« Ces années de plomb que le président Bolsonaro veut rétablir dans mon pays »

0
149

[ad_1]

Dans une tribune qu’il publie dans plusieurs titres de la presse internationale et dont il a réservé au « Monde » l’exclusivité en langue française, l’écrivain brésilien raconte son arrestation par la junte au pouvoir à Brasilia (1964-1985) et les séances de torture qu’il a subies.

Publié aujourd’hui à 05h30 Temps de Lecture 6 min.

Article réservé aux abonnés

28 mai 1974 : un groupe d’hommes armés pénètre dans mon appartement. Ils commencent par les tiroirs et les placards mais je ne sais pas ce qu’ils cherchent, je ne suis qu’un auteur de musique rock. L’un d’eux, plus gentil que les autres, me demande de les suivre « pour mettre au clair un certain nombre de choses ». Le voisin est témoin de tout l’incident et prévient ma famille, qui panique immédiatement. Tout le monde savait ce qui se passait au Brésil à l’époque, même si ce n’était pas couvert par les journaux.

Je suis conduit au Departamento de Ordem Politica e Social (DOPS), arrêté et photographié. Je demande ce que j’ai fait, il répond que ce sont eux qui posent les questions. Un lieutenant me pose des questions ridicules et me laisse partir. A partir de ce moment-là, je ne suis plus officiellement en prison – de telle sorte que le gouvernement n’est plus responsable de moi. Lorsque je sors, le type qui m’a emmené au DOPS suggère que nous prenions un café ensemble. Il hèle un taxi et m’ouvre gentiment la portière. Je monte et je donne l’adresse de mes parents – il faut qu’ils sachent ce qui s’est passé.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brésil : Jair Bolsonaro, un nostalgique de la dictature militaire

En route, deux voitures surgissent et bloquent mon taxi – un homme, revolver au poing, sort d’une des voitures et me sort brutalement du taxi. Je tombe à terre et je sens le canon du revolver contre ma nuque. Je vois un hôtel devant moi et je me dis : « Je ne peux pas mourir si vite. » Je sombre dans un état catatonique : je n’éprouve aucune peur, je n’éprouve rien. Je connais les histoires des amis qui ont disparu ; je vais disparaître et la dernière chose que j’aurai vue, c’est un hôtel. Le type me relève, me jette sur le plancher de sa voiture et m’ordonne d’enfiler une cagoule.

« Tu vas vraiment souffrir »

Nous roulons pendant une demi-heure peut-être. Ils doivent être en train de décider de l’endroit où ils vont m’exécuter – mais je ne ressens toujours rien. J’ai accepté mon destin. La voiture s’arrête. Je suis tiré dehors et roué de coups pendant qu’on me pousse dans ce qui semble être un corridor. Je crie, mais je sais que personne ne peut m’entendre parce qu’ils crient, eux aussi. « Terroriste !, hurlent-ils. Tu mérites de mourir. Tu te bats contre ton pays. Tu vas mourir lentement, mais avant ça tu vas vraiment souffrir. » Paradoxalement, mon instinct de survie commence peu à peu à se réveiller.

Je suis emmené dans une salle de torture avec un plancher surélevé. Je trébuche dessus parce que je ne vois rien : je leur demande de ne pas me pousser, mais je reçois un coup de poing dans le dos et je m’effondre. Ils m’ordonnent de me déshabiller. L’interrogatoire commence par des questions auxquelles je ne sais comment répondre. Ils me demandent de trahir des gens dont je n’ai jamais entendu parler. Ils disent que je ne veux pas coopérer, jettent de l’eau sur le sol, mettent je ne sais quoi sur mes pieds, et puis je parviens à voir, malgré la cagoule, une machine avec des électrodes qui sont placées sur mes parties génitales.

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: