« Les yézidis ont vécu le départ des peshmergas comme une trahison »

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L’anthropologue revient sur les aspects religieux et sociaux de cette minorité d’Irak, persécutée par les djihadistes, et dont les enfants nés de l’esclavage sexuel sont rejetés par leur propre communauté. Pour le pouvoir kurde, les yézidis représentent aussi un enjeu politique.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 15h00

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Juliette Duclos-Valois.
Juliette Duclos-Valois. JDV

Juliette Duclos-Valois est anthropologue. Doctorante à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris, elle conduit depuis 2013 régulièrement des enquêtes dans le nord de l’Irak. Elle travaille actuellement sur les migrations et le quotidien des personnes, notamment les yézidis, aux prises avec le conflit irakien.

La minorité yézidie, l’une des plus ­anciennes au monde, est pourtant mal connue. Comment la définir ?

L’idée de « plus ancienne » doit être relativisée, car c’est un raccourci pour parler de la survivance du zoroastrisme (Ier millénaire avant J.-C.), avec lequel le yézidisme a des similitudes sans en être un dérivé. Les yézidis sont nombreux à revendiquer ces origines, c’est-à-dire une religion préislamique commune au ­peuple kurde, mais la majorité des chercheurs s’accordent pour dater l’apparition du yézidisme au XIIsiècle.

Les yézidis pratiquent un monothéisme syncrétique.Leur religion se transmet essentiellement à travers des poèmes, des chants (qewl), des sermons (mishabet) ou des histoires (çîrok) – raison pour laquelle l’islam ne les reconnaît pas comme des « gens du Livre » [contrairement aux juifs et aux chrétiens], malgré l’existence d’au moins deux corpus de textes : le Mechef Rech [« Livre des révélations »] et le Jilwe [« Livre noir »]. Les yézidis croient en un Dieu qui créa l’univers grâce aux travaux de sept anges qu’ils vénèrent et dont le plus important, Taous Melek, est représenté par un paon. Ils respectent des interdits (aliments,mariages en dehors de leur communauté mais aussi intercastes, ou encore celui, tombé en désuétude, de se vêtir en bleu) et des rituels pour la plupart liés à la terre.

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Chaque village « appartient » ainsi à un lieu sacré, doté d’un ou de plusieurs temples, dont les plus connus sont ceux de Mehderi, proches du village de Bozan, et celui de Charaf-Al-Din sur le mont Sinjar. D’autres sont communs à tous, comme les temples de la vallée de Lalesh, dans le district de Cheikhan, dédiés aux 365 saints yézidis. C’est une société organisée en castes : celle des cheikhs puis des pîrs, castes supérieures dotées de prérogatives ­religieuses, et l’immense majorité des mûrids qui n’ont pas de rôle religieux.

Si les yézidis sont souvent perçus comme une entité simple, définie par la religion, et comme une communauté soudée et repliée sur elle-même, c’est en partie dû aux travaux qui leur ont été consacrés aux XIXe et XXsiècles. Voyageurs, journalistes etchercheursse sont alors attachés à retranscrire un système de croyances cohérent, faisant fi du contexte historique, politique et socio-économique dans lequel ils évoluaient. Plus récemment, les chercheurs ont montré que les solidarités yézidie sont liées à plusieurs sphères : celle de la famille, du clan, de la tribu, de la communauté ethnique étendue et des partis politiques. Bien sûr, le conflit actuel renforce les ­assignations identitaires.

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