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Les manifestants chiliens sont nombreux à réclamer une nouvelle constitution, et cette demande se trouve formulée par d’autres mouvements de contestation ailleurs dans le monde, signe d’une volonté de se réapproprier le droit, estime dans une tribune au « Monde » le constitutionnaliste Carlos M. Herrera.
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Tribune. Les événements que se déroulent au Chili depuis le 18 octobre – et que les observateurs traduisent de plus en plus en termes de « soulèvement populaire » – renferment plusieurs enseignements, y compris dans un domaine qui semblerait a priori le plus éloigné de la contestation de l’ordre : le droit constitutionnel. Pourtant, dès les premières manifestations de rue, la principale réclamation apparue de manière spontanée fut celle d’« assemblée constituante », l’autre étant la démission du président Sebastián Piñera.
Elle a été renforcée depuis, par la tenue, dès les jours suivants les premières mobilisations, de plusieurs forums sur la question, qui réunissent aussi bien des universitaires engagés sur la question que des acteurs issus de la contestation, notamment des jeunes. Au point que la demande d’une nouvelle constitution condense le programme actuel du mouvement en ce qu’il a de plus systématique. Par ailleurs, selon les derniers baromètres d’opinion de l’université du Chili, elle est soutenue par plus de 80 % de sondés.
La prégnance de cette revendication s’explique par plusieurs raisons. Certaines touchent à l’histoire du Chili. Ce pays n’a pas connu au XXe siècle de constitution issue du pouvoir constituant. Celle de 1925, qui sanctionnait l’entrée du pays dans l’ère de la démocratie de masses, a été élaborée finalement par un groupe d’experts, en contradiction avec les promesses initiales.
« Gilets jaunes » et « indignés »
Encore plus loin de cette modalité proprement démocratique d’élaboration du droit était la Constitution de 1980, ourdie par les idéologues de la dictature du général Pinochet, texte qui reste aujourd’hui essentiellement en vigueur, en dépit de quelques révisions depuis la transition vers la démocratie entamée à la fin des années 1980.
De tous les pays qui ont connu ce passage pacifique des régimes autoritaires vers une démocratie, le Chili est le seul, et pas uniquement en Amérique latine, à être toujours gouverné par une norme suprême conçue par une dictature militaire (on se rappellera que le général Pinochet lui-même restera une figure centrale du système jusqu’à son arrestation à Londres en 1998).
De tous les pays qui ont connu ce passage pacifique des régimes autoritaires vers une démocratie, le Chili est le seul à être toujours gouverné par une norme suprême conçue par une dictature militaire
Justement, les manifestants qui demandent une nouvelle constitution l’associent à un abandon d’un modèle économique néolibéral, appliqué sans discontinuer depuis la fin des années 1970, y compris par des gouvernements élus sur un programme de centre gauche. En effet, ils pointent l’absence de normes garantissant l’existence de droits sociaux parmi les sources principales de la situation d’inégalité qui vit le peuple chilien, et qui a été à l’origine du soulèvement.
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