« Alep était un enfer, mais c’était chez nous »

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Publié aujourd’hui à 03h11

Waad Al-Kateab : De la folie pure. Voilà ce que répétait mon père quand je disais qu’un jour je serais journaliste. Il grondait : « Waad, ma fille, nous n’avons pas en Syrie cette chose appelée liberté d’expression. Les problèmes s’abattront sur ta tête. Le régime t’imposera le silence ; ses services de renseignement t’engloutiront tout entière dans les sous-sols de leurs prisons. Jamais ils n’accepteront que tu parles, encore moins que tu critiques» Pour m’écarter de ce « danger », il accepta de m’accorder un autre de mes vœux : Alep. J’irais à Alep, à l’université, à la condition d’y étudier l’économie et le marketing.

Y a-t-il, de par le monde, un adolescent que le marketing fait vibrer ? J’étais dépitée, mais j’ai accepté parce que c’était Alep, et aussi parce que mon refus de m’inscrire au parti Baas [au pouvoir] compromettait l’obtention de n’importe quel diplôme intéressant. Ainsi fonctionnait notre dictature : elle nous coupait les ailes, nous privait de choix personnels. Personne n’imaginait alors que le pays se soulèverait et que, dans le sillage de notre révolution, la guerre chamboulerait les rêves et les destinées de tous les Syriens. La révolution m’a faite journaliste. La guerre a réduit Alep à néant.

Ma famille vivait à Masyaf, sur la route reliant Hama à la Méditerranée, mais mon grand-père était Alépin de souche. Masyaf était une petite ville de cambrousse avec un château médiéval. Je n’avais d’yeux que pour Alep, cette métropole riche de culture et d’histoire, avec une université réputée. J’étais une étudiante de 19 ans quand la révolution enflamma le pays, au printemps 2011. Pendant que nous parvenaient les images des protestataires réprimés dans le sang partout en Syrie, la télévision d’Etat ne cessait de mentir au sujet d’Alep. D’après le discours officiel, elle restait aussi paisible qu’un vieux cheval. C’était faux !

La réalisatrice syrienne Waad Al-Kateab et son mari, le docteur Hamza Khatib
La réalisatrice syrienne Waad Al-Kateab et son mari, le docteur Hamza Khatib ITN Productions

Dès le début, les plus téméraires avaient inscrit « Liberté », et même « Le peuple veut la chute du régime », sur les murs de l’université. Puis des comités s’étaient formés pour organiser des manifs. Nous étions « l’université révolutionnaire d’Alep ». J’y ai rencontré ceux qui, dans la guerre, deviendraient mes meilleurs amis. Et le Dr Hamza Khatib. Comme tous les camarades, Hamza Khatib n’était pas son vrai nom. Il l’avait adopté pour honorer l’âme d’un garçon de Deraa, arrêté à 13 ans, torturé à mort et dont le cadavre avait été rendu à sa famille avec des mutilations si atroces que les Syriens en avaient sangloté d’horreur et de honte.

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