« Grâce à cet article, nous devenions fiers d’être de Matera »

0
147

[ad_1]

Série « Le Monde » et moi. A l’occasion des 75 ans du quotidien, le maire de cité troglodyte du Basilicate, élue capitale européenne 2019 de la culture, rappelle qu’un article a transformé le regard porté sur sa ville.

Propos recueillis par Publié aujourd’hui à 06h00

Temps de Lecture 2 min.

Raffaello De Ruggieri.
Raffaello De Ruggieri. YouTube

« Ça va sans doute vous paraître étonnant, mais je peux vous affirmer qu’un article du Monde a changé notre vie ! Je suis né en 1935, ici, à Matera, en Basilicate, dans la ville des sassi. Je n’habitais pas dans ces maisons troglodytes, où s’entassaient alors plus de 15 000 personnes, dans des conditions très difficiles. Je vivais au-dessus, dans la ville haute, mais j’y descendais souvent. Au sortir de la guerre, le chef du Parti communiste italien, Palmiro Togliatti, est venu à Matera pour y voir de ses yeux les sassi et les a qualifiés de « honte nationale ». Quatre ans après, avec la loi Gasperi, les résidents ont été relogés dans des habitations nouvelles. En quelques mois, ces endroits habités depuis la préhistoire se sont vidés de leur population. Et tout le monde voulait oublier cette histoire.

Avec d’autres jeunes de la ville, à la fin des années 1950, nous avons décidé de créer une association culturelle, La Scaletta, pour ne pas laisser disparaître ce patrimoine unique. Nous voulions aussi explorer les cavités des environs, qui cachent des centaines d’églises rupestres. Nous mêlions activités culturelles et recherche historique. Mais nous étions très seuls : à Matera, les gens avaient honte, on ne voulait plus évoquer ce passé.

Et puis est sorti un très bel article sur Matera, dans Le Monde, en juillet 1968. C’était le témoignage d’un géographe, Maurice Le Lannou [1906-1992, futur professeur au Collège de France], qui revenait d’un voyage d’études dans le Mezzogiorno, et qui avait été émerveillé par sa découverte de la ville et rendait hommage à notre travail.

Déjeuner en famille sur une terrasse de Matera (Basilicate).
Déjeuner en famille sur une terrasse de Matera (Basilicate). Frederik Klose-Gerlich

Un « crève-cœur »

Dans ce texte, il qualifiait de « crève-cœur » la possibilité d’une disparition de la culture des sassi. Cet article venu de France a tout changé, parce qu’il nous a donné une forme de confiance en tout ce qu’on faisait, et nous a montré que nous n’étions pas seuls à vouloir ne pas perdre ce morceau d’histoire. Mieux que cela : cette publication dans Le Monde nous a fait comprendre que nous avions de quoi être fiers d’être de Matera.

Nos efforts ont redoublé, mais il y avait beaucoup d’obstacles. En 1969, j’ai voulu acheter moi-même un de ces sassi. Mais, au début, le notaire a refusé de signer l’acte : il trouvait incroyable que quelqu’un ait envie d’y vivre, et il ne supportait pas l’idée que je veuille emmener ma femme dans un endroit pareil !

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La revanche de Matera, ancienne « honte » de l’Italie

Notre travail a été long et patient, mais peu à peu nous avons été suivis ; et, dans les années 1970, nous avons commencé à être présents au conseil municipal pour nous faire entendre. En 1986, une « loi spéciale » autorisait les habitants à revenir dans les sassi et aidait à financer les travaux de réhabilitation. Tous ces efforts ont été couronnés par cette désignation comme Capitale européenne de la culture 2019, que nous avons inaugurée le 19 janvier. Pour préparer cet événement, j’ai repris du service, et j’ai été élu maire en 2015, sur une liste apolitique rassemblant tous ceux qui voulaient faire quelque chose pour ce projet.

Aujourd’hui, Matera est devenu un sujet de fierté, et c’est la société civile locale qui porte, depuis le début, ce projet qui se concrétise malgré les difficultés. Mais, à un demi-siècle de distance, je n’ai jamais oublié cet article qui a tant compté pour nous.»

Raffaello de Ruggieri a été élu (avec le soutien d’une coalition de centre-droit) maire de Matera en juin 2015.

Notre série « “Le Monde” et moi »

Des personnalités françaises ou étrangères évoquent l’étroit rapport qu’elles entretiennent avec le journal.

Rendez-vous au Monde Festival 2019 sur le thème « Imagine » !

La rédaction du Monde vous propose, du 4 au 6 octobre à Paris, une sélection de débats, spectacles et rencontres avec une centaine de personnalités, dont l’auteure féministe des Monologues du Vagin Eve Ensler, l’écrivain Russell Banks, l’essayiste Belinda Cannone , l’économiste Laurence Boone, l’humoriste Fary… Avec une trentaine de débats en lien avec l’actualité (« Poutine l’ingérent », « Indignés de tous pays ! » …) ou sur des sujets de société : « Demain, quelle viande mangerons-nous ? » ou « Drag, voguing, le queer sur le devant de la scène »…

Sans oublier la « Nuit de l’imaginaire », la séance de danse participative à l’Opéra Bastille, le « faux procès » présidé par Renaud Van Ruymbeke, et la séance de méditation collective animée par le philosophe Fabrice Midal et la violoniste Anna Göckel .

Réservez vos places

Réagissez ou consultez l’ensemble des contributions

[ad_2]

Source link

Have something to say? Leave a comment: