« Les forces armées françaises n’ont vraiment été fortes que lorsqu’elles ont débattu »

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Dans une tribune au « Monde », l’ancien colonel Michel Goya défend l’idée que les prises de position en matière de questions militaires ne sont pas incompatibles avec le respect de l’institution.

Publié aujourd’hui à 06h30, mis à jour à 06h34 Temps de Lecture 5 min.

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A l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, en voulant censurer, on prend désormais le risque d’amplifier.
A l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, en voulant censurer, on prend désormais le risque d’amplifier. VLADIMIR ZIVOJINOVIC / AFP

Tribune. Sous le Second Empire, on rayait de l’avancement tout officier dont le nom se trouvait sur la couverture d’un livre. En 1935, après la publication de Vers l’armée de métier par le lieutenant-colonel de Gaulle, il fut imposé un imprimatur officiel à toute publication d’article ou de livre par un militaire. Le général Weygand parlera plus tard d’un vent glacial vidant d’un seul coup un espace intellectuel jusque-là bien occupé. Dans les années qui ont suivi ces deux exemples, la France a subi un désastre militaire qui, à chaque fois, a été qualifié de défaite intellectuelle.

« La victoire de 1918 n’aurait pas été possible sans le bouillonnement intellectuel qui a précédé »

Inversement, les forces armées françaises n’ont vraiment été fortes que lorsqu’elles ont non seulement pensé – cela toutes les organisations le font – mais débattu. Les innovations militaires de la Révolution et de l’Empire n’auraient jamais eu lieu sans les « Lumières militaires », la victoire de 1918 n’aurait pas été possible sans le bouillonnement intellectuel qui a précédé. Il y a eu des centaines de livres et d’articles écrits par des militaires avant 1914. On y réfléchissait sur son propre métier, de la même façon qu’il y avait des débats dans d’autres disciplines, comme la médecine ou les sciences.

Le contexte

Le colonel François-Régis Legrier, chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique et commandant la Task Force Wagram au Levant d’octobre 2018 à février 2019, est l’auteur d’un article paru dans la Revue défense nationale (RDN, n°817), en février.

Intitulé « La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? », celui-ci critique la méthode et les résultats de la coalition internationale sous commandement américain dans la guerre contre l’organisation Etat islamique.

A peine publié, l’article a suscité une vive réprobation de la part de la hiérarchie militaire, et notamment de la ministre des armées, Florence Parly. Il est reproché au colonel Legrier de ne pas avoir soumis son projet et de s’être exprimé sans attendre son retour en France – le premier « retour d’expérience » que doit un chef de corps auprès de ses généraux est le traditionnel « compte rendu de fin de mission » confidentiel.

L’article a été retiré du site de la RDN, son rédacteur en chef, le général Jérôme Pellistrandi ayant indiqué « avoir manqué de discernement ».

L’ancien colonel et historien Michel Goya, qui apporte son soutien au colonel Legrier, a diffusé sur Twitter l’article en question.

De son côté, le général Serge Cholley, représentant de la France auprès du commandant de l’opération « Inherent Resolve » de juillet 2016 à 2017, apporte des éclairages plus précis sur la stratégie de la coalition et s’exprime dans « Le Monde » avec l’aval de sa hiérarchie.

Rétrospectivement, on y trouve beaucoup de bêtises – pas plus que dans les doctrines officielles, toutefois – mais aussi tout un stock d’idées alternatives qui ont permis au bouillonnement intellectuel de perdurer pendant la guerre, d’innover à grande vitesse et, justement, de faire évoluer les doctrines, jusqu’à la victoire finale.

Après le désastre de 1940, l’armée de la France libérée a connu à son tour une effervescence de réflexions professionnelles sur tous les domaines, depuis l’emploi des blindés jusqu’aux nouvelles formes de guerre et l’appréhension du phénomène nucléaire.

Nécessaire autonomie professionnelle

Clairement, dans l’armée de la Ve République, on hésite beaucoup plus. Le syndrome algérien, la fin des débats parlementaires sur les questions de défense au profit des conversations dans les cabinets d’un exécutif désormais prédominant ont induit la tentation de l’immixtion politique jusqu’aux échelons opérationnel et tactique. Les effets de ces immixtions ont rarement été bons. Le bon exercice du métier a besoin d’une direction stratégique mais aussi d’une autonomie professionnelle. Que la stratégie soit claire sera déjà énorme. Pour le reste, les soldats s’adapteront au contexte, et surtout à l’ennemi. Ils s’adapteront d’autant mieux qu’ils réfléchiront et débattront.

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