« Mon premier contact avec une nouvelle façon de voir le monde »

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Série « Le Monde » et moi. A l’occasion des 75 ans du quotidien, le ministre espagnol des affaires étrangères affirme que sa lecture est aussi une invitation à l’aventure.

Propos recueillis par Sandrine Morel Publié aujourd’hui à 06h00

Temps de Lecture 2 min.

Josep Borrell, ministre espagnol des affaires étrangères, à Madrid, le 20 mars.
Josep Borrell, ministre espagnol des affaires étrangères, à Madrid, le 20 mars. JAVIER BARBANCHO / REUTERS

Le Monde est mon journal de chevet depuis mes 17 ans, âge auquel j’ai quitté ma Catalogne natale pour venir à Madrid étudier à l’Ecole d’ingénieurs aéronautiques de l’Université polytechnique. C’était en 1964, l’Espagne vivait encore sous le joug de la dictature franquiste.

Je résidais dans un Colegio Mayor, le Diego de Covarrubias. Les Colegios Mayores sont plus ou moins l’équivalent espagnol des colleges britanniques. Plus qu’un simple logement, ils sont des lieux où des étudiants de différentes facultés vivent ensemble et participent à des activités culturelles, sportives et associatives. Bien que fidèle au régime, le directeur était un homme ouvert d’esprit. Grâce à lui, dans ce Colegio Mayor, nous pouvions débattre sur des sujets d’actualité nationale et recevions la presse étrangère. C’est donc aussi grâce à lui que j’ai découvert et commencé à lire Le Monde. Les médias anglo-saxons, comme le Financial Times ou le New York Times, ne s’étaient pas encore imposés en Espagne.

Un « afrancesado », un francophile

Je me souviens, avec la vivacité que seul le temps donne à la mémoire tardive, qu’un jour, alors que je descendais prendre mon petit déjeuner, j’ai trouvé dans la salle de lecture mon premier exemplaire du Monde. Je n’irai pas jusqu’à parler d’épiphanie, mais il est certain que ce fut là mon premier contact avec une nouvelle façon de voir et d’interpréter le monde qui a contribué à former mon architecture intellectuelle. En raison de mes penchants personnels, mais aussi de ma formation intellectuelle et académique (j’ai eu la chance d’étudier en France), je suis ce qu’en Espagne l’on appelle un afrancesado, un francophile, ce qui ne me gêne pas, même si ce terme évoque d’une certaine manière la collaboration avec l’envahisseur napoléonien.

Je me souviens encore, avec nostalgie, de la passion juvénile avec laquelle je cherchais ces « unes » en noir et blanc surmontées de ces lettres en gothique ancien qui sont encore aujourd’hui la marque du journal. Je me souviens, surtout, de ma frustration lorsque je descendais à la salle de lecture et que je constatais qu’un de mes camarades, levé plus tôt, m’avait volé mon rendez-vous matinal avec Le Monde, ou que celui-ci n’était pas arrivé à cause de la censure. Peut-être pour compenser cette expérience, j’ai pris pour habitude de commencer toutes mes journées en lisant les pages du Monde, toujours en version papier.

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Et en tant que ministre des affaires étrangères, je continue de le faire aujourd’hui. En général, je vais directement à l’éditorial, puis je poursuis ma lecture avec les chroniques, celle de Sylvie Kauffmann et des autres chroniqueurs. Le Monde est pour moi beaucoup plus qu’une simple source d’information. Sa lecture demeure un exercice intellectuel. Elle est aussi l’occasion de renouveler au quotidien la relation amoureuse que j’entretiens avec la langue et la culture françaises. Et, surtout, c’est une invitation à l’aventure. C’est dans les pages du Monde qu’un matin de 1969, j’ai vu une petite annonce d’une agence qui invitait de jeunes étudiants à aller travailler dans un kibboutz, en Israël. Cette agence se trouvait rue Scribe, à Paris. Je n’ai pas réfléchi une seconde. Ce matin-là, la lecture du Monde a changé ma vie. »

Josep Borrell est ministre espagnol des affaires étrangères et candidat du Conseil européen au poste de Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Notre série « “Le Monde” et moi »

A l’occasion 75 ans du quotidien, des personnalités françaises ou étrangères évoquent le rapport qu’elles entretiennent avec le journal.

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