

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Malgré leurs succès, les Mahaleo n’ont jamais été un groupe de professionnels. « La musique n’a jamais été qu’un moyen de financer leurs études, renchérit Marie-Clémence Paes. C’était des musiciens qui voulaient raconter des choses de leur quotidien. » Ils deviendront médecins ou sociologues, ne cessant jamais de s’engager pour leur pays, auprès des populations les plus vulnérables.

Bekoto est ainsi très connu sur la Grande Ile – rurale à 70 % – pour son engagement auprès des paysans. Les sept hommes se sont par ailleurs toujours tenus très loin d’un quelconque star-system. « Cette époque [1972], c’était la débrouille. J’ai fabriqué moi-même ma première guitare sèche avec les câbles de frein de ma bicyclette. Je l’ai accordée comme un kabosy [petite guitare rustique malgache] », racontait Dama en août 2018, alors candidat à l’élection présidentielle après avoir été deux fois député.

« Nous finirons toujours ensemble »

« Pour moi, ce sont les Beatles malgaches, affirme Raymond Rajaonarivelo, réalisateur du film Mahaleo. Ils sont connus absolument partout dans Madagascar, c’est incroyable ». L’homme a connu le groupe à ses débuts, dans la rue à Antsirabe. Les Mahaleo sont aussi très appréciés de la diaspora et la société Laterit produira leur spectacle en deux parties à l’Olympia, en 2007, à l’occasion de leurs 35 ans d’existence.

« Leur musique parle de problèmes malgaches et africains, mais aussi d’amour, de mort, de pauvreté… Toutes les générations les connaissent », souligne le réalisateur. Si les paroles sont universelles, les mélodies aussi touchent un large public. Un savant mélange de musique de la Grande Ile et de folk américain. Dama se dit très inspiré par les protest songs des années 1970, et cite parmi ses inspirations Bob Dylan, Miriam Makeba, Jacques Brel, Georges Brassens, James Brown ou encore BB King.

« On a encore des compositions inédites, environ 200, sous le label Mahaleo, souffle Bekoto. On est en train de voir comment les sortir et comment rebondir après ces tragédies. » Après tout, dans la chanson Hiaraka Isika, composé par Dadah Rabel, le groupe chantait : « Nous finirons toujours ensemble, dans la joie comme dans le malheur. »

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