« La diaspora d’Europe et d’Amérique du Nord vote globalement pour l’opposition » – JeuneAfrique.com

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Du Fouta à la Casamance et de Dakar à Touba, en passant par la diaspora, « Jeune Afrique » revient cette semaine sur les grandes leçons du scrutin dans cinq bastions électoraux où s’est en partie jouée l’élection. Dans ce second volet, le politologue Étienne Smith analyse le vote de la diaspora sénégalaise.

Autorisée à voter depuis 1993, la diaspora a participé cette année à son cinquième scrutin présidentiel et s’est distinguée des électeurs présents le territoire national. Faisant la part belle à l’opposition, les Sénégalais de l’étranger ont accordé à peine plus de 48% des suffrages au président sortant Macky Sall, soit dix points de moins que sa moyenne nationale. Ousmane Sonko, lui, a enregistré 26,90% des suffrages en dehors du pays, où il termine deuxième devant Idrissa Seck (20,71%).


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Consigne de vote sur le territoire national, vote communautaire, soutien à l’opposition dans les pays du Nord : Étienne Smith, politologue, spécialiste du Sénégal et maître de conférences à Sciences Po Bordeaux, décrypte pour Jeune Afrique la sociologie électorale de la diaspora et son poids durant le scrutin du 24 février 2019.

(Tout au long de la semaine, JA reviendra, avec d’autres experts, sur les résultats les plus emblématiques de la présidentielle. Retrouvez le premier volet ici.)

Jeune Afrique : Quelle est l’influence du vote de la diaspora sur les élections ? Peut-on lier son poids électoral à son poids économique ?

Étienne Smith : La diaspora a représenté 4,6% de l’électorat de cette présidentielle. Ça paraît peu mais c’est l’équivalent d’une région moyenne du Sénégal, ce qui n’est pas négligeable. C’est pourquoi les candidats font des campagnes actives auprès de la diaspora. Ils ont d’ailleurs souvent l’occasion de commencer avant la date de début de campagne sur le territoire national.


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On prête souvent un effet multiplicateur au vote de la diaspora, mais il ne faut pas surestimer cet impact. On dit que le vote d’un émigré représente dix voix d’électeurs au pays, et on s’imagine ainsi que la diaspora donne des consignes de vote à ceux qu’elle fait vivre. C’est pourquoi en 2000, Abdoulaye Wade faisait distribuer des cartes téléphoniques pour que les émigrés appellent au pays pour les faire voter.

Mais nous manquons d’études sur l’impact effectif de la diaspora. Une enquête à laquelle j’ai participé en 2012 auprès des Sénégalais de New York et de Paris à la sortie des urnes, montrait qu’environ 40% d’entre eux disaient avoir donné une consigne de vote aux membres de leur famille au Sénégal. Mais cela n’indique pas pour autant que ces consignes sont respectées.

Jane Hahn/AP/SIPA

À l’étranger, Macky Sall n’a pas atteint 50% des voix, le vote de la diaspora est-il souvent en décalage avec les résultats nationaux ?

Chaque année, le vote à l’étranger est plutôt atypique. La diaspora vote généralement plus massivement pour le candidat sortant que le reste du pays. En 2000, elle a voté à 47% pour Abdou Diouf, contre 41% pour le reste du pays. En 2007, Abdoulaye Wade a enregistré 69% des voix à l’étranger contre 56% au Sénégal. En 2019, on observe une inversion. Macky Sall a obtenu 58% au Sénégal contre 49% dans la diaspora.

Il n’y a pas une diaspora mais bien des diasporas sénégalaises

Cette inversion s’est faite à la faveur d’Ousmane Sonko, arrivé deuxième à l’étranger. Comment l’expliquez-vous ?

Il n’y a pas une diaspora mais bien des diasporas sénégalaises. On constate un fort clivage entre les Sénégalais d’Europe et d’Amérique du Nord, et ceux qui vivent ailleurs sur le continent africain.

Généralement, la diaspora en Afrique vote pour le sortant. Cette année encore Macky Sall est en tête en Afrique de l’Ouest, Centrale et Australe. Alors qu’il est battu par l’ensemble de l’opposition partout ailleurs dans le monde.

La diaspora en Afrique vote plutôt comme les régions de l’intérieur du pays

En résumé, la diaspora d’Europe et d’Amérique du Nord vote globalement comme Dakar et les grands centres urbains, pour l’opposition. Au contraire de la diaspora en Afrique, qui vote plutôt comme les régions de l’intérieur du pays. Les scores obtenus par Macky Sall au Congo, au Burkina Faso ou au Gabon sont semblables à ceux qu’il a enregistrés à Kaolack ou Saint-Louis.

Comment expliquer cette diversité parmi « les diasporas » ?

Il y a une variable communautaire qui semble jouer au sein de la diaspora. Il existe des bastions de vote. Djibo Leyti Kâ en 2000 ou Macky Sall en 2012 et 2019 ont bénéficié du vote des populations hal pular de la diaspora. Mais cela ne permet pas d’en tirer des tendances générales.

Le critère le plus important reste la sociologie électorale et notamment le niveau d’études et de qualification. En Europe du Nord et Amérique du Nord, les membres de la diaspora les plus qualifiés et diplômés votent davantage pour l’opposition.

Sylvain Cherkaoui pour JA

Avec 746 bureaux à l’étranger, le Sénégal est l’un des pays au monde qui en compte le plus hors de son territoire

Comment expliquer que le taux de participation au sein de la diaspora – de 46% environ – a été plus faible que sur le territoire national, où il est de près de 66% ?

C’est un phénomène récurrent qui s’explique par le coût de l’acte de vote. Non pas au sens pécuniaire, mais par exemple par la distance entre l’électeur et son lieu de vote.

Avec 746 bureaux à l’étranger, le Sénégal est l’un des pays au monde qui en compte le plus hors de son territoire, mais il n’y en a évidemment pas partout dans les endroits où vivent les Sénégalais. Il y a aussi la question de l’accès à l’information et l’inscription sur les listes électorales, qui est plus compliquée qu’au pays.

Depuis 2017, l’obtention de députés pour la diaspora a-t-elle selon vous favorisé Macky Sall lors du vote ?

Faire de la diaspora la quinzième région du Sénégal était une promesse de campagne de 2012. Elle a plutôt pesé sur les législatives où la coalition Benno Bokk Yakaar a bénéficié d’une part importante des votes de la diaspora. Mais on ne peut pas dire que cela ait fait gagner des voix à Macky Sall à la présidentielle.

Quel sera donc l’enjeu lors des prochaines législatives ?

Cela dépendra de la stratégie de l’opposition et de la tenue ou non de législatives anticipées. En 2007 l’opposition avait boycotté les législatives, il faut voir si le même scénario se produit. En cas de législatives anticipées, l’opposition pourra tirer son épingle du jeu. L’Europe du Sud, historiquement acquise à Abdoulaye Wade, a reporté son vote cette année sur Idrissa Seck et Ousmane Sonko. L’Europe du Nord soutient plutôt l’opposition. Outre la diaspora en Afrique, le vote à l’étranger sera compliqué pour Macky Sall. Si en revanche il n’y a pas de dissolution de l’Assemblée nationale, les prochaines législatives auront lieu en 2022 et beaucoup de choses pourront changer d’ici là.



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JeuneAfrique

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