Au Mozambique, la réélection de Filipe Nyusi traduit la volonté d’hégémonie du Frelimo

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Le président mozambicain, Filipe Nyusi, lors d’un meeting à Matola, le 12 octobre 2019.
Le président mozambicain, Filipe Nyusi, lors d’un meeting à Matola, le 12 octobre 2019. GIANLUIGI GUERCIA / AFP

La Commission nationale des élections (CNE) aura attendu douze jours pour proclamer, dimanche 27 octobre, ce qui ne faisait plus de doute pour personne au Mozambique. Le président Filipe Nyusi a été réélu pour un mandat de cinq ans avec 73 % des suffrages. Son parti, le Front de libération du Mozambique (Frelimo), remporte 184 des 250 sièges à l’Assemblée nationale et dirigera l’ensemble des dix provinces du pays.

Alors que la publication progressive des résultats sur le site Internet de l’instance chargée d’organiser les élections avait servi à préparer l’annonce, la confirmation de cette victoire sans partage traduit la volonté d’hégémonie du parti au pouvoir depuis l’indépendance. Elle pose aussi la question, pour la suite, d’un processus de paix jamais arrivé à son terme depuis le premier accord avec l’ancienne rébellion de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo), en 1992.

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De fait, aucun parfum d’incertitude n’a jamais enveloppé les élections générales du 15 octobre. Le recensement des électeurs, le redécoupage de la carte électorale pour gonfler l’importance des bastions du pouvoir, la mise à disposition constante des moyens de l’Etat pour sa campagne, les tracasseries de dernière minute pour les opposants, l’usage de la violence allant jusqu’à l’assassinat d’un observateur indépendant par une escouade policière, puis l’arrivée le jour du vote de milliers d’observateurs d’un groupe jusque-là inconnu, laissaient préfigurer les intentions du Frelimo. Elles ne pouvaient être que confirmées dans le résultat officiel, le parti ayant la main sur l’ensemble des institutions engagées dans le processus électoral.

Une victoire contestée

Ainsi, dans les milieux informés de Maputo, avant que ne soit déposé le premier bulletin, les discussions portaient déjà sur le nom de l’éventuel successeur de Filipe Nyusi. L’actuel chef de l’Etat entame son dernier quinquennat, selon le mode de rotation interne du Frelimo, qui interdit jusque-là aux présidents de briguer plus de deux mandats. A moins que M. Nyusi ne soit désormais tenté de modifier la Constitution, fort de plus des deux tiers des députés dans la nouvelle Assemblée.

Mais sa victoire est déjà contestée. Lundi 21 octobre, Ossufo Momade, le candidat de la Renamo, crédité officiellement de 21,88 % des suffrages, avait préalablement « exhorté tous les Mozambicains à ne pas accepter les méga-fraudes » et exigé « le rétablissement de la vérité électorale ». Samedi, Daviz Simango, arrivé troisième du scrutin présidentiel, a jugé que le volume des irrégularités recensées dans ces élections était « sans précédent » et que leurs résultats devaient être considérés « nuls et invalides ». Huit des 17 membres de la CNE, composée de représentants du pouvoir, de l’opposition et de la société civile, ont refusé d’entériner les résultats.

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Parmi les observateurs étrangers, des doutes ont également été émis sur la qualité du processus. Dans son rapport préliminaire, la mission d’observation de l’Union européenne, qui n’avait que 170 agents déployés, a constaté « quatre cas de bourrage d’urnes dans les provinces de Manica et Sofala ». Elle a également jugé que « l’absence d’observateurs nationaux dans près de la moitié des 807 bureaux de vote visités ne contribue pas à la transparence du processus ».

Les observateurs de l’ambassade américaine à Maputo avaient pour leur part témoigné de « nombreuses irrégularités et vulnérabilités durant le vote et les premières étapes de la compilation » : « Par exemple, dans de nombreux bureaux à Gaza [une province où auraient été inscrits 200 000 électeurs fantômes], nos équipes ont noté une faible participation en milieu d’après-midi, mais les résultats affichaient le lendemain des taux de participation proche de 100 % ». D’autres observateurs, comme ceux de l’Union africaine ou plus encore de la Communauté des Etats d’Afrique australe (SADC), se sont montrés moins acerbes.

Immenses richesses gazières

La Russie, elle, n’a pas pris la peine d’attendre la publication des résultats finaux pour applaudir la réélection de Filipe Nyusi. Le président du Mozambique était d’ailleurs l’un des invités vedette du premier sommet Russie-Afrique, qui s’est tenu les 23 et 24 octobre à Sotchi, et Vladimir Poutine s’est saisi de l’occasion pour le féliciter de sa victoire. Peu importent les usages diplomatiques, surtout avec un ancien « pays frère » du temps de l’Union soviétique qui promet d’entrer ces prochaines années dans une nouvelle dimension économique.

Le Mozambique est aujourd’hui un pays courtisé pour ses immenses richesses gazières. Celles-ci devraient être pleinement exploitées dans la province de Cabo Delgado d’ici à cinq ans. Total a finalisé son entrée fin septembre dans l’un des deux projets majeurs, Mozambique LNG, et prévoit d’investir environ 25 milliards de dollars (environ 22,5 milliards d’euros) sur les prochaines années. Depuis deux ans, un groupe d’islamistes armés a déclenché une insurrection dans cette région du nord du pays. Les attaques se déroulent à quelques kilomètres des futures installations gazières mais ne semblent pas en mesure, jusque-là, d’ébranler la marche en avant du plus grand projet industriel d’Afrique.

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Le Frelimo, qui conserve tous les réflexes d’un parti-Etat tout en ayant su se réinventer comme intermédiaire obligé du monde des affaires, saura-t-il transformer le Mozambique grâce à cette manne ? L’« abeille » (signification de « Nyusi » en langue maconde) saura-t-elle, comme elle le promet, faire son miel pour tous les Mozambicains ? La question reste en suspens. Le scandale dit de « la dette cachée », quand de hauts responsables publics avaient emprunté secrètement 2,2 milliards de dollars pour un programme de construction navale, en 2011, dont 500 millions se sont envolés depuis, peut laisser craindre de graves dérives financières au sein de l’appareil d’Etat.

Pour l’heure, il s’agit de préserver la paix. La Renamo, affaiblie par la mort de son chef historique, Afonso Dhlakama, en 2018, n’a peut-être plus les moyens de faire la guerre, mais l’humiliation de cette élection, qui devait consacrer l’accord de paix signé en août, ne peut que l’inciter à susciter de l’instabilité dans l’espoir de faire entendre sa voix.

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