La Turquie fait durer le calvaire judiciaire du philanthrope libéral Osman Kavala

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Le mécène libéral en détention provisoire depuis plus de 700 jours pour « tentative de renversement du gouvernement » reste incarcéré après une audience ubuesque.

Par Publié aujourd’hui à 10h14

Temps de Lecture 3 min.

Un tribunal d’Istanbul a décidé, mardi 8 octobre, de maintenir en détention provisoire le mécène Osman Kavala. Incarcéré depuis presque deux ans à la prison de haute sécurité de Silivri, à la périphérie de la ville, il est accusé d’avoir tenté de renverser le gouvernement lors des grandes manifestations antigouvernementales organisées dans le parc Gezi en 2013. Quinze autres militants de la société civile comparaissaient à ses côtés. Tous risquent la prison à vie dans cette affaire dont le déroulement est une entorse majeure aux principes de l’Etat de droit.

Parmi eux, Osman Kavala a fêté cette semaine ses 62 ans en prison. L’homme, un géant aux yeux bleus perçants et au sourire débonnaire, n’a rien d’un agitateur. Avant son arrestation, il a consacré l’essentiel de sa fortune familiale à financer des œuvres caritatives, se portant au chevet de l’enfance maltraitée, restaurant le patrimoine architectural, appelant sans relâche au dialogue avec les minorités religieuses et ethniques de Turquie. Les faits reprochés au groupe de seize prévenus auquel il appartient remontent au printemps 2013. A l’époque, 3,5 millions de Turcs étaient descendus dans les rues des grandes villes du pays pour protester contre l’autoritarisme de Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre.

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Parties de rien – un projet d’urbanisme contesté qui visait à couper des arbres dans le centre d’Istanbul –, les manifestations, appelées « mouvement de Gezi », se sont propagées au reste du pays pour devenir le premier grand mouvement de contestation contre Recep Tayyip Erdogan, à l’époque déjà tout-puissant, du jamais-vu depuis son arrivée au pouvoir en 2002. Les manifestations avaient été rapidement matées. Les procès intentés par la suite à certains des participants, accusés eux aussi à l’époque d’avoir tenté de renverser le gouvernement, avaient abouti à des relaxes. C’était en 2015, un an avant la tentative de putsch de juillet 2016 qui a fait basculer la Turquie, signataire de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’arbitraire, en matière judiciaire surtout.

En 2018, 26 115 enquêtes criminelles ont été ouvertes pour insulte au président Erdogan

Depuis, les purges n’ont jamais cessé. Au total, 77 000 personnes ont été écrouées, plus de 150 000 fonctionnaires ont été mis à pied et, aujourd’hui encore, n’importe qui peut être mis en prison pour un Tweet ou un article. Selon les statistiques du ministère de la justice, en 2018, 26 115 enquêtes criminelles ont été ouvertes pour insulte au président Erdogan, soit une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente. Le 27 septembre, le ministère public a ainsi requis quatre ans de prison pour le journaliste Mehmet Yilmaz, accusé d’avoir « insulté » l’ancien premier ministre Binali Yildirim pour avoir questionné l’origine de la fortune accumulée par ses fils, de riches armateurs.

Aucune preuve tangible

Dans l’acte d’accusation, le procureur présente le « mouvement de Gezi » de 2013 comme une opération montée depuis l’étranger dans le but de « mettre la Turquie à genoux ». Plusieurs diplomates européens sont cités dans le document de 657 pages où ils apparaissent comme les présumés complices d’un complot imaginaire. Avant tout, le dossier est vide. A ce jour, la justice turque n’a présenté aucune preuve tangible de la culpabilité du mécène.

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Mardi, à la troisième audience de son procès, Osman Kavala a pris la parole sans se départir de son calme. « Le fait que je sois maintenu en détention depuis si longtemps sans que le tribunal ait pu avancer des preuves de ma culpabilité est une violation supplémentaire du droit. Il s’agit d’une pratique illégale et discriminatoire, assimilable à une punition. J’exige que le tribunal mette fin à cette pratique illégale, discriminatoire. »

L’audience prend parfois des accents ubuesques. Question du juge à M. Kavala : « Des photos d’une carte des espèces d’abeilles et d’une bannière du Front révolutionnaire du peuple ont été saisies sur votre téléphone portable. Pourquoi ces photos ? » Réponse du prévenu : « Il s’agit d’une carte recensant les différentes espèces d’abeilles en Turquie. Je m’intéresse à la faune et à la flore. Il n’y a là aucun contenu politique. Différentes photos sont enregistrées sur mon portable. »

Nouvelle question du juge : « Connaissez-vous Soros ? » En Turquie, la fréquentation du milliardaire américain d’origine hongroise est assimilée à un crime depuis que M. Erdogan en a décidé ainsi. « Qui est derrière Kavala ? Le fameux juif hongrois Soros, un homme qui incite les populations à diviser les nations et à les démembrer », avait-il déclaré en novembre 2018. Les juges ont bien retenu la leçon.

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