« En matière de niveau de vie, il y a eu une forme de rattrapage entre l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest »

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Pour Joachim Ragnitz, économiste à l’institut Ifo à Dresde, les traces laissées par les bouleversements de la réunification allemande sont encore visibles dans des Länder de l’Est.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 11h21

Temps de Lecture 4 min.

Le terrain de l'ex-aciérie EKO-Stahl, qui appartient aujourd'hui à ArcelorMittal, à Eisenhüttenstadt, dans le Land du Brandenbourg, en octobre.
Le terrain de l’ex-aciérie EKO-Stahl, qui appartient aujourd’hui à ArcelorMittal, à Eisenhüttenstadt, dans le Land du Brandenbourg, en octobre. Amélie Losier/Pour Le Monde

Trente ans après la chute du mur de Berlin, Joachim Ragnitz, directeur-adjoint de la succursale est-allemande de l’institut économique Ifo, à Dresde (Saxe), dresse le bilan économique de la réunification pour les Länder de l’Est et esquisse un tableau mitigé de leur situation actuelle.

S’il reconnaît à ces régions de réels atouts intrinsèques, l’économiste est pessimiste quant à leurs chances rattraper les riches régions de l’Ouest, du fait de la faiblesse de leur tissu industriel et d’une situation démographique préoccupante à moyen terme.

Avant la réunification, quelle était la situation de l’industrie est-allemande ?

La République démocratique allemande [RDA] était considérée par les organisations internationales comme un pays fortement industrialisé, au même titre que certains pays occidentaux. En 1988, 35 % de la population active est-allemande travaillait dans le secteur manufacturier, contre seulement 28,5 % en République fédérale d’Allemagne [RFA]. Mais cette industrie n’était pas performante. Les entreprises d’Etat avaient une faible capacité d’investissement et employaient de l’équipement souvent vétuste. Elles compensaient leur manque de technologie par le sureffectif, et cela les rendait encore plus inefficaces et moins compétitives.

Quel effet la privatisation massive des grands « combinats » d’Allemagne de l’Est a-t-elle eu sur le tissu industriel régional ?

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Il était, bien sûr, nécessaire et justifié de privatiser, mais on peut critiquer la façon dont l’agence de privatisation, la Treuhandanstalt, a procédé. Quand un organisme se donne pour objectif d’évaluer la viabilité de 12 000 entreprises en quatre ans, il commet fatalement beaucoup d’erreurs. De nombreuses entreprises auraient pu être sauvées et restructurées au lieu d’être liquidées en toute hâte. Il y avait aussi cette conviction que les 432 entreprises d’Etat étaient beaucoup trop grosses et qu’il fallait à tout prix les morceler. Leur démantèlement systématique a entraîné la disparition d’une certaine cohésion industrielle. Par exemple, de nombreuses activités de recherche et de développement ont disparu, et seule la production pure a été conservée. Ce processus de privatisation a donc accéléré l’effondrement de l’activité industrielle.

Comment les privatisations se sont-elles traduites sur l’emploi ?

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Sur les 12 000 sociétés prises en charges par la Treuhandanstalt, 7 853 sociétés ont été privatisées, mais au prix de transformations considérables, et 3 713 entreprises ont été mises en faillite. Pour l’emploi, cela a été brutal. Le nombre d’actifs dans l’industrie sur le territoire de l’ancienne RDA est tombé de 3,3 millions en 1988 à seulement 800 000 en 1994, avant de se stabiliser à ce niveau. La part de l’industrie dans l’emploi total est tombée à moins de 15 % en quelques années. Et, en plus des nombreuses fermetures d’usines, les entreprises qui n’ont pas fait faillite devaient licencier à tour de bras pour devenir compétitives.

Vous avez quitté Wiesbaden (Hesse) pour Halle (Saxe-Anhalt) en 1994. Quel est votre vécu d’intellectuel de l’Ouest s’installant à l’Est peu après la réunification ?

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La période des grands bouleversements était terminée. Mais le niveau de vie était encore très bas : c’était la croix et la bannière pour trouver un appartement ou même pour faire ses courses. J’ai été accueilli avec méfiance : j’étais perçu d’emblée comme le Wessi [Allemand de l’Ouest], carriériste et arrogant, qui prend de haut les Ossis. J’ai pensé que je ne tiendrais pas longtemps. Mais les choses se sont arrangées petit à petit. Après treize ans à Halle, je me suis installé à Dresde. Aujourd’hui, les conditions de vie des grandes villes d’Allemagne de l’Est sont comparables à celles de l’Ouest, et je m’y sens bien.

Quelles différences persistent du point de vue économique ?

L’industrie est-allemande se caractérise aujourd’hui par la présence de sites dévolus uniquement à la production. Les décisions stratégiques sont prises dans des sociétés-mères, à l’Ouest, et les activités à forte valeur ajoutée comme la recherche et développement sont situées ailleurs. Les sociétés industrielles est-allemandes sont aussi plus petites, car elles ont été fortement rationalisées au début des années 1990. La productivité y est plus basse, étant donné qu’elle est généralement corrélée à la taille des entreprises. Les salaires sont plus faibles qu’à l’Ouest, ce qui accentue encore la faiblesse relative de l’économie est-allemande. Des régions entières de l’ex-RDA ont un tissu industriel presque inexistant, notamment les régions périphériques du Brandebourg ou du Mecklembourg-Poméranie Occidentale.

Quelles sont les forces actuelles de l’industrie d’Allemagne de l’est ?

Tout n’est pas sombre à l’Est. Des entreprises industrielles innovantes et dynamiques y sont installées. Les exemples les plus connus sont Jenoptik et Carl Zeiss, à Iéna. Le fameux « triangle de la chime » de la Saxe-Anhalt, autour de l’usine Bayer de Bitterfeld, est un autre exemple intéressant. Il y a aussi des usines automobiles très modernes et performantes, comme le site Volkswagen à Zwickau, ceux de BMW et Porsche, à Leipzig. Par ailleurs, un grand nombre de PME dynamiques du Mittelstand sont établies à l’Est.

Les régions de l’Est ont-elles un espoir de rattraper un jour celles de l’Ouest ?

L’Allemagne de l’Est a des atouts indéniables, notamment une main-d’œuvre moins chère et plus flexible qu’à l’Ouest. Mais le vieillissement de la population de ces régions accentuera la pénurie de salariés qualifiés. La survie de nombreuses PME est menacée à moyen terme. Selon les projections de notre institut, les Länder de Saxe-Anhalt et du Mecklembourg-Poméranie Occidentale risquent de décrocher complètement. A l’opposé, l’activité industrielle des régions de Saxe et la Thuringe devrait se développer, mais sans atteindre le niveau de l’Ouest. Cela étant dit, grâce à la redistribution des richesses, les revenus réels des Länder de l’Est se situent à 92 % de ceux de l’Ouest, donc au moins en matière de niveau de vie, il y a eu une forme de rattrapage.

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