« En Tunisie, c’est un peu comme en France. Au premier tour, on choisit et, au second, on élimine ! »

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Les deux millions de Tunisiens résidant en France balancent entre espoir et indifférence à l’approche du second tour de la présidentielle dans leur pays d’origine.

Par Publié aujourd’hui à 17h58

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Houcem Ben Jemâa (à gauche) et Chourouk Ben Jehmi suivront le second tour de l’élection présidentielle tunisienne depuis Paris.
Houcem Ben Jemâa (à gauche) et Chourouk Ben Jehmi suivront le second tour de l’élection présidentielle tunisienne depuis Paris. RAPHAËL DUPEN

Ils sont à plus de 1 700 kilomètres de Tunis, mais ils n’entendent pas rester à l’écart des évolutions politiques de leur pays d’origine. Comme les 200 000 Tunisiens de France inscrits sur les listes électorales, Houcem Ben Jemâa et Chourouk Ben Jehmi suivront avec attention, dimanche 13 octobre, le point final d’une campagne présidentielle atypique : le duel final oppose le juriste conservateur Kaïs Saïed à l’homme d’affaires Nabil Karoui, sorti de prison mercredi après sept semaines de détention dans le cadre d’une affaire d’« évasion fiscale » et de « blanchiment d’argent ».

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Le résultat du premier tour, le 15 septembre, peut être perçu comme « frustrant », convient Chourouk, étudiante en école d’ingénieur, passée par les cours préparatoires du prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand. Mais il aurait pu être bien pire, ajoute la jeune femme, installée avec son ami Houcem à la terrasse d’un café du XIe arrondissement de Paris : « J’avais vraiment peur d’un face-à-face entre un candidat islamiste et Nabil Karoui ». Un scénario « catastrophique » selon elle, pour une population tunisienne qui a redouté de voir le parti islamo-conservateur Ennahda remettre en cause en 2011 – lorsqu’il était au pouvoir – le code du statut personnel. Cette série de lois progressistes, promulguées en 1956, vise notamment à l’instauration de l’égalité entre l’homme et la femme.

Une vraie « rupture »

« J’ai confiance dans l’évolution du pays. Nous sommes en bon chemin », explique Chourouk, sourire aux lèvres. « Un grand changement politique, comme celui qu’a connu la Tunisie en 2011 ne s’établit pas en une journée ! », renchérit Houcem, originaire de la région de Sfax et inscrit dans une grande école de commerce parisienne. « Prenons l’exemple de la Révolution française. Il a fallu beaucoup de temps pour mettre en pratique les acquis de 1789. Des dizaines d’années… Pourquoi devrait-il en être autrement pour nous ? », lance-t-il, sourire aux lèvres.

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Les deux étudiants se réjouissent des avancées obtenues depuis la chute du régime autoritaire de Ben Ali. « Les Tunisiens peuvent désormais s’exprimer librement », se réjouit Chourouk. Un « progrès » qui ne s’est cependant guère traduit dans le taux de participation : à peine 50 % au premier tour du scrutin présidentiel et environ 41 % aux législatives.

Houcem décrit une vraie « rupture » entre une population tunisienne désabusée et des hommes politiques perçus comme « menteurs ». Un lien distendu jusqu’en France, où une partie des électeurs tunisiens estime, selon l’étudiant, que leur vote est « inutile », car il n’aura aucune répercussion sur leur vie quotidienne.

Afficher tout haut leurs préférences

Vincent Geisser, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de la Tunisie, observe ce même désintérêt au sein de la diaspora tunisienne. « Les Franco-Tunisiens s’identifient de moins en moins aux enjeux politiques internes à la Tunisie, car ils peuvent se sentir mieux intégrés en France, explique-t-il. Pour une majorité d’entre eux, la construction démocratique en Tunisie n’est plus le centre de leur vie ! » Selon lui, plus de la moitié des Tunisiens de France ne votent pas à l’élection présidentielle de leur pays d’origine.

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Certains n’hésitent pourtant pas à afficher tout haut leurs préférences. C’est le cas de Tarek Toukabri, le président de l’Association démocratique des Tunisiens en France. « Je vais voter Kaïs Saïed, pas par gaieté de cœur, mais pour faire barrage à Nabil Karoui », annonce-t-il sans ambages. Un candidat accusé de corruption ne doit pas devenir président de la Tunisie, insiste-t-il. Une pointe de regret perce dans la voix de celui qui n’avait pas vu venir Kaïs Saïed au second tour, mais pensait davantage à un succès de Youssef Chahed, le chef du gouvernement sortant, ou d’Abdelfattah Mourou, le candidat d’Ennahda.

« J’aurais préféré voter pour un futur président porteur d’un message de justice sociale et d’équité, à l’image de la Tunisie d’aujourd’hui », confie-t-il. Mais son humour reprend vite le dessus : « En Tunisie, c’est un peu comme en France finalement. Au premier tour, on choisit et, au second, on élimine ! »

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