« Un Munich des temps modernes »

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Dans une tribune au « Monde », Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, analyse le retrait des troupes américaines à la frontière turco-syrienne comme une lâche capitulation de Donald Trump face au président turc.

Publié aujourd’hui à 06h30 Temps de Lecture 4 min.

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Tribune. Le 7 septembre 2015, en pleine crise des réfugiés en Europe, l’éditorial d’Ibrahim Karagül, rédacteur en chef du journal pro-Erdogan Yeni Safak, portait le titre suivant : « Ouvrez les portes, que les millions se déversent sur l’Europe ». Aux yeux de l’éditorialiste, repris à plusieurs reprises par Erdogan lui-même, la première guerre mondiale, qui aurait eu pour seul objectif d’anéantir l’Empire ottoman, continuait, avec ses batailles décisives encore à venir. Et ces batailles allaient être lancées par la Turquie, enfin prête à prendre sa revanche sur l’Occident, cet ennemi « ontologique » ayant perdu depuis sa « virilité ». Le 26 janvier 2016, Karagül revenait à la charge : « Comprenez bien cela ! C’est nous qui allons dessiner la [nouvelle] carte » du Proche-Orient.

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La nuisance comme pouvoir a donc fini par payer : les Etats-Unis, la plus grande démocratie du monde, elle-même livrée à un égocrate, ont choisi de capituler devant l’une des anti-démocraties les plus inquiétantes du XXIe siècle, qui, depuis des années, n’a cessé de l’humilier et de s’allier avec ses autres ennemis déclarés : Poutine et l’ayatollah Khamenei. Ce Munich des temps modernes est d’autant plus révoltant qu’Ankara n’a jamais fait mystère de ses objectifs : mettre en place sa politique de « dékurdification » de l’est de l’Euphrate, qu’Abdülhalik Renda, l’un des architectes du génocide des Arméniens de 1915, proposait déjà en 1925 comme solution radicale et ultime à la question kurde en Turquie. Comme les hommes de 1915-1925, ceux de 2015-2019 restent profondément attachés au darwinisme social, qui considère les communautés humaines comme des espèces en guerre pour la survie et établit un lien organique entre l’« espace », à purifier, et l’« espèce », à faire prospérer.

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Le sort qu’Afrin a subi à l’hiver 2017-2018 a déjà montré les objectifs de la stratégie de conquête de l’erdoganisme : les djihadistes pro-Ankara ont considéré que cette ville kurde était un butin de guerre, se livrant à la confiscation de ses richesses et à un véritable nettoyage ethnique, que ne cessent de dénoncer depuis l’ONU et Amnesty International. Face à la tragédie d’Afrin, qui présente de nombreuses analogies avec celle infligée à Chypre en 1974, les démocraties pouvaient encore se prévaloir d’un alibi : l’espace aérien de cette région était contrôlé par la Russie de Poutine, dont le cynisme à toute épreuve ne laissait aucune marge de manœuvre pour une intervention occidentale. Il n’en va pas de même de l’est de l’Euphrate, que Trump offre à Erdogan sans dissimuler l’admiration qu’il a pour lui. L’homme fort d’Ankara n’a-t-il pas libéré en octobre 2018 le pasteur américain Andrew Brunson, qu’il détenait en otage ? Les deux leaders manifestent un même mépris pour la justice, les institutions et les procédures, pour ne croire qu’en les paroles qu’ils se donnent mutuellement.

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