« Cette présidentielle est la défaite d’Atiku Abubakar, pas la victoire de Muhammadu Buhari » – JeuneAfrique.com

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Le président sortant Muhammadu Buhari a été réélu avec 56 % des voix, a annoncé mardi soir la commission électorale nigériane. Un résultat que conteste son opposant, l’homme d’affaires Atiku Abubakar. Selon Vincent Hiribarren, historien spécialiste du Nigeria, cette élection cristallise le « non-renouvellement de la classe politique nigériane ».

Quatre ans de plus pour le président sortant Muhammadu Buhari. Dans la nuit de mardi à mercredi, après trois jours de dépouillement, la Commission électorale nigériane a proclamé les résultats définitifs des élections présidentielle et parlementaire. Avec 56 % des voix, le leader du Congrès des progressistes (APC) a devancé son challenger Atiku Abubakar, du Parti populaire démocratique (PPD), accrédité de 44 % des suffrages. Cette élection a très peu mobilisé la population : à peine 33 % des 84 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes.


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Interrogé par Jeune Afrique, Vincent Hiribarren, professeur d’histoire africaine au King’s College de Londres et auteur de l’ouvrage Un manguier au Nigeria : Histoire du Borno, considère que cette élection n’est pas la « victoire de Buhari, mais l’échec d’Atiku ».

Jeune Afrique : Le scrutin a fait déplacer 33 % des électeurs inscrits, soit moins qu’en 2015. Comment expliquez-vous cette faible mobilisation ?

Vincent Hiribarren : Trois facteurs expliquent cela. Tout d’abord, il y a une cause structurelle. Au Nigeria, très peu de personnes ont foi en la capacité des politiques à changer le cours de leur vie, sur le plan tant économique que social. Puis se pose la question du renouvellement de la classe politique. Les deux candidats sont depuis une vingtaine d’années dans le paysage, donc la jeunesse ne se sent pas vraiment représentée. Enfin, d’un point de vue conjoncturel, le report des élections a sûrement accentué ce manque d’engagement chez les Nigérians.

La région du Biafra est celle qui a connu le plus faible taux de participation (18 %). Est-ce lié à ses velléités indépendantistes ?

Le mouvement indépendantiste pro-Biafra, mené par Mazi Nnamdi Kanu, avait dans un premier temps appelé à boycotter les élections, mais il s’est finalement rétracté. Par ailleurs, les pro-Biafra présentent Buhari comme l’ennemi de tous les gens de la région. Une image dont le président n’a jamais voulu se défaire, en envoyant notamment l’armée dans la zone lors de son premier mandat, dans le but de calmer les ardeurs des pro-Biafra. C’est donc tout naturellement que la mobilisation y a été moindre pour le candidat de l’APC.

Atiku, qui l’a emporté au Biafra, a bénéficié de l’influence de son vice-président Peter Obi, ancien gouverneur de l’État

En revanche, Atiku, qui l’a emporté dans la région, a bénéficié de l’influence de son vice-président Peter Obi, ancien gouverneur de l’État. Le PDP a toujours eu un ancrage fort au Biafra.

Malgré la faible participation, le président Buhari réalise un meilleur score qu’en 2015. Cette élection est-elle une victoire pour lui ?

Non. Cette élection incarne plus la défaite d’Atiku qu’une victoire de Buhari. Le PDP a mal mené sa barque, car Atiku Abubakar n’était pas forcément le meilleur candidat de l’opposition. Son nom était contesté même en interne. L’ancien président Olusegun Obasanjo, dont il a été le vice-président, a d’ailleurs eu du mal à lui accorder son soutien. Atiku est un candidat pro-business, qui souhaite privatiser la compagnie pétrolière nationale. Ce discours néo-libéral n’est pas forcément ce dont a besoin l’économie du Nigeria, où 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.


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C’est ainsi que Buhari a tiré son épingle du jeu. Je ne pense pas qu’il ait emporté l’adhésion de la majorité des Nigérians – ceux qui se sont rendus aux urnes, mais aussi ceux qui se sont abstenus. Pour convaincre, il aurait dû s’adresser à la jeunesse, en essayant de séduire cette génération 1999 [année de la conversion du Nigeria à la démocratie] qui votait pour la première fois. Il n’a pas l’image d’un réformateur, mais plutôt d’un homme de 76 ans qui n’est pas toujours en forme, dépeint comme peu dynamique.

Muhammadu Buhari l’a emporté dans toutes les régions du Nord. Dans le septentrion – dont il est originaire – , qu’incarne-t-il ?

Dans le Nord, zone directement affectée par Boko Haram, Buhari représente celui qui a fait mieux que son prédécesseur. Il incarne ce personnage issu d’une famille aristocratique peule, en qui les gens du Nord – peul et haoussa – ont globalement confiance. Il est vu comme un homme intègre en mesure de combattre la corruption. En revanche, des soupçons de malversations pèsent sur Atiku.

Le président sortant pourra-t-il tenir les promesses qu’il a formulées aux niveaux économique et sécuritaire ?

Buhari a promis de diversifier l’économie du pays, qui repose principalement sur le pétrole, en valorisant entre autres l’agriculture. Je pense qu’il sera difficile de tenir cette promesse, car au Nigeria l’État est très faible et ne pourra pas intervenir dans l’économie. L’engagement de créer 15 millions nouveaux emplois est très ambitieux.

Au plan sécuritaire, la situation s’est globalement améliorée en 4 ans, mais à quel prix ? Buhari va devoir réinvestir dans l’armée et la réorganiser. Cette force militaire est un peu à l’image de l’État : de grosses sommes d’argent sont souvent débloquées au sommet, mais les soldats demeurent sans munitions, avec des conditions de travail très difficiles.



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JeuneAfrique

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