Jean Vincent Duval veut briser la perception que les sourds et handicapés sont bêtes

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Jean Vincent Duval, champion d’Afrique en saut en longueur et sourd.

Jean Vincent Duval, champion d’Afrique en saut en longueur et sourd.

Fraîchement rentré du Kenya, Jean Vincent Duval, athlète sourd, est champion d’Afrique. Caressant ce rêve, il s’est dépassé au-delà de sa surdité. Quels sont ses défis au quotidien ? Qu’advient-il de l’encadrement des sourds à Maurice ? Nous l’avons interviewé sous l’interprétation de Mimose Duval, sa maman, dans le cadre de la Journée mondiale des sourds célébrée le 28 septembre.

Vous rentrez après avoir brillé à l’African Deaf Athletics Championship au Kenya. Que ressentez-vous ?

C’est une surprise pour moi. D’autant que c’est la première fois que j’y prends part. Je suis ému de revenir avec cette médaille, surtout pour Maurice.

Vous avez également décroché une médaille d’or aux Jeux des îles de 2019 et détenez le record d’Afrique en saut en longueur. Qu’est-ce qui fait de vous un champion ?

Avant 2011, je sortais toujours second. Le champion de Maurice semblait indétrônable. Puis, lors des Jeux des îles aux Seychelles, en 2011 justement, j’ai décroché deux médailles d’or en saut en longueur et aux 200 mètres. Je n’en revenais pas. J’ai obtenu deux autres médailles d’or en 2015. Pour l’édition 2019, les choses ont changé. J’ai participé uniquement au saut en longueur, avec 6 m 44, ce qui m’a valu une médaille d’or. Puis, on a récemment réalisé qu’avec un saut de 6 m 36 effectué aux Deaflympics, en Bulgarie en 2013, je détenais le record d’Afrique.

J’ai participé à six championnats régionaux et mondiaux. Tout cela vient de mon amour pour l’athlétisme. Je voulais devenir champion. Je me souviens qu’un jour, je regardais la télévision avec ma maman. C’est alors que nous avons vu Éric Milazar et Stephan Buckland remporter des médailles. Là, en lui montrant ces athlètes, je lui ai dit, en signes : «Maman, maman, moi : pareil». Alors je me suis entraîné pour devenir ce champion-là. C’était mon rêve.

Mimose Duval, la maman de Jean Vincent Duval et Jean-Nicolas, le fils de ce dernier.

D’où vous vient cette volonté ?

Je l’avais déjà en moi et dans la famille aussi. Mon grand-père, ma marraine, ma tante, mes oncles étaient dans le sport, le football entre autres. Le déclic est venu vers mes 16 ans. Je croyais alors être le seul enfant sourd à Maurice. J’ai intégré l’école des sourds et j’ai appris le langage des signes. Puis, le samedi, les associations se réunissaient à Rose-Hill, pour des activités. Je me suis essayé aux sports comme la course de 100 mètres puis de 200 mètres et le saut en longueur. De là sont nées la passion et la volonté. Actuellement, j’évolue entre Maurice et La Réunion. Mon épouse est Réunionnaise. Quand je suis dans mon île, je m’entraîne six fois par semaine avec Eric Milazar. À La Réunion, c’est cinq fois avec l’entraîneur, Rémi Dioflar.

Comment avez-vous découvert votre surdité?

C’était à la naissance. Je n’en étais pas conscient. On pensait qu’il fallait attendre un an ou plus pour que je parle. Lorsque ma maman opérait le «grinder» en cuisine, je ne réagissais pas. Vers un an et demi, on a détecté ma surdité. On est parti à La Réunion car il n’y avait pas de moyens de détection à Maurice. On m’a tout de suite appareillé, d’autant que ma surdité est profonde. J’entendais des sons mais je ne pouvais pas parler.

Comment s’est passée votre scolarité?

J’ai eu une scolarité normale, notamment dans une école privée mais je n’ai pu continuer faute d’encadrement. Après le CPE, j’ai intégré un collège jusqu’en Form II. J’ai cessé à partir de là car on me faisait plein de méchancetés…

Lesquelles?

Au collège, on volait mon pain. Pour pouvoir jouer au ballon, les autres élèves m’obligeaient à leur remettre mon argent ou tout ce qu’il y avait à manger. On écrivait des trucs, on me faisait plein de choses vaches. Quand ma mère l’a su, elle m’a tout de suite retiré de l’établissement. C’est dommage qu’à Maurice il n’y ait pas de collège pour les sourds. Ce n’est que maintenant qu’on commence à placer les enfants dans les centres de formation.

Comment votre entourage vit-il votre surdité?

Ce n’était pas facile. Quand je sortais de l’école, un de mes parents devait s’occuper de moi et l’autre s’atteler aux tâches quotidiennes. Ma maman a appris la langue des signes. On se parle et si on ne me comprend pas, j’écris. Je suis très à l’aise en anglais. La technologie m’a beaucoup aidé. Avant, on utilisait surtout Skype. Je répétais sans cesse à ma mère : «Achète téléphone, achète.»

Travaillez-vous?

Pour ma part, après la Form II, j’ai suivi plein de formations, notamment en informatique, avec des logiciels d’architecture, de graphisme, de bureautique, en anglais, en français entre autres. J’ai travaillé au sein d’une entreprise pendant trois ans. Je faisais des opérations sur l’ordinateur.

Comment faites-vous avec votre surdité au quotidien?

Je me suis vite adapté. Comme mon appareil auditif est numérique, cela m’aide pour une meilleure perception des sons. Par contre, quand quelqu’un parle, je dois suivre le mouvement des lèvres pour comprendre. Aussi, pour mes déplacements, je conduis. J’ai développé un bon sens de l’orientation ici et ailleurs.

Quel est le regard de la société sur les sourds, à Maurice?

Vous savez, il y a des gens qui m’approchent en constatant que je porte un appareil auditif et me disent : «Ah, tu as une pension, toi. Donne-moi de l’argent.» Ou alors d’autres font des commentaires sur mon appareil, sans même savoir ce que c’est. Certains pensent aussi que les sourds ou handicapés sont stupides et qu’on peut les embobiner. Ce n’est certainement pas le cas.

Comment changer cela ?

Il faut sensibiliser les gens à la langue des signes. Pourquoi faut-il un bulletin d’informations en fin de semaine pour les sourds ? Ne peut-on pas le faire en même temps que le journal télévisé à 19 h 30 ? Ne peut-on pas mettre un sous-titrage en parallèle ? Les gens normaux apprendraient en même temps. Avec ma femme, nous sommes très cinéphiles. On regarde les films en version originale. Pourquoi ne pas adapter cela à la télévision ? Brisons cette perception que les sourds et handicapés sont bêtes !

Les traitements pour les personnes sourdes ont-ils avancé à Maurice?

Nous sommes bien loin derrière en termes de traitements et d’encadrement à Maurice. Le gouvernement subventionne des implants à l’étranger mais ce n’est pas suffisant. L’encadrement fait également défaut. À La Réunion, il y a des écoles spécialisées. Avec ma maman, on s’y rend pour des thérapies chaque année. Vous avez des interprètes qui traduisent directement ce que vous dites. Il y a un accompagnement de ces derniers dans les procédures.

À Maurice, les gens ne traduisent pas littéralement ce qu’un sourd dit. C’est maintenant qu’on donne des appareils auditifs puissants aux enfants. On a des orthophonistes à l’hôpital mais les séances sont espacées et de courte durée. Dans mon cas, il m’en fallait au moins trois séances par semaine.

Après les Jeux des îles et les championnats, quel avenir se dessine à vous?

Je vais continuer à évoluer dans le sport tant que je le pourrai. Je suis vraiment passionné. Mon plus grand souhait maintenant est d’entraîner les enfants sourds et handicapés. Je veux leur montrer qu’on peut devenir champion. Il faut que tout le monde soit dans un même bateau, qu’on soit normal ou handicapé.

Bio express

Enfant unique de Jean-Claude et Mimose Duval, Jean Vincent Duval est âgé de 25 ans. Marié et papa de Jean-Nicolas, son bout de chou de 2 ans, il a brillé lors de plusieurs championnats internationaux. Il compte bientôt participer aux championnats mondiaux de 2020.


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Lexpress

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